L'AUTRE QUOTIDIEN

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A propos de la terre, du paradis et de la lumière … Thomas Brummett

Thomas Brummett est un mystique dont toute l'œuvre cherche l'essence des choses au filtre du chaos et de la confusion. C'est dire s'il nous intéresse par sa quête d'immanence. Et son travail s’intègre dans une même série intitulée Rethinking the Natural.

Thomas Brummett, Light Projection #2, 2016 Tirage argentique — Ed. 1/5 — 90 × 75 cm © Thomas Brummett — Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St Moritz

Patient et réfléchi, il cherche à découvrir l’essence du monde naturel, portant son attention sur son environnement immédiat — une brindille, un rayon de lumière fugace. Il explore le médium photographique, testant les multiples façons de faire une image avec la lumière et les traces qui s’impriment à la surface du papier photosensible.  Si cette attention particulière à l’immédiat trouve un écho dans la démarche scientifique, il n’est pas surprenant que la pensée taoïste et bouddhiste imprègne la science moderne et les mathématiques, comme le souligne le logicien autrichien Ludwig Wittgenstein dans ses écrits : « […] là où je veux réellement aller, je dois déjà, en vérité, être » (Culture and Value, 1930). Ce rapprochement entre pratiques méditatives et sciences modernes constitue le fil rouge de son œuvre.

Thomas Brummett, Light Projection #8, 2016 Tirage argentique — Ed. 1/2 — 120 × 99 cm © Thomas Brummett — Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St Moritz

Dans la série Light Projections, il intervient sur les « cercles de confusion » qu’un objectif peut produire lorsqu’il est flou. Le cercle de confusion est un terme d’optique désignant des points lumineux (l’effet bokeh [flou en japonais]). Il s’agit d’un artefact de l’objectif que Brummett décrit comme « l’effet d’optique que produit un objectif flou ». La méthode de Brummett visant à maîtriser et élaborer des images issues de ces cercles de confusion est tout à fait novatrice dans l’histoire de la photographie. D’après lui, les tirages de cette série « représentent la manifestation physique de la Lumière = l’Infini ». Il précise : « Les Light Projections sont le parfait symbole visuel de l’Infini. La lumière fait partie du monde naturel. La lumière constitue la base du monde naturel, de toute forme de vie et d’énergie… [Dans cette série] je ne détourne pas mon attention du monde naturel, je me tourne vers son essence même. Je réduis le monde naturel à sa forme la plus pure : la Lumière. » Par ces mots, Brummett marche sur les traces des mystiques, qui à travers les âges ont associé la lumière à l’infini, leur prêtant, en outre, un caractère divin.

Thomas Brummett, Light Projection #32 — 2013-2015, 0 Tirage chromogenic — Ed.1/5 — 91 × 76 cm © Thomas Brummett — Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St Moritz

Par ailleurs, Brummett met une majuscule aux mots « Lumière » et « Infini » pour les personnifier/déifier dans la tradition grecque classique des notions de « Bien », « Juste » et « Triangle », qui selon Platon étaient toutes divines. Cette association de la lumière, de l’infini et de la divinité est profondément ancrée dans la pensée occidentale : « toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières » (Pseudo-Denys l’Aréopagite, La Hiérarchie céleste, vers 500 av. J.-C.) ; « Allah est la Lumière des cieux et de la terre » (Coran, 609-632) ; « Le Dieu judéo-chrétien est “infini absolu” (Absolut Unendlichen) » (Georg Cantor, Contributions au fondement de la théorie des ensembles transfinis, 1887).

Thomas Brummett, Infinities #4 (For Duchamp), 2013 Tirage d’archive à encre pigmentaire sur papier pur coton — Ed. 3/5 — 117 × 91,5 cm © Thomas Brummett — Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St Moritz

 À partir d’une de ces captations de lumière, sorte de retour en arrière trans-atmosphérique, il travaille comme un imprimeur pour manipuler l’image, en désaturer les teintes, puis la texturer avec d’autres motifs qu’il a lui-même photographiés dans la nature (Série Infinities [of Earth and Heaven], 2013-2016). S’y trouvent pêle-mêle des images d’étoiles, des magnolias, une captation de flocons de neige s’écrasant contre un scanner, ainsi que de la poussière et des moisissures provenant de l’atelier de Brummett. Dans ces images, il décrit son intention de recréer l’idée de William Blake sur notre perception du monde : « Si les portes de la perception étaient purifiées, toutes les choses apparaîtraient à l’homme telles qu’elles sont, infinies » (Le Mariage du ciel et de l’enfer, 1793).

Thomas Brummett - Of Earth, Heaven and Light -> 30/12/16
Galerie Karsten Greve   5, rue Debelleyme 75003 Paris