L'AUTRE QUOTIDIEN

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Le Tokyo inconnu de Daido Moriyama

Daido Tokyo est la seconde exposition Moriyama organisée à la Fondation Cartier, qui, la première, l'a fait découvrir au public français, en 2003. Elle met à l’honneur le travail récent de l’artiste avec un vaste ensemble de photographies couleur, un aspect méconnu mais omniprésent dans son travail depuis deux décennies. Daido Tokyo est également l’occasion pour la fondation de lui commander une nouvelle œuvre nouvelle, diaporama inédit, réalisé avec des photographies noir et blanc et projeté sur plusieurs écrans, qui illustre le flux constant de la vie urbaine, captant des fragments de ce bourdonnement imperturbable.

 Daido Moriyama, Tokyo Color, 2008-2015 Courtesy of the artist / Daido Moriyama Photo Foundation

«  La plupart de mes instantanés, je les prends en roulant en voiture ou en courant, sans viseur, et de ce fait, on peut dire que je prends des photos plus avec le corps qu’avec les yeux. » Daido Moriyama.

La génération de photographes à laquelle appartient Daido Moriyama a contribué à l’invention d’un nouveau langage visuel apte à saisir les mutations d’une société nippone oscillant entre tradition et modernité. Après des études de graphisme à Osaka, Daido Moriyama rejoint Tokyo en 1961. Il est profondément influencé par les photographes d’avant-garde de l’agence Vivo, notamment par Shomei Tomatsu et Eikoh Hosoe. Il retient du premier la fascination pour la rue et apprend chez le second le goût de la théâtralisation et de l’érotisme. À la même période il découvre William Klein, Robert Frank et s’imprègne de la grande liberté photographique qui les caractérise ; c’est notamment d’eux qu’il tient sa manière de capturer ses sujets en mouvement, se servant de l’appareil photo comme d’un véritable prolongement du corps, confère ses projets qu’il réalise pour Provoke — revue qu’il rejoint en 1968 - avec des images d’avant-garde, transgressives et pulsionnelles reflétant la contestation et la prise de conscience japonaise de l'époque. Selon les fondateurs, les mots avaient perdu leur sens et la force de décrire la réalité. Ce rôle revenait donc aux photographes qui devaient prendre le relais sur le langage. Les images devaient avoir la priorité et même remplacer le langage.

Moriyama et ses contemporains ont espéré prévoir un temps où les photographies allaient communiquer toutes seules. Bizarrement, celles-ci ont appelé les mots, et Moriyama s’est mis à l’écriture ! Daido Moriyama aime regarder le monde au niveau du sol ou du point de vue d’un chien par exemple. Il parcoure le Japon en voiture pour y photographier le monde à partir de l’intérieur de celle-ci. Ce nouveau point de vue est incertain dans le monde de la photographie où la station debout avait la préférence.

Daido Moriyama - autoportrait

La photographie allait devenir une expression personnelle à partir du moment où elle arrivait à sortir des conventions. Les prises de vues se faisaient sans viseur. L’oeil du photographe ne devait pas être en contact avec les conventions de la prise de vue. Daido Moriyama n’était pas un photographe téméraire et il gardait toujours ses distances. Cette distance permet à l’autre d’apparaître à l’instar de lui-même dans ses photographies. Voyeurisme ? Description basée sur la timidité ? Percevoir le monde comme le spectateur d’un rêve ? La perspective de ses photos suivent la démarche d’un voyeur ou un violeur. Son regard, à partir de la fenêtre d’une voiture en mouvement ou de l’ombre, est celle d’un criminel. C’est le travail de quelqu’un qui parle sans regarder les gens dans les yeux.

Daido Moriyama — Daido Tokyo / 6 février → 5 juin 2016
Fondation Cartier pour l'art contemporain 261, boulevard Raspail 75014 Paris
www.fondation.cartier.com