Paris Nord-Est, la Mairie promet le bâton et des carottes
En réponse à la crise du nord-est de Paris, Anne Hidalgo a imaginé un volet répression assorti d’un autre d’animation - en route pour les jeux du cirque…
Déploiement de la police municipale assortie d’une lutte contre les nuisances et d’une guérilla juridique contre les commerçants qui osent vendre autre chose que ce que leur enseigne affiche sont les trois mesures phares annoncées par Anne Hidalgo pour lutter contre les nuisances d’une zone parisienne en pleine déréliction. Après Daniel Vaillant qui, autrefois, depuis la Mairie du XVIIIe, militait pour une légalisation de la drogue afin de couper court aux trafics locaux, Emmanuel Grégoire, Premier adjoint de la mairie de Paris tient un tout autre discours et pointe du doigt les réfugiés, le retour du crack et les mineurs isolés marocains pour dévoiler son plan d’assistance à cheval sur trois arrondissements (X, XVIIIe et XIXe).
D’après l’entretien donné au Parisien par monsieur Grégoire, cela vient en contrepartie des mesures d’assainissement du secteur Nord-Est auquel la Ville consacre cette année 865 millions d’euros pour le logement et réaménagement urbain, 436 millions pour la qualité de l’espace public, 308 millions pour l’enfance et l’éducation, 130 pour le sport et la jeunesse, 87 pour la culture, précise-t-on à la Ville de Paris. Sur un tout autre volet, la mairie s’engage à la rénovation de 40.000 logements du parc social en 2019, la création d’une promenade urbaine sous l’axe de métro aérien Barbès-Chapelle-Stalingrad ou encore la mise en place de sentiers de randonnée métropolitains. Cerise sur le gâteau : “pour valoriser la vie dans ces quartiers”, la mairie va débloquer “400.000 euros supplémentaires” pour aider les associations locales, et une fête “Canal en Scène” sera organisée le 29 juin sur le Bassin de la Villette. “Un euro sur quatre du plan d’investissement de la mandature bénéficie aux quartiers populaires, alors qu’ils concernent 16,5% de la population parisienne. ”
Comme d’habitude, le volet action s’assortit d’un autre volet, répressif celui-là - les jeux du cirque, en quelque sorte, car cela va permettre de diriger avec le concours des nouveaux inspecteurs de sécurité de la Ville de Paris (bientôt police municipale, ndlr) et des maraudes sur les “quartiers sensibles” du secteur, une “lutte contre les nuisances” et ainsi gagner le combat de “la tranquillité publique”, explique-t-il par ailleurs.
La menace de fermer tous les « dépanneurs » est ainsi actée; il va être plus difficile de trouver des clips et de l’alcool près de chez soi après les heures définies par la Préfecture … Et plutôt que de mettre en place une vraie politique d’accueil des jeunes marocains isolés, on va les fliquer encore plus à la Chapelle. Il en sera de même à l’entrée de l’Autoroute où cette nouvelle police municipale fera ne sorte de ne plus tolérer les distributions d’aide alimentaires ( qui sont pourtant le seul moyen des réfugiés parqués là de manger un peu - quand l’aide insuffisante des autorités fait défaut…). Sur le volet associatif, “une charte de distribution alimentaire”, signée par les associations et la mairie de Paris, sera mise en place pour éviter les distributions “non déclarées” et les problèmes qu’elles peuvent engendrer (bagarres entre migrants et détritus jetés à même le sol), annonce Emmanuel Grégoire.
Il va sans dire que dès qu’on parle de nuisance de voisinage, cela va renforcer l’aide au Préfet (qui n’en demande pas tant…) et faire fermer les bars qui assurent ce que reste de vie nocturne dans le quartier… Parlons clairement : entre le deal et les bars à putes, Emmanuel Grégoire veut agir. Constatant par ailleurs qu’un certain nombre de commerces se livrent à des activités non autorisées, la mairie de Paris prévient qu’elle “n’hésitera pas à déclencher une guérilla juridique contre ceux qui posent des problèmes importants”, a ajouté Emmanuel Grégoire. “La nature des activités de certains commerces laisse un doute sur leur crédibilité”, a-t-il estimé, alors que des soupçons de blanchiment d’argent planent sur certains d’entre eux.
On se souvient que depuis les années 80, le circuit du deal s’est déplacé de Jaurès à la Goutte d’Or, pour redescendre vers la Porte de Clignancourt, puis celle de La Chapelle. La politique de la Mairie et de Vaillant a été de fermer tous les squats et de rénover, entraînant la boboïsation de cette partie du XVIIIe. Mais devant le problème des réfugiés sans abri, dans une même logique d’écrasement, ce sont les tentes qu’on a d’abord viré tous les matins de la Chapelle et de Jaurès, pour laisser les plus démunis crever de faim, de froid ou de maltraitance. Et les rares association de maraude et d’entraide se voient aujourd’hui empêchées de faire leur boulot, puis que comme le dit la Mairie, elle va s’en occuper…
Rassurez-vous, heureux possesseurs d’un logement - insalubre ou pas - la Mairie vous convie à une grande fête, organisée par ses soins, le “Canal en Scène” le 29 juin sur le Bassin de la Villette. Du pain et des jeux, on vous aura prévenu !
Jean-Pierre Simard