Art pauvre, ah ben Merz alors !
Activer de nouveaux mécanismes symboliques avec peu. Avec de la récup, du rebut et en opposition au minimalisme américain, décliner les préoccupations majeures de l’Arte Povera : la tautologie, l’écriture, la parole, l’énergie vitale, l’animalité, l’abri… Telles sont les propositions définies à Beaubourg cet été.
Attentifs aux traces, aux reliefs, aux plus élémentaires manifestations de la vie, les artistes de la mouvance Arte Povera et plus largement de « l’art pauvre » revendiquent des gestes archaïques. Les matériaux qu’ils utilisent sont souvent naturels et de récupération. La volonté de ces artistes n’est pas de faire de l’or avec de la paille ou des chiffons, mais d’activer un nouveau pouvoir symbolique. Cette forme de recyclage tient moins d’un credo que d’une pratique, à l’origine en opposition avec le minimalisme américain. L’Arte Povera apparaît par émulation, pas par adhésion. Deux manifestes annoncent sa naissance en 1967 : l’un du critique Germano Celant, qui inventa l’expression ; l’autre de l’artiste Alighiero Boetti, qui créa son affiche Manifesto dressant une liste de seize noms, certains reconnus, certains oubliés, d’autres qu’on peut s’étonner d’y trouver.
Avec Un art pauvre tout le Centre Pompidou résonne : du Musée national d’art moderne à l’Ircam, en passant par le service Cinéma ou les Spectacles Vivants, pour mettre en valeur la richesse et l’ampleur de cette manifestation.
• Dès le Forum, avec la présentation de la sculpture murale : Crocodilus Fibonacci, 1972, de Mario Merz, dont l’animal engendre la suite arithmétique emblématique de l’artiste.
• L’exposition de la Galerie 4 s’ouvre et se referme sur trois figures de l’art italien d’après guerre : Lucio Fontana, Piero Manzoni et Alberto Burri. Elle dévoile toute la diversité de l’Arte Povera à travers une quarantaine d’œuvres des principaux représentants de la mouvance et d’autres artistes moins connus pour en avoir été les pionniers : Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Mario Ceroli, Luciano Fabro, Piero Gilardi, Jannis Kounellis, Mario Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini et Gilberto Zorio. L’exposition retrace la décennie 1964-1974. Il faut y ajouter, outre quelques rares exceptions plus tardives, la notable année 1960 qui, en guise d’accueil, réunit Fontana, Manzoni et Merz, avant que ne se déploient plusieurs préoccupations majeures de l’Arte Povera : la tautologie, l’écriture, la parole, l’énergie vitale, l’animalité, l’abri… Des documents historiques imprimés ou photographiques présentés en vitrines complètent et remettent en situation œuvres et artistes. Le musée national d’art moderne conserve l’un des ensembles les plus importants d’Arte Povera au monde. Le don récemment consenti à la Bibliothèque Kandinsky des archives d’Ida Gianelli (photographies, objets, imprimés, correspondance), hôte privilégiée de ces artistes, viendra enrichir cette présentation.
En écho à l’exposition Un art pauvre, deux séances autour de l’Arte Povera et de ses principales figures sont proposées au Cinéma 2. Conçus à partir de films d’artistes et d’archives d’expositions, ces deux rendez-vous invitent à appréhender les relations étroites que ce courant artistique a entretenu avec l’art cinématographique, mais également à envisager les rapports à la fois complémentaires et contradictoires qui se jouent entre l’œuvre et sa documentation. Par ailleurs, au terme du parcours de la Galerie 4 sont projetés deux films, tournés par Thierry De Mey et par Raphaël Zarka sur le site de Gibellina en Sicile reconfiguré en un immense tableau par Alberto Burri.
Dans les collections du Centre, au niveau 5 du musée, l’architecture et le design sont abordés à travers installations, films, photos, maquettes, objets conçus autour du mouvement « Global Tools », fondé en 1973. Cette « contre-école » de design consiste en ateliers, performances, expérimentations urbaines, revendiquant le retour à un savoir-faire manuel ainsi qu’à une nouvelle pédagogie multidisciplinaire du projet et à la création collective. Andrea Branzi, Ettore Sottsass, Michele de Lucchi, Ugo La Pietra, Gianni Pettena, Riccardo Dalisi, Franco Raggi se réapproprient la ville à travers des actions qui se donnent comme un instrument de confrontation avec la société.
L’édition 2016 du festival ManiFeste de l’Ircam (-> 2 juillet), ce rendez-vous annuel de la création pour les arts du temps et l’innovation technologique, rencontre pour la première fois les arts visuels autour de cette question du « pauvre » qui s’expose et s’entend au Centre Pompidou et dans les salles partenaires (Grand halle de la Villette, Théâtre des Bouffes du Nord). Nature ré-enchantée, apparition d’un matériau sonore raréfié, sollicitation de l’écoute par un énoncé fragile : toute une histoire du contemporain peut s’écrire autour du « pauvre », du pionnier vagabond Harry Partch aux États-Unis jusqu’à l’art par soustraction du chorégraphe Xavier Le Roy, en passant par les compositeurs Beat Furrer, Gérard Pesson, Salvatore Sciarrino. ManiFeste réunit cent vingt artistes (compositeurs et interprètes, metteurs en scène et acteurs, chorégraphes et danseurs, designers sonores, vidéastes…) venus des cinq continents.
Dans la Galerie 4 et au Forum -1, Danse et Performance sont abordées durant trois week-ends. L’un avec un solo du chorégraphe Thomas Hauert sur un madrigal baroque de Monteverdi. Le deuxième avec la compagnie Grand Magasin en deux conférences performances, dont l’une sur l’histoire de l’écran noir au cinéma. Le dernier week-end étant consacré à la jeune scène avec le duo EW, entre danse, sculpture et architecture informelle, et avec Marius Schaffter et Jérôme Stünzi créant des objets d’études et leur prêtant, avec humour, le statut d’œuvres d’art.
Arte Povera / Un art pauvre -> 29/08/16
Galerie 4 (anciennement Espace 315), Niveau 1, Forum & Forum -1,
Musée, Niveau 5 avec le festival manifeste de l’IRCAM.
Centre Georges Pompidou
Place Georges Pompidou 75004 Paris
Site du Centre