L'AUTRE QUOTIDIEN

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Ils voulaient voter

Aidés par un des grands photographes sud-africains : Paul Alberts, ces gens réclamaient une carte d'électeur. Qui serait leur première carte d'identité. Notre message : inscrivez-vous sur les listes électorales ! 

En Afrique du Sud, la possession d'une carte d'identité donnant le droit de vote était une question délicate et essentielle, en 1994, lors des premières élections multiraciales, comme à celles de 1999. Bien que, lors des premières élections, un autre document d'identité ait été accepté - en l'absence d'un certificat de naissance, certificats de baptême et les enregistrements de l'hôpital ont été acceptés, ainsi qu'une déclaration sous serment par un membre de la famille déjà enregistré - de nombreux noirs marginalisés vivant dans les petites communautés de campagne n'avaient jamais été officiellement identifiés, et n'ont pas pu aller voter. Les nouvelles applications pour les cartes d'identité avaient été traitées par l'ancien ministère de l'Intérieur. Quand il est devenu clair que ces procédures avaient pris un temps infini pour les premières élections libres, en 1994, le canton de Majwemasweu, près de Brandfort (dans le Free State) a commencé à s'agiter. Le fait que la bureaucratie traînait les pieds était vu comme un stratagème de droite pour les empêcher de voter. Après tout, le Mouvement de résistance afrikaner était actif dans la région à l'époque. Lorsque Nora Moahlodi, la meilleure amie de Winnie Mandela à Brandfort, ville où elle avait été assignée à résidence par le régime de l'apartheid, a fait part de ce problème à Charmaine Alberts (les deux avaient fait connaissance en travaillant dans un projet social), la femme du photographe Paul Alberts, avait eu l'idée de proposer au ministère de l'Intérieur à Bloemfontein de la nommer commissaire à l'assermentation temporaire. Elle s'installerait dans un bureau d'inscription dans la mairie de Majwemasweu pour recevoir ceux qui feraient la demande d'une carte d'identité. La police prendrait leurs empreintes digitales. Son mari, le photographe Paul Alberts, connu pour son travail documentaire dans les campagnes et les townships, ferait lui-même leur photo d'identité. Et Nora Moahlodi les aiderait pour remplir les formulaires de demande. À la surprise de tout le monde, le gouvernement a approuvé le plan, qui a également été reçu avec beaucoup d'enthousiasme au niveau local.

Le bureau temporaire d'inscription sur les listes électorales a été ouvert pour les affaires d'avant 7 heures jusqu'à minuit pendant plusieurs jours. Paul Alberts a installé un studio de photographie improvisée. Pour son portrait, chaque demandeur levait une ardoise où l'on avait écrit son nom, son lieu de travail ou de résidence, et un numéro de photo unique. L'idée a été un tel succès que le projet a été repris dans d'autres régions - les localités éloignées comme Verkeerdevlei (plus de 50 km), TheunissenMarquardTweespruit,Ventersburg et Lückhof - quand on comprit que c'était presque impossible pour leurs habitants de se rendre à Brandfort


Les portraits d'identité de Paul Alberts ne peuvent pas être comparés avec des photos de passeport. Son travail dans le cadre de ce projet représente un document humain de premier ordre. Le désir de voter, qui traduit une conscience de soi,  une volonté de faire entendre sa voix dans une société, a rarement été photographié de manière expressive. Aujourd'hui, ces «petits portraits» peuvent être considéré comme un monument à la volonté d'être libre et de vivre dans une démocratie. Et nous semblent, à nous, absolument époustouflants. 

Question que nous posons : ne pourrait-on pas avoir le même genre de démarche, en France, dans les banlieues, où si peu de gens sont inscrits sur les listes électorales ? 

Le site de Paul Alberts