L'AUTRE QUOTIDIEN

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DÉFENDRE L'INDÉFENDABLE NE PROTEGE PAS DES MONSTRES, PAR CHRISTIAN PERROT

Comme il est arrivé au Royaume Uni avec le Brexit, le "consensus", curieux quand on y pense, des "gens raisonnables", depuis la Bourse aux grands média jusqu'aux militants de tous les partis dits de gouvernement et aux défenseurs des minorités, n'incarne plus une réelle majorité. C'est un fait stupéfiant. Énorme.

Et c'est le vrai tremblement de terre de cette élection, qui va bien au-delà de l'élection aux USA d'une personnalité aussi douteuse que celle de Donald Trump. C'est une lame de fond mondiale. L'hyper-capitalisme ultra-libéral et globalisé de ces quarante dernières années n'a profité qu'à sa poignée de promoteurs qui font tranquillement leur marché sur la planète. Il n'a fait le bonheur de personne d'autre. Les peuples le rejettent. De manière confuse. Opposant leur désir d'une marche arrière à ce qu'ils vivent comme une folle fuite en avant imposée par ceux qui cumulent tous les pouvoirs. Face à cela, toute défense du système en place, quelles que soient les nuances qu'on veuille y mettre, les améliorations de détail qu'on souhaite y apporter, se révèle d'une insigne faiblesse. Un colosse aux pieds d'argile. Il FAUT proposer un autre projet de société pour convaincre ceux veulent appuyer sur les freins quand ils constatent qu'on les emmène dans le mur. Or ceux qui conduisent les affaires n'ont rien d'autre à leur dire, la Commission Européenne en est un parfait exemple, que ceci : nous ne sommes pas allés assez loin. Il faut plus de libéralisme. Moins d'état. Plus dé précarité. Moins de protection. Plus d'austérité. Moins d'investissements publics. Plus de compétition. Moins de coopération. Cela ne va pas marcher.

A la fin, il faut un vrai débat. Une immense majorité veut autre chose que ce monde-ci. Il faut lui proposer un autre modèle de société, opposé à celui dans lequel nous vivons si mal. Si mal ensemble, si mal matériellement, si mal moralement. Le centre est en train de s'effondrer sur lui-même. Devient un trou noir. Plus on y ajoute de forces disparates, de la droite aux social-démocrates, de la finance aux média, plus vite et totalement il s'effondre, et sans espoir de retour, puisque toutes les forces du consensus s'y seront brûlées en vain. Il est facile d'ignorer le malheur des gens qui dorment dans la rue. Il suffit de tourner la tête. Mais on ne peut pas ignorer impunément le malheur et le malaise de toute une société en lui répétant que cela ne va pas si mal, et même que "ça va mieux".

Nous avons tendance à penser, comme Slavoj Zizek, dont nous avons traduit une tribune, parce qu'elle reflétait le mieux nos réticences devant le spectacle de ces élections, auxquelles seule la présence d'un grand manquant : Bernie Sanders, aurait donné un sens. Il faut un projet de société à opposer aux fascistes et à proposer aux gens qui sont enragés par celle-ci. A la fin, à cette élection-ci, ou à la prochaine : ce sera la France insoumise contre le Front National. Seuls les vrais choix de changement parleront aux gens.

Christian Perrot