L'AUTRE QUOTIDIEN

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Frissonner avec les particules de nuit d'Apichatpong Weerasethakul

Vue de l’exposition Apichatpong Weerasethakul, Centre Pompidou — Pavillon Brancusi 2024 © Centre Pompidou — Audrey Laurans

Organisée dans le cadre de la manifestation Apichatpong Weerasethakul, l’exposition “Des lumières et des ombres” dévoile une vingtaine d’installations filmiques créées par le cinéaste et artiste visuel thaïlandais ces vingt dernières années — dont une spécifiquement réalisée pour cette occasion. En écho aux pièces qui jouent de la lumière et des formes, elle se présente comme une déambulation nocturne ponctuée des illuminations des images projetées.

L’exposition Particules de nuit est spécifiquement conçue pour un lieu particulier, le pavillon autrefois construit pour abriter une reproduction de l’atelier du sculpteur Constantin Brancusi et actuellement vide en préparation des travaux de rénovation du Centre Pompidou. D’un espace voué à accueillir parfaitement la lumière du soleil, Weerasethakul en fait le lieu d’une déambulation nocturne, ponctuée de la seule lumière des images projetées.

« Voir / n’est pas voir », ces mots écrits à la plume reviennent comme une ritournelle dans Seeing Circles (2022), où l’artiste décrit un tremblement de la vision. Rappelant l’obturateur d’un appareil photo, l’œil explore par intermittence les multiples échelles du monde visible à partir de chez lui. Dans For Bruce (2022), tourné dans la nature péruvienne, le même regard examine les ondulations et les reflets du soleil à la surface de l’eau, révélant à la fois la simplicité instantanée et la complexité de regarder / voir, et peut-être de méditer. Les œuvres récentes rassemblées pour cette exposition, à l’instar de l’étude de Brancusi sur la lumière et les formes naturelles, présentent un flux varié, du scintillement du soleil amazonien aux méandres de la nuit. Comme le palimpseste d’un rêve, les images qu’elles mettent en jeu se forment puis se dissipent, prennent congé sans vraiment disparaître : elles se transforment pour se déposer ailleurs. Les réalités du présent restent inséparables des souvenirs et des mythes vernaculaires. En se déplaçant parmi ces illuminations, le public voit les frontières temporelles se dissoudre.

Dans Solarium (2023), une installation récemment créée pour la Biennale de Thaïlande à Chiang Rai, l’investigation hypnagogique d’Apichatpong Weerasethakul atteint un réalisme hallucinatoire, imaginant une vision orpheline et errante qui tourne vers elle-même sa propre quête. Le soleil de la mémoire se lève et se couche à l’horizon. Il ne reste plus à la pupille qu’à inventer une autre lumière.

Et, si vous ne connaissez pas encore son cinéma, la rétrospective actuelle à Pompibourg vaut aussi plus que le détour.

Elmer Ganterie, le 28/10/2024
Apichatpong Weerasethakul - Particules de nuit -> 6/01/2025
Centre Georges Pompidou Place Georges Pompidou 75004 Paris