Le TABOU de Murnau et Flaherty relu piano et ondes Martenot par Christine Ott
Première et seule rencontre du génial Murnau avec le non moins remarquable Flaherty, Tabou est la dernière œuvre du réalisateur allemand. C'est un film sonorisé dont la BO de Hugo Reisenfeld collait aux images - elle était d'ailleurs inclue dans le film, synchro avec les images. Mais il en manquait une partie, celle soumise aux coupes de Paramount qui ne voulait aucune scène de nu. Un prémisse au code Hays mis en place en 1934, directement par les studios.
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En 2005, une version intégrale est ressortie redonnant tout le lustre manquant à cette "histoire d'amour des mers du sud", comme le disait si bien le sous-titre original. Homo, expressionniste et n'ayant raté aucun de ses 5 films ( Nosferatu le vampire, Le Dernier des hommes, Faust, une légende allemande, L'Aurore et Tabou) il est un des premiers géants du ciné germanique avec Fritz Lang et G.W. Pabst. Mais là, il laissait tomber la côté expressionniste pour s'immiscer dans le symbolisme de son histoire pour Hollywood. Sur l’île de Bora Bora, la jeune et jolie Reri est choisie pour incarner une divinité. Elle est donc déclarée « tabou », c’est-à-dire qu’aucun homme ne doit la regarder comme une femme. Elle s’enfuit avec le jeune pêcheur dont elle est amoureuse… Tabou est tourné entièrement sur les lieux-même de l’action, avec les autochtones jouant leur propre rôle, deux pratiques extrêmement rares à l’époque. Au grand dam de Flaherty, Murnau sait parfaitement introduire une belle et forte histoire d’amour sur ces images de paradis naturel encore intact de toute civilisation moderne. Les images, de Floyd Crosby, sont très belles ce qui donne au film une grande dimension poétique. Malgré le drame qui se noue devant nos yeux, il se dégage de Tabou beaucoup d’innocence, d’insouciance, une impression de nature à l’état brut, de paradis.
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Après avoir fâché les Maoris, sur le lieu de tournage pour avoir déplacé une pierre, pour poser sa caméra, sur un site sacré, le tournage s'est plutôt mal passé car Murnau s'était entiché de son photographe de plateau, Emile Savitry au su de tous… Rentré à Hollywood, il est mort dans un accident de voiture, son chauffeur ayant dirigé la voiture droit sur un poteau électrique, une semaine avant la première du film. Deux fins qui coïncident, pas forcément pour les mêmes raisons. Ainsi va la musique. Et celle de Christine Ott, s'est attachée à y donner une autre mesure.
La création de Christine Ott alterne des pièces avant-gardistes aux Ondes Martenot et des morceaux de piano plus néo-classiques, tantôt légers et délicats, tantôt sombres et funèbres. Ce voyage cinématographique se termine avec la version originale de Tempête, composé pour la dernière scène d’anthologie du flm, morceau d’une grande force.
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Avec Tabu, Christine associe sa passion des images et du cinéma à la composition musicale, et invente de nouveaux territoires sonores. Après de multiples expériences dans différents domaines, et des collaborations aux côtés de Yann Tiersen, Radiohead, Syd Matters, Dominique A, Tindersticks..., Christine Ott laisse s’exprimer ici son goût pour une forme de musique de chambre minimaliste. Un autre charme opère là, nouvelle vision d'un chef d'œuvre de l'histoire du cinéma. Belle musique pour une superbe histoire d'amour d'un couple luttant contre la religion… 2016 quoi !
Maxime Duchamps
Christine Ott - BO de Tabu - Gizeh Records / Dark Peak Series