L'AUTRE QUOTIDIEN

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Des palmiers d'acier, mais en couleurs

A la manière obsessionnelle d'un Giorgio Morandi avec ses bouteilles, Kristina Irobalieva taquine la symbolique du palmier jusqu'à l'obsession. Le résultat, cet Iron Palm qui joue des textures. Comme elle l'affirme :  ”déconstruire, c’est comprendre”.

Kristina Irobalieva s’intéresse au potentiel narratif contenu dans les objets. Des possibilités qu’elle analyse, dissèque et réinvente en travaillant la matérialité, la mise en situation et le contexte d’apparition de ses œuvres. ”Déconstruire, c’est comprendre” dit-elle. Elle a d’ailleurs choisi pour titre de son exposition Iron Palm, une technique d'arts martiaux qui consiste à se concentrer pour casser un objet solide à main nue. Et de fait, elle nous entoure ici de fragments et de ruines.

Le visiteur circulera sans doute avec hésitation dans cet ensemble d’une simplicité parfaitement réglée. La texture curieuse d’un ensemble de tableaux déclinant une même image le fera s’approcher et interroger du regard leurs surfaces accidentées. Il remarquera que l’entremêlement végétal qui en forme le motif s’évanouit dans l’épaisseur et les brillances provoquées par les accidents de surface. Et de surgir ainsi des palmiers d'acier …

En contrepoint de cette série de tableaux, des fers à béton torsadés réalisés en céramique sont exposés sur des étagères. Isolés de toute structure d’ensemble, à la façon des tableaux, leur désactivation induit une forme d’attente, un temps suspendu. ” Loin de la colonne antique dont les romantiques ont pu faire leur modèle, la ruine contemporaine est le miroir d’un présent qui contemple, non sans frissons, son propre espace déserté, rendu à la vie des choses “ écrit Diane Scott. Les fers à béton forment surtout un vide, une vacance devenue tangible, tandis que les tableaux alignés ne sont pas sans rappeler un principe d’exposition similaire à celui des Nymphéas de Monet exposés à l’Orangerie et “donnant l’illusion d’un tout sans fin”, pour reprendre les mots du peintre. (…)

Intéressée par l’état de ruine, cette “vie des choses” qui rejetées hors de leur trajectoire se livrent dans leur matérialité; cest l’opacité de cette matière, sa valeur d’incarnation et sa puissance d’illusion dont Kristina Irobalieva interroge les possibilités par le recours au simulacre, comme autant de réflexions sur l’historicité des valeurs associées aux objets ; que ces derniers soient artistiques ou fonctionnels.

Kristina Irobalieva — Iron Palm - 10/03- 9/04/16
Galerie Sator
Passage des Gravilliers 10, rue Chapon 75003 Paris
14:00 à 19:00 h du Mardi auSamedi