L'AUTRE QUOTIDIEN

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Variations sur Glenn Gould

Quand la BD féminine s'affranchit des poncifs et fait un pied de nez à Angoulême. Encyclopédique et avec une discographie, la BD de Sandrine Revel relit le mythe Glenn Gould en tons sépia.

En considérant la couverture de Glenn Gould, une vie à contretemps, on s'attend à  une BD bien hagiographique de l'enfance à son travail de relecture musicale de Bach et des autres. Or, Sandrine Revel choisit un autre chemin, à raconter le personnage en alternant de façon non chronologique des moments clé de son existence, tout en dessinant des personnes ayant côtoyé le musicien, et en reprenant paroles ou écrits.

Certaines planches sont découpées en vignettes où apparaissent uniquement ses mains en train de jouer : on a l’impression d’entendre la musique, et notamment Bach.

L’album s’ouvre sur un paysage dans lequel le ciel, avec des nuages orageux, prend toute la place. Un ours apparaît, puis un personnage en costume, avec un masque de chien, dont les mains jouent sur un clavier invisible. Plus loin, on découvre Glenn Gould, inconscient, sur un lit d’hôpital… Cette entrée en matière évoque l’accident cérébral du pianiste en septembre 1982. Les scènes vont ensuite se succéder, sans liaisons permettant de poser des jalons.

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La BD est plutôt dense, car la plupart des anecdotes connues concernant Gould y sont répertoriées : la relation à sa chaise si particulière, son aversion pour les contacts humains, sa passion pour les animaux… Mais, comme en témoignent les annexes, Sandrine Revel s’est beaucoup documentée; elle a même intégré une « discographie raisonnée » du pianiste qui permet d’aller sélectionner les morceaux de musique une fois la lecture achevée.

Les dessins jouent la délicatesse, sans quasiment aucune couleur chaude. Les tonalités y sont souvent grises,, en rappel de l'univers supposé du pianiste.

Intéressante relecture de la vie de Gould, que celle-ci qui laisse la part belle à l’imaginaire. Sandrine Revel dépeint l’artiste avec sensibilité et respect et parvient à nous laisser entrevoir l’homme derrière l’interprète. Des images pour du son et une variation sur l'immense Gould et ses folies si particulières.

Glenn Gould, une vie à contretemps de Sandrine Revel  (Editions Dargaud)
Prix Artémisia 2016 de la BD féminine qui succède à Irmina  de Barbara Yelin
(Editions Actes Sud)