Yannick Jadot sera-t-il une éolienne, version moderne de la girouette, comme beaucoup de dirigeants verts avant lui ?
Seule note d’espoir des élections européennes (Macron s’en est très bien sorti, Le Pen aussi - c’est un triste résultat) le score surprise des écologistes laisse beaucoup de questions en suspens.
Il n’est pas du tout certain que ceux qui ont voté vert hier en soient arrivés à la même conclusion que les activistes écologistes (Greenpeace, les amis de la Terre, COP21) sur la responsabilité du capitalisme dans les maux de notre planète, ou soient prêts à faire leur le slogan “Changeons le système, pas le climat” et à se joindre aux luttes sociales. C’est même très improbable, mais on peut parier sur le fait que certains apprendront dans l’action, et pousseront plus loin leur réflexion. Ce n’est pas la première fois que les Verts font un très bon score aux Européennes, et le moins qu’on puisse dire est qu’ils nous ont cent fois déçu, en rejoignant des gouvernements qui se moquaient complètement de l’écologie, comme de parfaites caricatures de politiciens carriéristes (François de Rugy en est la parfaite incarnation). Reste donc à voir ce que Yannick Jadot fera de son bon score. Il a en tout cas bien fait, à en voir le résultat, de sortir brutalement de l’orbite du PS, qui avait fait disparaître les Verts aux présidentielles. Aujourd’hui, il tient sa revanche. La première place, et de loin, à gauche (terme qu’il récuse pour lui-même, c’est la nouveauté de cette campagne). La FI abasourdie. Hamon hors-jeu. Le PS s’épongeant le front mais guère plus. Que va-t-il en faire ? Yannick Jadot était ce matin sur France Inter. Ce qui était étonnant, c’est qu’il n’était pas loin de tomber dans la même erreur que Jean-Luc Mélenchon après les présidentielles : envoyer balader tous les alliés potentiels, traiter la gauche (qu’il décrit comme “le logiciel du vingtième siècle”) comme une espèce en voie d’extinction, et appeler tout le monde à se rallier à sa bannière (“le logiciel du vingt-et-unième siècle”) ou bien disparaître. Il semble à son tour vouloir occuper tout l’espace. Le tout dans un flou sur les alliances, au nom du réalisme et, en même temps, des grands principes (“La planète d’abord !”), ce qui permet d’être très souple et arrangeant, et toujours au pouvoir si on le souhaite, c’est donc très pratique, qui laisse dubitatif sur ses grandes déclarations d’indépendance. L’année qui vient sera très intéressante à suivre de ce point de vue-là. Mais pour l’écologie, celle de la base, de mille combats locaux, ou planétaires contre des multinationales pollueuses, des banques carnassières, des empoisonneurs publics, des affameurs des pauvres, ce sera plus que jamais dans la rue que ça se jouera. Yannick Jadot se dit anticapitaliste ? Prenons-le au mot. Exigeons qu’il le soit. Et pour cela, faisons sans lui. Comme ce fut toujours le cas. Notre Dame des Landes, ce n’est pas EELV. Bure, ce n’est pas EELV. La ZAD du Moulin, à Strasbourg, ce n’est pas EELV. La lutte contre Europa City ou le TAV, ce n’est pas EELV. L’occupation de la Défense, ce n’est pas EELV. Le décrochage des portraits de Macron dans les mairies, ce n’est pas EELV. Les actions contre Total et la Société Générale, ce n’est pas EELV. Les grèves dans les lycées et les marches pour le climat, ce n’est pas EELV. La désobéissance civile pour contraindre les gouvernements à agir, ce n’est pas (pas du tout !) EELV. Extinction Rebellion et le blocage du centre de Londres par des milliers de manifestants pacifiques et embarqués par la police, les actions contre les abattoirs, la lutte au jour le jour contre les multinationales, les pollueurs, les destructeurs de la Terre pour de l’argent, ce n’est pas EELV. Il y a des gens bien chez les Verts, mais il n’y en a pas beaucoup. Et ceux-là, Pascal Canfin, Cohn Bendit et de Rugy ne se précipitent pas pour leur proposer de s’allier à la République en marche, comme ils sont en train de le faire avec Yannick Jadot, déjà. EELV a toujours été une usurpation, une étiquette politique flatteuse et qui ne mange pas de pain, permettant toutes les alliances,toutes les compromissions, tous les arrangements; et donc une rampe de lancement pour d’innombrables carriéristes des coulisses du pouvoir. Rien n’indique que ce parti inexistant sur le terrain et dans les combats écologistes ait changé. L’étiquette verte est pratique, et attirante, mais ce n’est pas l’étiquette et le packaging qui comptent, nous le savons de mieux en mieux, c’est le produit. Parmi les jeunes électeurs d’EELV, il y aura donc beaucoup de déçus. L’écologie vaut mieux que ça.
hristian Perrot, le 28 mai 2019