L'AUTRE QUOTIDIEN

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Pol Pierart au-delà des mots dans l'art

Post-Magritte et Broodthaers, concernant Pierart, dit le préambule de l'expo qui se tient actuellement à Bruxelles, en compagnie d'autres artistes, et en miroir de celle de Pompibourg. Elle met en évidence une des spécificités de l’art moderne et contemporain, les relations entre les mots, l’écriture et les arts plastiques, tout en mettant en lumière les recherches variées qui s’en inspirent ainsi que leurs développements et leurs évolutions. Mais, on va plutôt vous parler de l'actuelle parisienne chez Bernard Bouche… 

Au fil de ses expositions, on demeure toujours conquis par les petites trouvailles d’un homme qui, s’il n’aime guère la parole publique, joue habilement avec les mots, l’ironie des glissements de sens et la fantaisie des sous-entendus. De sa peinture, l’artiste dit qu’elle lui permet d’aller directement à l’essentiel, qu’elle l’autorise à saisir la présence physique du mot. Ainsi, contrairement à ses photographies qui apostrophent l’attention par des modes d’association doués de sens et par une mise en scène d’aphorismes et autres jeux de langage, les toiles surprennent par une grande économie de moyens et par une syntaxe rythmique se limitant à un seul mot. Dans la couleur fraîche, le peintre trace rapidement les lettres normalisées que comporte un terme apparemment anodin.

Qui connaît un peu l’artiste n’ignore pas la suite : par un jeu de biffage, de traits superposés et de lettres trafiquées, le mot initialement écrit prend un autre sens et incite à toutes sortes de lectures, d’excursions et de détours. En comète, les lettres zigzaguent dans nos pensées. Elles vont vite, elles touchent juste et, sans s’embarrasser d’esthétisme ou de virtuosité technique, elles s’accordent avec l’ironie détachée du message délivré. Si l’exercice de style prête à sourire, il y a néanmoins, derrière l’apparente légèreté des interférences sémantiques, une gravité qui s’avoue à peine, quelque chose de passablement inquiétant. Il peut être de l’ordre de l’effacement d’une lettre, d’une rature à peine perceptible ou, plus brusquement, du renversement de sens qu’opèrent les lettres trafiquées. Sans en avoir l’air, l’artiste tire le regardeur par la manche pour le faire réfléchir. 

A jamais traversée de désir et d’insatisfaction, sa peinture vibre d’un geste délié et d’une matière qui unit le mot à la couleur. La couleur, justement. On n’en parle que trop peu. Pourtant, elle est une préoccupation majeure de Pol Pierart. Elle est la matrice du mot qui surgit, elle est la trace de l’expérience physique du peintre. Tout en nuances, elle garantit, au même titre que les variations de traits et la graphie imparfaite, l’aspect inachevé de son travail. S’éloignant de la couleur pure, l’artiste opte pour des dégradés de valeur et des teintes passées, presque transparentes. (…)

Maxime Duchamps (avec Julie Bawin)

Pol Pierart -> 28/01/17
Galerie Bernard Bouche   123, rue Vieille du Temple   75003 Paris

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