L'AUTRE QUOTIDIEN

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2020, l’année de la fin pour Gaza

Photo Massimo Berruti. Lire notre article : Massimo Berruti et la guerre de l'eau à Gaza

C’est comme ça quand on s’amuse, le temps file. Il y a huit ans, en 2012, les Nations Unies ont publié un rapport intitulé « Gaza en 2020 : un endroit vivable ? » La réponse était contenue dans le corps du rapport : non. Sauf si des mesures étaient mises en œuvre pour la sauver. Aucune réelle mesure n’a été prise mais les projections dans ce rapport sévère ne sont de plus pas confirmées : la situation est bien pire que ce qu’il prédisait.

Il y a un Tchernobyl à Gaza, à une heure de Tel Aviv. Et Tel Aviv n’est pas gênée par cela. Pas plus que ne l’est le reste du monde. Les analyses des informations de la dernière décennie incluent tout le reste, excepté le désastre humanitaire qui se déroule dans l’arrière-cour d’Israël, et pour lequel Israël est le premier et principal responsable.

Au lieu de prendre ses responsabilités pour les avoir expulsés et conduits à Gaza en 1948, et d’essayer de compenser et réparer ce qui a été fait, à travers de la réhabilitation et de l’assistance, Israël continue de poursuivre les politiques de 1948 d’une autre façon : une cage au lieu d’une expulsion, la prison au lieu du nettoyage ethnique, le siège au lieu de la dépossession.

On peut douter qu’il y ait d’autres régions du monde où des désastres ont duré continuellement plus de 70 ans et tout cela étant le produit d’actes humains malveillants. La mémoire de Gaza aurait dû nous harceler jour et nuit. Au lieu de cela, Gaza est oubliée. Seul le tir d’une roquette Qassam est susceptible de fournir un rappel de son existence.

Quand le rapport de l’ONU a été rédigé, le taux de chômage à Gaza était de 29 %. Huit années se sont écoulées et aujourd’hui, selon la Banque mondiale, le taux de chômage là-bas a atteint un inimaginable 53 %, 67 % chez les jeunes.

Est-ce que quelqu’un comprend ça ? Soixante-sept pourcent de chômage. Est -e que qui que ce soit comprend à quoi correspond une telle vie, quand la majorité des jeunes n’ont ni présent ni futur ?

Le Hamas est la partie coupable. Le Hamas est coupable de tout. Et Israël ? Pas du tout. Quelle répression, quel déni et lavage de cerveau cela requiert-il ? Quels mensonges, quelle inhumanité, quelle cruauté ? Un pays qui a envoyé des missions de secours aux quatre coins de la planète est, de façon révoltante, indifférent au désastre qu’il a créé à sa frontière et aggrave même la situation.

Approximativement la moitié des résidents de la bande de Gaza vivent avec moins de 5,50$ par jour. En comparaison, en Cisjordanie occupée, seulement 9 % de la population subsiste avec une telle somme.

Le Hamas est coupable. Comme s’il avait imposé le siège, qu’il faisait obstruction aux importations, exportations et à l’emploi, qu’il tirait sur les pêcheurs de Gaza, qu’il empêchait les malades du cancer d’obtenir un traitement médical, qu’il avait bombardé Gaza, tuant des milliers de civils et détruisant un nombre incalculable de maisons. Évidemment.

Le rapport de l’ONU de 2012 prédisait qu’en 2020 Gaza aurait besoin d’au moins 1000 médecins. Mais dans Gaza de 2020, 160 médecins sont partis durant les trois dernières années. Tous ceux qui le peuvent, partent.

Une jeune chirurgienne de l’hôpital Shifa de Gaza, le Dr. Sara al-Saqqa, a témoigné dans le journal Guardian la semaine dernière qu’elle gagnait 300$ pour 40 jours de travail. Si ce n’était pour sa mère âgée, elle aussi serait partie.

Il y a pire à venir. Quatre-vingt-dix-sept pour cent de l’approvisionnement en eau est impropre à la consommation, comme l’estime le rapport de l’ONU. 100 000 mètres cubes d’eaux usées par jour sont déversés dans la Méditerranée, qui est aussi notre mer. Ashkelon se baigne dans les eaux usées de Gaza, mais cela ne dérange personne non plus. Trois ans après que le rapport de l’ONU a été publié, les Nations Unies ont publié le rapport de 2015. La guerre d’Israël sur Gaza, l’opération « Bordure protectrice », a déraciné un demi-million de personnes de leurs maisons et laissé Gaza écrasée. Mais ça non plus n’a rien produit de plus qu’un gros bâillement. Et puis est venu le rapport de 2018, cette fois de la Banque mondiale : l’économie gazaouie était dans un état critique. Laissez-les suffoquer. Israël se tient au côté de Naama Issachar, la femme israélienne en prison en Russie, qui a été transférée dans une autre prison.

 Gideon Levy, le 6 janvier 2020


Merci à Agence Médias Palestine
Source: 
https://www.haaretz.com/opinion/.premium-happy-new-year-gaza-1.8347047
Date de parution de l'article original: 06/01/2020
URL de cette page: 
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=27782