L'AUTRE QUOTIDIEN

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Medi Holtrop, farouche païenne

À force de se défigurer, de se mutiler, elle a fini par offrir à l'art du portrait un alphabet inédit, un alphabet qui lui permet de tout dire de ses peurs, de ses fantasmes, de sa mémoire, de sa poésie aussi. Personne, à ma connaissance, n'a déconstruit son corps et son visage avec un tel acharnement, et aussi systématiquement.

Medi Holtrop est une femme libre, et généreuse. De son travail, elle disait, il a quelques années, la chose suivante, nue devant un miroir : "Quand on se regarde dans le miroir, franchement on ne voit pas le nez, les yeux, la peau... Ce sont les pensées qu'on regarde. On se parle de l'intérieur. Qui est moi? C'est moi, moi, moi, moi, moi. Je dis "moi" dix fois et je tombe dans un énorme ravin. C'est vertigineux. Se regarder, se parler, s'adresser à l'être profond. Mais c'est également à la fois moi et pas vraiment moi. C'est ma mère, ma fille, toutes les femmes."

Et cette autre citation, cette fois de Frédéric Pajak : "Medi, quant à elle, est sans doute une , d'un paganisme peuplé de fées et de lutins, de sorciers et de spectres. Son imaginaire n'a rien de protestant. Elle poursuit une voie radicalement opposée. Elle n'a que faire de la vie publique, des événements politiques. Elle ne se préoccupe pas du monde, car le monde c'est elle-même. L'autoportrait est son seul sujet. Elle peut ainsi se dédoubler, se multiplier, devenir femme, enfant, vieillarde, à la fois mère et fille. La relation mère-fille, elle en connaît la fusion, elle en délivre le tabou, à la manière d'une psychanalyste, sauf que sa psychanalyse à elle est frontale. Elle en exprime le nœud, si souvent occulté, ce cordon ombilical, cette corde de pendue. Elle écrit, par exemple : « Nous sommes rattachés à la mère qui nous dirige et nous contrôle."

Medi présente ses derniers travaux 2015/2016 sur papier: grands et petits dessins, dessins debout, dessins couchés; au fusain et à la mine de plomb sur de très beaux papiers.

Medi Holtrop, Jamais vulgaire jusqu'au 9 avril 2016
 Galerie Corinne Bonnet, Cité artisanale, 63 rue Daguerre,Paris 75014