L'AUTRE QUOTIDIEN

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Et soudain, sorti de nulle part, réapparut Doug Hream Blunt

Après William Onyeabor, c'est l'extraordinaire guitariste funk Doug Hream Blunt (total inconnu au bataillon, amateur par excellence) que le label de David Byrne Luaka Bop entreprend de faire découvrir. Comme souvent, l'histoire est folle. Mais comme pas souvent, le morceau "Ride The Tiger" tombe pile d'époque. On dirait du Pharrell Williams avec Daft Punk. Jetez-vous dessus.

La pochette de l'album sorti par Luaka Bop

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"Quand la légende dépasse la réalité, imprimez la légende" disait John Ford dans L'Homme qui tua Liberty Valence. Mais là, excusez du peu, la réalité dépasse la fiction, et de beaucoup. Telle est l'histoire de Doug Hream Blunt, sage ­femme de son métier et guitariste virtuose à ses moments perdus, qui a épaté David Byrne au point que ce dernier vient de ressortir sur son label le seul album-fantôme, publié dans un premier temps à compte d'auteur et vendu lors des concerts, de cet inconnu de génie, amateur qui jouait sur scène avec des amateurs (vous l'avez peut-être remarqué en regardant cette vidéo, qui évoque pourtant irrésistiblement Daft Punk et Pharrell Williams, il y a quelque chose d'étrange : ces musiciens ne sont pas des musiciens !)

Doug Hream Blunt s'est lancé dans la musique à 35 ans, en apprenant à jouer de la guitare en cours du soir à San Francisco dans la garage de son professeur, amateur de musique pas loin du Golden Gate Park en 1985. A la suite de cela, les autres étudiants devinrent les musiciens de son groupe ; le professeur s'attelant au vibraphone et sa femme à la basse. Pour se faire connaître, Doug donnait de petits concerts acoustiques aux patients et personnes âgées de l'hôpital où il travaillait. Et à quelques occasion les entraina avec lui sur la télé publique de San Francisco au City Visions Public Access television Show.

De la guitare sauvage (à l'entendre,  impossible que ce mec n'ait que dix doigts !) entouré d'un brouillard musical très approximatif et une approche funky du son en font un régal à l'oreille. Ariel Pink s'en est inspiré, Dam­Funk aussi et le subtil Dean Blunt n'a pas fait que lui piquer son nom (!), il a aussi adopté sa méthode en faisant jouer des non-­musiciens pour voir ce que cela pouvait donner musicalement. Mais le meilleur dans tout cela, c'est qu'on y retrouve des pistes déjà suivies par des gens comme Curtis Mayfield, au jeu tout aussi aventureux, même si plus élastique et moins véloce, ou encore du côté de Shuggie Otis (le fils de Johnny) et son somptueux album Inspiration Information. Si vous appréciez le son flottant et le bricolage génial d'un guitariste hors pair, cet album va vous inspirer.

Trouant !

Jean-­Pierre Simard

My Name is ... Doug Hream Blunt (Luaka Bop/ Differ­Ant)

              La pochette de l'album original, 1985