L'AUTRE QUOTIDIEN

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La bataille d'Aboudia, peintre d'Abidjan en guerre

Aboudia crée un art au croisement du street art et du muralisme. A cela, il faut ajouter le Guernica de Picasso qui criait déjà la guerre et ses horreurs et y relier, comme Basquiat, la culture africaine au cri coloré et tonitruant des artistes new-­yorkais qui remettaient de la vie là où, dans la désolation urbaine, elle mérite toujours d'être célébrée.

Ne vous méprenez pas, Aboudia ( Abdulaye Diarrasoubra) n'est pas la réincarnation de Jean­-Michel Basquiat, même si la similarité des moyens employés semble au premier abord, singulièrement coïncider. Aujourd'hui invité dans la prochaine exposition "Pangea" de Saatchi & Saatchi, Aboudia est déjà une valeur sûre de l'art contemporain et attire les collectionneurs, simplement huit ans après sa première exposition remarquée à Abidjan et quatre depuis sa découverte internationale, suite à sa peinture ­témoignage de la guerre en Côte d'Ivoire en 2011, quelques années pour faire accepter ce qu'il appelle sa "peinture nouchi", en référence à l'argot parlé par les jeunes des quartiers populaires d'Abidjan.

Né en 1983, fils d'une famille modeste d'Abengourou, grande ville de l'Est proche du Ghana et diplômé du Centre Technique des Arts Appliqués d'Abidjan en 2005, Aboudia se révèle pendant le conflit de 2011 et notamment la bataille d'Abidjan et ses 3000 morts ."Il fallait prendre son pinceau et écrire l'histoire en même temps qu'elle se déroulait", expliquait-il alors à l'AFP.

Pendant ces mois de guerre, ses tableaux ont retracé les épisodes de cette crise avec la foule hostile, les civils terrifiés, les morts, les armes...

Sa peinture frappe par son style bariolé, sauvage et enfantin et par ses dimensions très importantes, jusqu'à de deux mètres de hauteur sur quatre de longueur. Ses oeuvres sont inspirées par les graffitis des murs d'Abidjan où traînent des bandes de gamins qui graffent pour exprimer leur colère ou leurs rêves. Plus que par les maîtres de la peinture, ses oeuvres sont en effet inspirées par les graffitis qu'on peut voir au fil des ruelles de la turbulente métropole aux quelque cinq millions d'habitants, où des grappes de gamins traînent ou tentent de survivre à coup de minuscules boulots ou de larcins. "Les influences que j'ai subies, ça a été dans la rue. Sur les murs des quartiers de Treichville, Abobo, Adjamé, on peut voir ce que les enfants graffent pour exprimer leur colère ou ce qu'ils ont envie de faire, leurs rêves".

Pour nous, Aboudia crée un art au croisement du street art et du muralisme; à la différence près que les travaux de Rivera et Léger célébraient la paix. A cela, il faut ajouter le Guernica de Picasso qui criait déjà la guerre et ses horreurs et y relier, comme Basquiat, la culture africaine au cri coloré et tonitruant des artistes new­yorkais qui remettaient de la vie là où, dans la désolation urbaine, elle mérite toujours d'être célébrée. Alors Adidjan versus Haïti ou Abidjan sur la carte de l'art contemporain ?