Ce n'est pas l'ironie qui a tué Paul Klee
J’en suis au point de pouvoir survoler désormais la grande culture de l’Antiquité et sa renaissance. Sauf que je ne conçois pas de rapport artistique avec notre époque. Et quant à vouloir produire quelque chose de façon inactuelle, voilà qui me paraît suspect. Grand désarroi. C’est pourquoi je ne suis tout entier que satire. Paul Klee
Cette exposition envisage l’œuvre de Paul Klee au filtre de l’ironie, cette « bouffonnerie transcendantale ». Se représentant comme moine ou comédien, selon, Klee affine au fil de sa vie une stratégie jouant sur l’ironie romantique, toute d’antagonismes.
Il oscille entre affirmation et négation, intégrant dans sa création une réflexion sur les moyens et les principes propres à l’art ; celui-ci devrait être « un jeu avec la loi » ou « une faille dans le système ». Au fil des périodes de sa carrière, Klee dénonce dogmes et normes établis par ses contemporains, de ses débuts satiriques à son exil à Berne, en passant par ses années au Bauhaus.
Pour le compositeur Pierre Boulez, l’insoumission de Klee, sa façon de poser simultanément « le principe et la transgression du principe », serait ainsi la plus importante des leçons de l’artiste.
« Nul n’a besoin d’ironiser à mes dépens, je m’en charge moi-même. » Paul Klee
Réunissant deux-cent trente œuvres, provenant du Zentrum Paul Klee, Berne, des plus grandes collections internationales et de collections particulières, cette rétrospective pose un nouveau regard sur l’œuvre de Klee, en mettant en évidence la façon dont Klee pratique l’ironie selon une démarche qui trouve son origine dans le premier romantisme allemand. Jouant d’un balancement entre satire et affirmation d’un absolu, fini et infini, réel et idéal, Paul Klee s’inscrit dans la pratique de l’ironie inspirée du philosophe Friedrich Schlegel :
Il y a des poèmes, anciens et modernes, qui exhalent de toutes parts et partout le souffle divin de l’ironie. Une véritable bouffonnerie transcendantale vit en eux. À l’intérieur, l’état d’esprit qui plane par-dessus tout, qui s’élève infiniment loin au-dessus de tout le conditionné, et même de l’art, de la vertu et de la génialité propres ; à l’extérieur, dans l’exécution, la manière mimique d’un bouffon italien traditionnel
L’exposition se déploie en sept sections qui mettent en lumière chaque étape de son évolution artistique: « Les débuts satiriques » (les premières années) ;« Klee et le cubisme » ; « Théâtre mécanique » (à l’unisson avec Dada et le Surréalisme) ; « Klee et les constructivismes »; « Regards en arrière » (les années 1930) ; « Klee et Picasso » (la réception par Klee après la rétrospective de Picasso à Zurich en 1932) ; « Années de crise » (entre la politique nazie, la guerre et la maladie).
Si l'expo vous vend de l'ironie, ne vous fiez pas uniquement au programme. La singularité de Klee reste bien là, et c'est le pouvoir de l'œuvre, d'être mise à nu ( par ses célibataires même) mais de continuer à flamboyer au-delà de tout décodage.
Paul Klee - L’Ironie à l’œuvre -> 1/08/16
Centre Pompidou 75191 Paris cedex 04