L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

Il y a, par Emmanuel Delabranche

Emmanuel Delabranche

(il y a sur cette photo tant à voir
il y a l’affiche de la mostra di architettura de venise avec henri ciriani architecte
((@HenriCiriani sur twitter))
il y a devant l’affiche le pot à tabac de mon grand-père celui des boucles de la tour du havre et du perrey
il y a une photographie du pays de bray par thibaut cuisset au-dessus de celles ordonnées en planches reliées que lucien hervé avait faites des œuvres de le corbusier
il y a mon grand-père épluchant des pommes-de-terre dans un chalet en suisse c’était en 1980 il était près de mourir la photographie est de son fils
il y a des grands cahiers toilés et posés à plat récoltes de dessins calques et collages que je faisais étudiant pour les ateliers de ciriani
il y a une photographie de raymond depardon dans la boite rouge transparente et couchée photographie de la station balnéaire de dieppe piscine au premier plan que j’ai dessinée en 2000
il y derrière elle des carnets monop’ recyclés d’avant le temps du recyclage médiatisé de quand j’étais étudiant et dedans les notes prises durant cinq années
il y a des livres de photographie et d’architecture des revues aussi
il y a les derniers numéros de l’autre-journal de 1993
il y a tout ce que je possède de notes disques livres de et sur dominique petitgand
il y a ces quatre bandes colorées sur l’habitat à alger en haut la ville basse en bleu-nuit le projet obus de le corbusier en ciel les logements construits par fernand pouillon en vert-japon et en-dessous une façade mais de qui ?
il y a mon premier livre d’architecture des éditions hachette à la tranche marron qui retrace au travers de dessins crayon l’architecture de toutes les époques
c’est par lui que j’ai pris alors que je n’avais que quatorze ans goût pour l’architecture et c’est par lui et son achat chez un libraire installé au volcan de niemeyer que j’ai ouvert en moi cette brèche
il y a une série de petits carnets rouges ou oranges que j’avais toujours en poche au début des années 2000 emplis de notes de lecture et de dessins
il y a quelques livres réalisés par jean petit sur le travail d’oscar niemeyer ou celui d’henri ciriani
il y a le dessin encadré et taché exécuté par ciriani le jour où je présentais mon travail de fin d’études simple nappe de papier sur la table du jury posée que j’ai découpé une fois l’oral passé c’était en 1997
il y a une renault 5 turbo aux ailes élargies gardée depuis l’enfance au-travers de laquelle je voyais l’émancipation du fils ou la réalisation du complexe d’œdipe
il y a la ville mode d’emploi de celle qui retourna ma vie et que je perdus
et l’architecture active d’andré wogensky
il y a tant déjà ici)

_

à la fraicheur de la nuit me suis remis à écrire nouveau lieu nouvelles vues sur une vallée plutôt qu’en son creux point de vue sur la paysage délaissant la ville et ses urbanités
prendre distances
faire halte en retrait
du mouvement fatigué
à la fraicheur de la nuit ouvrir grand les baies donnant sur le jardin plongé dans le noir quelques points scintillant dans la pente faisant face et ce bruit assourdissant que font parfois ceux qui montent la côte comme des déments
la maison est rangée de la cave au grenier les étagères pleines les placards ordonnés on nous dirait ici chez nous depuis déjà longtemps
juste ces quelques cartons au fond desquels trainent encore ce qu’on ne sait où placer
il y a une entrée centrale et profonde au sol fait de petits carrés blancs gris et noirs on dirait un van doesburg couché qui est doublée d’un escalier de bois avançant dans l’intimité de l’étage (à cette seule vue on a dit à l’agent immobilier on la prend)
il y a un salon presque carré que deux portes vitrées ouvrent sur une salle au jardin adressée son sol en est de bois un parquet rouge que de grandes fenêtres guillotines par le passé éclairent au cours de la journée
il y a une cuisine ouverte sur un jardin miniature lumières du matin et son office à la porte condamnée
réouvrir serait bien
il y a à l’étage le palier les chambres et l’accès au grenier
il y a à l’étage une chambre devenue pièce de travail grand bureau ouvrant sur un balcon et le jardin

(passage de pies)

Emmanuel Delabranche


Emmanuel Delabranche est architecte. Il construit, enseigne, écrit et photographie. Vous pouvez le retrouver sur son site et sur Twitter @edelabranche.