L'AUTRE QUOTIDIEN

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Du cassage au bourrage de crânes - le mythe de la police républicaine

La police est républicaine, l’injustice sociale aussi, par Quartiers Libres

Soucieux de plaire au plus grand nombre et de faire passer leur discours dans le consensus pro-flic ambiant, certains leaders de gauche nous expliquent que la police est « républicaine », qu’elle a raison de se mettre en colère et qu’il ne faudrait pas avoir peur de cette révolte en la qualifiant de réactionnaire ou de fasciste.

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La dernière intervention de « l’insoumis Mélenchon » est l’exemple même de cette pensée de gauche républicaine qui se résume ainsi : la police est utilisée à mauvais escient de manière politique par un gouvernement qui lui demande de réprimer. Si un pouvoir soucieux du bien-être des gens dirigeait cette police, on pourrait vivre en harmonie avec elle.

Le raisonnement se tient… sauf que l’hypothèse sur laquelle il se base est que la majorité des policiers aurait été forcée par des décisions politiques à se comporter comme des gros dégoûtants tout au long de leur carrière, en marchant sur la tête des plus faibles, en gazant, mutilant les manifestants contre la loi « travaille ! » et en tuant régulièrement dans nos quartiers populaires.

Le fondement repose donc sur la présumée discipline du policier républicain qui ne peut sortir de son devoir de réserve et mettre la crosse en l’air, c’est à dire refuser de latter un gréviste au sol, renoncer à balancer une grenade de désencerclement gratuitement sur un journaliste, s’opposer à effectuer des contrôles au faciès ou neutraliser un « suspect » en l’étouffant : c’est bien connu, le policer est tenu par des règles professionnelles qui l’obligent à faire tout cela. L’individu policier n’est donc maître de rien. Il obéit aux ordres.

C’est justement là que le bât blesse, dans cette pensée de l’idéalisme républicain.

Aujourd’hui des policiers se révoltent contre leurs chefs administratif et politiques. Ils font la démonstration que leur révolte est possible et ils le font de manière dure et violente. Ils sont cagoulés, armés dans la rue. Ils exercent un rapport de force avec leur hiérarchie qui laissent songeur les salariés d’Air Franceles Goodyears et autres grévistes…

Avec un peu d’ironie, on pourrait souligner le fait que pour se faire entendre et respecter dans une démocratie comme la France il suffit de sortir enfouraillés et cagoulés à 2000 dans les rues de Paname pour obtenir un rendez-vous avec le Président de la République. De quoi faire réfléchir les centrales syndicales qui en mettant plusieurs millions de grévistes dans la rue n’ont droit qu’à une audience avec un sous-fifre… et un 49.3 au passage.

Le policier « républicain » peut donc sortir de sa réserve de manière séditieuse.

Une fois ce fait constaté, reste à savoir ce qu’il demande ce brave policier en colère ? Il demande à ne plus obéir aux ordres inhumains quant à la gestion des mouvements sociaux, aux traitements injustes qu’on lui ordonne de faire subir aux classes populaires ?

Non. Il veut juste les mains libres pour cogner plus fort en toute impunité et avec des encouragements en primes de fin de mois.

Et pour se faire bien comprendre, il manifeste dans les beaux quartiers comme un acte de soumission à ses vrais maîtres, auxquels il demande qu’on lui lâche la bride. Les bons gros riches les accueillent dans leurs rues, coupe de champagne à la main comme pour saluer leur soudards avant de les envoyer au charbon pour pressurer les classes populaires.

La partie de la gauche qui se berce encore d’idéaux républicains ferait bien de se rappeler que la police française à contribuer à tous les changements de régime vers la droite au nom de l’ordre « républicain ».

La police n’est pas républicaine. La police est un outil de contrôle social. La crise économique accentue les tensions et même si les policiers subissent beaucoup moins de violences qu’au siècle dernier, ils ressentent le besoin de ne plus avoir de limites légales dans leur manière de travailler. Leur sensibilité est heurtée par le fait qu’on puisse remettre en question le bien fondé de leurs méthodes. Un maintien d’ordre arbitraire, dur, violent. Un État dans l’État, ou plutôt le seul pan de l’État resté nécessaire aux libéraux quand ils ont décidé de tout privatiser.

Étant donné la fréquence des crises économiques que génère le capitalisme qui se répercutent en crises politiques et sociales, les classes dominantes ont tout intérêt à laisser le pouvoir aux policiers. Il n’y a pas d’alternative : c’est marche ou crève. Et comme ça s’agite et conteste dans le peuple, il faut décourager les révoltes par tous les moyens répressifs possibles.

La loi du plus fort est toujours la meilleure : tel est le fondement idéologique des millionnaires qui dirigent l’économie française. Ils partagent cette vision du monde avec les policiers qui réclament les pleins pouvoirs pour faire régner « leur ordre ».

La police qui défile dans les rues n’est pas « républicaine ». Elle ne défend pas l’intérêt commun ou celui du plus grand nombre. Elle réclame une impunité totale dans sa manière faire régner l’ordre social injuste. Les policiers cagoulés dans la rue sont en train d’emporter le morceau face à une gauche qui refuse de les affronter idéologiquement et préfère essayer de les amadouer avec un discours républicain hors-sol. L’histoire de la Police en France ne plaide pas pour que des dirigeants de gauche (même modérés) puissent lui accorder de la confiance. Les médias privés (financés par ceux qui trinquent aux manifs de flics) accompagnent le mouvement en nous vendant la fable républicaine du policier en colère pour nous faire accepter la férocité des répressions policières qui débordent de plus en plus souvent largement au-delà de nos quartiers populaires.

Quartiers Libres


Quartiers Libres est un collectif de militant-e-s de quartiers, de journalistes, d’universitaires qui tou-te-s vivent, travaillent, ou militent en banlieue. Réuni-e-s au lendemain des révoltes de 2005, nous sommes tou-te-s issu-e-s de différents courants de gauche radicale extra parlementaire. Nous avons pris acte du silence assourdissant et du déni qui pèsent sur les questions liées aux quartiers dans les organisations politiques parlementaires de gauche et dans une partie de l’extrême-gauche.

C’est pourquoi nous avons fait le choix de mettre en avant différentes thématiques ayant trait à la vie culturelle et politique des Quartiers Populaires.

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