"Antisémites, hors de nos luttes !" Par le Collectif des Juifves Vénères
Pendant la manifestation du 13 juin comme les violences policières, une banderole a été déployée du haut d'un immeuble par le groupe Génération Identitaire sur laquelle était écrit : "Justice pour les victimes du racisme anti-blanc". Les manifestant·es ont hué et protesté contre cette banderole odieuse, qui a fini par être décrochée. Parmi les sifflets, une vidéo, relayée par Valeurs Actuelles, journal raciste, antisémite et réactionnaire, fait entendre une personne prononcer la phrase "sales Juifs", adressée contre les identitaires. Nous ressentons le besoin de revenir sur ce qui s'est passé, tant cet événement et son instrumentalisation ont pu être vécues douloureusement par plusieurs d'entre nous. Ils constituent un danger pour les personnes juivfes et un frein à la lutte anti-raciste et aux luttes sociales en générales, dont nous faisons parties :
1. Il est insupportable que l'extrême-droite instrumentalise les Juifves et l'antisémitisme pour asseoir son islamophobie et sa négrophobie. Nous considérons comme particulièrement ironique que des groupes racistes et antisémites qui partagent des amitiés douteuses avec des néo-nazis se soucient soudainement de l'antisémitisme. Cette manipulation des Juifves et de l'oppression qu'iels subissent est dangereuse : elle vise à la fois à discréditer les discours antiracistes et à monter les communautés les unes contre les autres, et en rien à lutter contre l'antisémitisme, bien au contraire. Nous ne tomberons pas dans ce piège, et réaffirmerons notre soutien aux luttes en cours.
2. Des phrases telles que "sales Juifs" n'ont rien à faire dans des manifestations antiracistes. Elles doivent être condamnées et combattues, et il est nécessaire que l'extrême-gauche et les mouvements antiracistes produisent un discours clair sur ce point. Pour lutter ensemble, toutes les oppressions doivent être prises en compte et au sérieux. Il en est de même des pancartes qui établissaient un lien entre Israël et les violences policières subies en fRance et aux Etats-Unis : si elles faisaient sans doute référence aux supposées formations réalisées par l'armée israélienne a la police américaine, elles posent Israël comme la source des violences policières françaises en occultant la longue tradition de racisme et d'antisémitisme des institutions policières nationales. De même que le discours complotiste occulte les rapports d'exploitation du système capitaliste et empêche donc les luttes sociales de se construire, dire que les violences policières en France sont le fait d'Israël déresponsabilise l'Etat Français des violences policières. Ce positionnement problématique constitue par ailleurs un dangereux amalgame qui vient décontextualiser et discréditer la longue histoire de violences étatiques françaises d'un côté, et israéliennes de l'autre, tout en alimentant des stéréotypes antisémites. S'opposer à ce type de slogans est primordial et ne représente en aucun cas une prise de position favorable à la politique du gouvernement israélien.
3. Les fachos ont également instrumentalisé l'antisémitisme en disant que l'existence de discours antisémites dans les mobilisations antiracistes prouveraient l'existence du racisme anti blanc. Les Juifves ne sont pas blanc·h·es, mais racisé·e·s : nous dénonçons le dangereux discours qui vise à dire que les Juifves seraient blanc·h·es ou devenu·e·s blanc·h·es. Ce discours existe malheureusement dans les milieux d'extrême gauche et est allègrement récupéré par les fachos. En effet, dire que les Juifves sont blanc·h·es est une aubaine pour l'extrême droite, dans la mesure où cela revient à nier l'existence de l'antisémitisme. Ne tombons surtout pas dans leur piège en acceptant la théorie selon laquelle les Jufves seraient devenu·e·s blanc·h·es.
À toutes fins utiles, nous rappelons donc que la lutte contre l'antisémitisme ne constitue en aucun cas une lutte commune au prétendu "racisme anti-blanc". Juives et juifs subissent tou·te·s un processus de racialisation multi-dimensionnel : d'une part, via l'oppression, historiquement et actuellement observée des Juifves en France; et d'autre part, via la construction de phénotypes dits typiquement juifs et présents dans l'imaginaire collectif ("nez juif", lèvres charnues, cheveux bouclés / crépus, etc). L'antisémitisme aujourd'hui en France prend des formes très violentes, du harcèlement antisémite aux crimes dont des viols et des meurtres. Être Juifve ne décrit pas forcément l'appartenance à une religion, mais correspond toujours au résultat d'un processus de racialisation.
C'est cette création historico-politique d'une race sociale juive et la nécessité de la combattre qui nous lie dans un élan commun aux autres minorités racisées.
La mise en compétition de l'islamophobie, la négrophobie et l'antisémitisme crée une situation dangereuse politiquement et particulièrement douloureuse pour les Juifves Noir·e·s et Arabes, trop souvent oublié·e·s.
Nous ne pouvons pas permettre d'appuyer certaines mobilisations en rentrant chez nous épuisé·es et bouleversé·e·s par des signes récurrents d'antisémitisme. Pour que les luttes rassemblent, elles doivent s'assurer de ne pas laisser sur le bas côté d'autres opprimé·es !
À bientôt en manif !
Collectif des Juifves Vénères, le 16 juin 2020
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