L'AUTRE QUOTIDIEN

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Velvet Underground / New York Extravaganza

Comment faire entrer dans un musée l'esprit d'une ville des années 60 par son groupe le plus sulfureux est le propos de Velvet Underground/New York Extravaganza. Mais est-ce bien nécessaire de rationaliser/muséaliser un esprit déviant comme celui du folk urbain du Velvet ? 

 

Frank Zappa disait d'eux qu'ils étaient le meilleur groupe de folk urbain jamais sorti de la Grosse Pomme, tout en faisant en sorte que leur album sorte des mois après le sien pour mieux occuper le premier le créneau des freaks ( ils avaient le même producteur Tom Wilson et étaient tous deux sur Verve) . Mais bon, d'anecdotes sur les Mothers et le Velvet , il en existe des tonnes. Pas étonnant au vu de l'ego des Frank Zappa et Lou Reed considérés ; tous deux tenants d'un rock adulte à la conséquente crudité - Concentration Moon n'ayant rien à envier Waiting for the Man, question rêve avorté, juste un autre décor. Et c'est en retour à New York que l'expo se pose, comme vrai ouvroir potentiel des arts à venir et en gestation des 60's.

Et l'idée du curateur Christian Fevret, telle que narrée pour Culture Box à Laure Narlian est la suivante : " Ce qui m'a frappé alors c'est le côté moderne et intemporel du Velvet, trop en avance pour son époque. Hors des codes et pourtant très révélateur de son époque, le Velvet était un oiseau de mauvais augure, qui annonçait la fin du rêve hippie et le réveil brutal de la fin des années 70. Avec le Velvet Underground, le rock passe à l'âge adulte, il peut enfin raconter les choses crûment. Il ouvre une brèche punk dans laquelle vont s'engouffrer les New York Dolls, les Ramones, Patti Smith ou Television. "

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A l'objectif de montrer les racines, Fevret pointe le bouillonnement artistique, entre pop art, cinéma, poésie beatnick d'Allan Ginsberg, scène cabaret d'avant garde et musique, qui l'est tout autant autour de John Cage à la Monte Young avec John Cale et Tony Conrad. Il ajoute que la descendance sinue de Nan Goldin à Etienne Daho, en passant par The Kills… Il n'oublie pas non plus de signaler les affinités consanguines des proches de la Factory ou des survivants, de Gerard Malanga à la sœur de Lou Reed ou les dons de John Cale et de Jonas Mekas, pape du ciné underground US, dont le film de Barbara Rubin "Christmas on Earth", une partouze transgenre avant l'heure. Scénographié par Matali Crasset, on parcourt un double procédé narratif, chronologique et thématique qui fait défiler : "le New York pré-Velvet avec ses poètes, ses cinéastes, ses musiciens d'avant-garde. Ça ce sont les racines. Dans un second temps on passe à la Factory où Andy Warhol et le Velvet Underground vont collaborer pendant deux ans. La troisième partie est dédiée à l'écoute. Et une dernière section est consacrée entièrement aux héritages : dans la musique mais aussi dans les arts plastiques et le cinéma. Il s'agit de montrer que l'héritage du groupe n'est pas rigide et se décline encore aujourd'hui sous des formes très différentes, plus ou moins respectueuses ou fantaisistes."

Ces choses dites, mises en scène… chacun des auditeurs du Velvet n'a-t-il pas déjà sa petite idéede Sweet Jane sur les années d'école et comment le rock sauva la vie de Lou ? Quel autre ne sera pas fait peur au casque à un carrefour à chercher subrepticement le dealer en bas de Manhattan ou n'aura sursauté entre la voix rigide de Lou et les crissements du violon de John Cale sur Heroïn ? Enfin, à la recherche de la Femme Fatale, qui saura quelle place Nico aura vraiment tenue dans les vies de - allez dans le désordre - Jim Morrison, Kevin Ayers, Alain Delon, Lou Reed, John Cale … Avant garde et rock and roll :  théorique mais primal, sexe avec et sans mensonge, rêveurs décillés du trottoir ; sans plus d'histoire d'être rentré dans l'histoire ( de l'art !), amateur de fête en quête de dimanche matin? 

Mesdames et messieurs, le Velvet Underground et sa grande parade d'animaux tristes, zikos camés, libérés d'un temps qui l'était tout autant et qu'on remet ici en cage, pour votre éducation.
Avec amour et abjection.

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Jean-Pierre SIMARD

The Velvet Underground New York Extravaganza -> 21 août 2016
Philharmonie de Paris au 221 avenue Jean Jaurès, Paris 75019

Catalogue : The Velvet Underground  New York Extravaganza aux éditions de La Découverte/ Dominique Carré Editeur