L'AUTRE QUOTIDIEN

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Absurde, trash, alcoolique, ­mais assurément le roman graphique du moment

 "Alcoolique", le premier roman graphique publié chez Monsieur Toussaint Louverture, va marquer les esprits.

Jonathan Ames

A voir le narrateur et personnage principal Jonathan A. se faire peloter par une vieille dame ridiculement petite à l’arrière d’une voiture, au milieu d’un bordel sans nom et de quelques chats, le ton est donné dès le début du récit. Eméché, il ne se souvient plus de ce qui l’a amené à ce point d’orgue de sa vie sexuelle et sentimentale. Et, s’adressant à ses lecteurs, il va remonter le fil de sa vie pour nous donner une lecture des événements marquants qui ont fait de lui un alcoolique, à deux doigts de se faire sucer par mémé.

En 1979, a 15 ans Jonathan est un ado normal qui, lors d’une soirée entre potes, découvre l’alcool. A la première gorgée, il trouve ça ignoble. Puis très vite, le goût n’a plus aucune importance et c’est l’euphorie qui prend le pas. Il se sent cool pour la première fois de sa vie et décide de se retourner la tête méthodiquement tous les weekends avec son ami d’enfance Sal. Se réveiller dans son vomi ne l’effraie pas. Mentir à ses parents en évoquant une pizza qui n’est pas passée non plus. Le fait est qu’il est bon élève et plutôt sportif. Personne ne soupçonne rien. Il découvre Las Vegas Parano de Hunter S. Thompson, puis Sur la route de Kerouac. Il lit son rêve au fil des pages : devenir un auteur génial et alcoolique. S’en suivent ses années d’études à Yale, puis, quelques années plus tard, la publication de son premier roman. Le tout parsemé d’histoires d’amour pour le moins chaotiques et destructrices et de coups du sort concoctés avec un sadisme savant par cette chienne de vie.

Autobiographique certes, un peu narcissique aussi, mais fait avec tant d’honnêteté, d’humour, de lucidité et d'une constante auto dérision que cela rend la lecture à plusieurs niveaux totalement jouissive. Jonathan Ames s’écrit en loser, baladé par les femmes qui ne prend jamais en mains son destin. A sans cesse s’égratigner et se morigéner, il se révèle réellement attachant. Le dessin de Dean Haspiel accompagne fabuleusement la voix du scénariste, en rappelant Will Eisner et Crumb.

Pour une vie vraiment ratée, selon certains critères, mais toujours en bataille à la Don Quichotte, "Alcoolique" rappelle beaucoup John Fante, Bukowski ou, plus proche de nous, Mark Safranco. Absurde, trash, magnifique, inconséquent, ­ mais assurément le roman graphique du moment.

Roman Graphique = Alcoolique de Jonathan Ames et Neil Haspiel ( Monsieur Toussaint l'Ouverture)

Neil Aspiel