Comme nous avions abandonné les Syriens, nous abandonnons aujourd'hui les Soudanais. Par Hind Meddeb
Au Soudan, la situation s'aggrave de jour en jour. A Khartoum, les milices janjaweed s'introduisent dans les maisons pour battre, violer et tuer. Chaque Soudanais est aujourd'hui soumis à un arbitraire total. Personne ne sait si il sera en vie demain. Pour terroriser les populations, on attaque au hasard et on crée un climat d'insécurité généralisé. Les milices veulent pousser les civils à s'armer, pour pouvoir justifier leurs crimes. Pour le moment, les Soudanais ne sont pas tombés dans le piège. Ils continuent d'exercer une résistance pacifique : désobéissance civile, grève générale, reconstruction permanente de barricades pour entraver la circulation des milices. Mes amis soudanais me disent que l'état de guerre qui a dévasté le Darfour est en train de se généraliser à l'ensemble du pays.
La France et l'Union européenne ont une position déplorable. Ils ne condamnent pas clairement les violences et les exactions commises par les militaires. Ils ne soutiennent pas le mouvement démocratique. Pour connaître les raisons de leur position, il faudrait se plonger dans les documents publiés par Wikileaks. Et il suffit de se rappeler que Hmiti le chef des milices janjaweed fournit un contingent d'enfants soldats à l'Arabie Saoudite pour sa sale guerre au Yemen, une guerre menée grâce aux armes livrées par la France.
Le Soudan est abandonné par la communauté internationale. Les diplomates vont être évacués. Les bureaux de l'ONU vont fermer. Alors que les Soudanais ont pendant 50 jours tenu des sit-ins espace de débat démocratique dans tout le pays et que les syndicats et les différents partis d'opposition avaient clairement énoncé leurs revendications pour une transition démocratique pacifique, nous les laissons aux mains de criminels de guerre qui sont prêts à étendre les horreurs qu'ils ont commises au Darfour à l'échelle de tout un pays. Comme nous avions abandonné les Syriens, nous abandonnons aujourd'hui les Soudanais. Personne, parmi les politiques, n'évoque le fait que pour la première fois, il s'agit d'un mouvement civil qui refuse la charia et qui rejette en bloc les idéologies islamistes qui ont fait tant de mal à la région. Et nos politiques obsédés par les questions migratoires ne se disent pas que soutenir l'émergence d'un pays démocratique est le meilleur moyen d'éviter de nouvelles crises humanitaires et des millions de déplacés.
Hind Meddeb, le 7 juin 2019