L'AUTRE QUOTIDIEN

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Monstre-toi ou les chiens de l'enfer

Par la personnification, la mutation et la mise en écho d'imaginaires là où la figure animale est centrale, les artistes s'emparent des mythes fondateurs, de l'Histoire, du corps, du monstre, de l'autre et de soi.

En 1946, au Mexique, Frida Kahlo peint El Venado Herido (Le petit cerf blessé). Une huile sur bois dont le format resserré (22 x 30 cm) rappelle celui des retablos, les peintures sur plaques de métal ou sur bois conçues comme des prières ou des offrandes. El Venado Herido est un autoportrait.

L'artiste remplace le visage du cerf par son propre visage, qui se fait masque. Le corps mutant est en fuite, il est criblé de flèches. Humain et animal cohabitent en un même corps. Pour traduire ses émotions et donner des images à sa souffrance, Frida Kahlo puise ses références non seulement dans sa propre histoire, mais aussi dans l'iconographie catholique, l'art précolombien et la philosophie bouddhiste.

Au creux de la peinture de Frida Kahlo s'étirent plusieurs terrains de réflexion : l'hybridation (corporelle et culturelle), la création du monstre qui alimente les dimensions métaphoriques, psychologiques et spirituelles de la scène. Au cœur des mythologies issues des différentes civilisations, les hommes et les femmes se transforment, ils prennent une forme animale pour incarner un sentiment, une valeur, une légende. La symbolique de la figure animale traverse l'histoire de l'art, des parois des cavernes jusqu'aux sculptures de Damien Hirst, en passant par les peintures de Rubens, les dessins de Kiki Smith ou les photographies de Paola Pivi.

La peinture de Frida Kahlo représente le point de départ d'une réflexion sur la relation complexe qui lie l'humain et l'animal. Quelle est notre part animale? Dogs from hell envisage la figure animale de différents points de vue mythologique, métaphorique, politique, physique et spirituel. Elle engendre des peurs, des fantasmes, des troubles ou encore des visions. Le XXIème siècle entretient une relation distancée avec l'animal, cet être étranger, qui est le plus souvent compris comme une proie, un danger ou une source alimentaire.

A travers les œuvres des douze artistes invités, l'exposition nourrit différentes problématiques où la figure animale est centrale: l'enfance et le conte (Laura Bottereau et Marine Fiquet, Françoise Pétrovitch, Gretel Weyer), le monstre et ses mythes (Eric Corne, Myriam Mechita, Jean-Luc Verna, Vanessa Fanuele, Skall) et la dimension politique de la figure animale (Damien Deroubaix, Mohamed Ben Slama, Adrien Vermont).

Dogs from hell du 30 janv.au 27 fév. 2016
Galerie Patricia Dorfmann