L'AUTRE QUOTIDIEN

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Révolte chronique (2). Rattrapé par la patrouille. Par Christian Perrot

Curieux de savoir combien de temps nous pourrions espérer passer entre les mailles du filet en cas d'état d'urgence, de putsch droitier et de rafle des opposants, j'ai essayé de jouer au chat et à la souris avec les contrôles policiers dans un quartier populaire de Paris pour les éviter. Sans risque, puisque j'avais une carte de presse qui me permet de circuler, et en respectant le confinement, par principe de solidarité, ne sortant qu'une heure par jour au maximum, jamais plus loin que dans un rayon d'un kilomètre autour de chez moi, et toujours muni de mon attestation de déplacement dérogatoire dûment remplie. Eh bien, je me suis fait prendre deux fois, la première dans une petite rue par une voiture banalisée, que je n'avais pas vue venir, et l'autre quand j'avais baissé à la garde, à deux mètres de la porte de chez moi, presque arrivé.

Dans cette période où on discute rude sur les protocoles des études scientifiques, j'estime que cette expérience est restée dans les clous. J'ai échoué deux fois en un mois. Ce qui serait déjà une fois de trop , dans des temps de dictature ouverte. Considérant que je ne sortais qu'une heure par jour, et qu'il y en a vingt-quatre dans une journée; que l'on instaurerait un couvre-feu pour ajouter à ces mesures de contrôle; et qu'il existe aujourd'hui suffisamment de bases de données à croiser et de surveillance des réseaux sociaux pour identifier les opinions de tous, et aller cueillir à domicile n'importe qui en l'espace de quelques heures, j'estime que l'opposition serait mal barrée, rayée de la carte, disparue de la circulation dans tout le pays en l'espace de deux semaines.

Paranoïa ? Non. Hypothèse de travail. Et prudence devant l'avenir, dont rien ne dit qu'il ne pourrait pas être encore plus sombre que le présent. Le résultat de cette petite étude de terrain (avez-vous fait la même expérience ?) donne à réfléchir. Il pourrait devenir vital pour nous - littéralement - de défendre aujourd'hui ce qui reste de libertés publiques et de nous opposer au glissement annoncé vers toujours plus de contrôle de nos faits, gestes et opinions.

Christian Perrot, le 29 avril 2020