L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

Quelques mots sur le 6 janvier, par André Markowicz

Une fois le choc passé de cette prise d’assaut du Capitole, qu’est-ce qui me reste ? D’abord, évidemment, les images des assaillants — je veux dire de ces brutes épaisses et fières de l’être, et le déchiffrement des slogans sur les t-shirts et des tatouages... 6MWE, ça veut bien dire « 6 millions, ce n’était pas assez ». Bon, et tous les autres, on les a déjà assez énumérés comme ça. C’est à des gens qui portaient ces t-shirts que Trump a tweeté pendant la manifestation, « We love you. You are very special ». C'est bien à des nazis que le président des USA disait « We love you » ... Bon, il y avait ça (et, ces t-shirts, vous pouvez les acheter en ligne, sans problème, puisque les USA sont le pays de la liberté... « des myriades de gens l’ont fait » nous dit le site).

Mais Joe Biden l’a fait remarquer lui-même : ces voyous, ces assassins potentiels, qui, si je regarde l’histoire, me font penser aux SA, on les a très simplement laissé rentrer dans le Capitole. Et s’il s’était s’agit de manifestants pour "Black Lives Matter », la réponse aurait été autrement musclée et dévastatrice. On a vu des images autrement hallucinantes encore : ce sont bien des policiers qui canalisaient les assaillants. Est-ce qu’ils les canalisaient pour éviter encore plus de dégâts, ou est-ce que la police de Washington, sur ordre de Trump, laissait faire, ou est-ce qu’elle favorisait ? Il y aura certainement des enquêtes, mais il s’agit bien, visiblement, non pas d’une manifestation, non pas même d’une sédition, mais d’une espèce de tentative de coup d'Etat intérieur, organisé par Trump.

Ensuite, une autre impression monstrueuse, c’est la réaction de Trump à l’indignation générale : ses appels au calme, sa condamnation. Cette espèce d’épouvantable lâcheté d’un homme qui attise la violence pendant des mois et des mois (et, sur son compte FB, le 6 janvier, il y a bien une dizaine d’interventions, toutes pour appeler à la haine — et je n'ai pas twitter) et qui, soudain, comme un enfant qui se rendrait compte qu’il est allé trop loin, fait machine arrière, — et Trump abandonne ses sbires. Oui, l’impression que Trump, en plus de tout, est un lâche.

Que le monde a, pendant quatre ans, été à la merci — de ça. Exactement comme un dessin-animé de Disney, un enfant apprenti sorcier qui, au dernier moment, se met à avoir peur des forces qu’il a mises en branle.... Mais le ravage qu’il a pu faire, dans le monde entier. Et pas que lui. Avons-nous oublié Bush ? Un homme qui a mis le monde a feu et à sang, lui et toute son équipe, et qui, finalement, vieillit et vieillira très tranquillement.

Et pas que ça encore. — Nous verrons bien ce que va (ce que peut) faire Biden. Mais il est évident que si Trump n’est pas jugé (et, pour l’instant, rien n’indique qu’il pourrait l’être), Biden, dès le début, sera marqué du sceau de l’impuissance, comme si ce qui venait d’arriver était une espèce de tache native. Et je n’oublie pas si Trump a été élu, c’est que Barak Obama, que nous portons au pinacle, l’a laissé se développer...

Et puis, nous regardons ce qui se passe à Washington, mais, finalement, ce n’est pas là, ce n’est plus là que les choses se passent.

Il y a, d’un côté, la crise qui vient (je dis qui vient, pas qui est là), le désastre économique, moral, culturel, de la pandémie, lequel s’ajoute aux autres, qui étaient déjà là avant. De l’autre, il y a la Chine, où le virus a pris naissance, et qui, tranquillement, pas à pas, s’impose comme la puissance unique dans le monde. Et nous, en Europe, même si notre président proclame qu’il faut regagner notre indépendance (s’il faut la regagner, c’est que nous ne l’avons plus), nous signons des traités qui ne pourront que favoriser son règne sans partage.

André Markowicz, le 9 janvier 2021


Traducteur passionné des œuvres complètes de Dostoïevski (Actes Sud), Pouchkine et Gogol, poète, André Markowicz nous a autorisés à reproduire dans L'Autre Quotidien quelques-uns de ses fameux posts Facebook (voir sa page), où il s'exprime sur les "affaires du monde" et son travail de traducteur. Nous lui en sommes reconnaissants.