L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

30 ans de rap français en danse, tag et hip hop par Thomas Blondeau

Histoire bien controversée que celle du hip hop en France, mais bien mise en perspective par l'ex-réd chef de Radikal, Thomas Blondeau. Histoire de découvrir pourquoi les noms de Pockemon, LIM ou Bando ont encore un sens aujourd'hui …

Le rap français fait l’objet, depuis le milieu des années 1980, d’une attention certaine des éditeurs : en 1991, David Dufresne lui consacrait un chapitre de son ouvrage (épuisé) Yo ! Révolution rap. Rap ta France, de Philippe Pierre-Adolphe et José-Louis Bocqué, multipliait, en 1997, les anecdotes. En 2015, Laurent Bouneau et Fif Tobossi donnaient leur vision de cette histoire dans Le rap est la musique préférée des Français.

Comme aucun livre n’avait entrelacé les parcours des graffeurs danseurs, des DJs et des rappeurs en France, Thomas Blondeau s’y est attelé, couvrant les années 1990 aussi bien que la période actuelle de Dee Nasty à PNL. 

Traçant l'histoire, Blondeau parle aussi bien des revendications politiques des cités abandonnées et de l'économie parallèle que des gagneurs que ne sont là pour la monnaie, et de l'écart existant entre les tolérances des médias et labels et les envies des artistes, quand pas des manifestations de l'autorité, en retour.  C'est en se faisant ligoter par les labels que certains n'ont pu sortir les œuvres qu'ils voulaient, quand aujourd'hui, les ultra-célèbres PNL ont compris les vertus de l'indépendance - un peu comme le rock indé ou la techno qui n'ont trouvé leur public qu'en prenant leurs affaires en main, de la conception jusqu'à la diffusion, restant propriétaires de leurs œuvres et de leurs éditions. 

La disco est impeccable, le passage de l'influence américaine à la spécificité d'ici qui fait que certains beatmakers d'ici produisent pour les stars US souligné et les diverses ramifications des styles expliqués. A lire pour l'histoire et se faire l'oreille, parce que si vous n'avez pas écouté Skyrock depuis des années, YouTube va pouvoir finir votre éducation.

"La génération des connexions à haut débit et la multiplication des canaux de diffusion [fait] sortir le rap des sentiers les plus rebattus. Inaudibles quelques années plus tôt, Rimcash, A2H, 1995, l'Affaire, Virus […] et un millier d'autres transforment la toile en un vaste terrain de jeux où s'exprime une foule de propositions artistiques".
Thomas Blondeau

Pourtant peu de gens ont saisi l'apport du rap d'ici, à savoir que le discours partant du quotidien n'est jamais plus revendicatif que quand il parle de son vécu. Petit Frère d'IAM hier ou Pas Pass le Oinj de NTM sont tout aussi éminemment politique que Qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu ?

Parce que simplement le politique c'est la vie de la Cité et qu'à y parler avec son propre langage de sa propre existence, c'est tout aussi puissant que de revendiquer/s'approprier un discours d'ultra-gauche. Aujourd'hui, Joe le Phéno ou PNL parlent de la même chose, du même monde, mais pas avec les mêmes mots. Les deux sont puissants, mais il va vous falloir apprendre le lexique de Corbeil pour kiffer au plus près PNL…

Thomas Blondeau - Hip-hop, une histoire française, éditions Tana 2016

J'ai choisi, plutôt que de mettre en avant les noms qui ont fait l'actualité, côté stars, de vous faire découvrir d'autres artistes méritants avec une playlist, pas forcément déjà passés dans vos oreilles…   Donc pas de Rohff, pas de Booba, sauf chez Lunatic, pas de Sexion d'Assault ni Maître Gims. Pas non plus NTM ou IAM, voire Assassin - la playlist part du milieu des années 90 jusqu'à aujourd'hui. Et on vous offre en plus un portrait de PNL, dont Joey Starr disait la semaine passée ( première semaine de Novembre ) que s'il se remettait à écrire aujourd'hui, il écrirait sûrement comme eux, avec les mêmes thèmes. Soit l'arrivée d'un discours qui prend en compte son côté féminin. Genre, une révolution dans un monde machiste; de celles avec PNL encore qui assume un désespoir quotidien, sans avoir à le maquiller, tant il est dur et qu'il parle assurément à une nouvelle génération. Une question, une seule me taraude : passé le désespoir, aujourd'hui, on ne pense plus toujours que la révolte est possible. Pourquoi ?

Jean-Pierre Simard