La maladie de la police française
Je ne savais pas qu'en 1953, le jour du 14 juillet, notre police nationale avait tué huit manifestants qui avaient brandi le drapeau algérien place de la Nation. Je l'apprends en lisant la presse algérienne, ce matin, et c'est d'autant plus douloureux que je viens de visionner d'autres images où c'est la même police qui se déchaîne sur d'autres manifestants, à Marseille ou à Nice. Je continue de penser qu'on affronte une police de plus en plus coupable, depuis longtemps indéfendable et gravement malade de ses crimes. Notre habitude de filmer ou diffuser les images de son acharnement à frapper des corps à terre, à piétiner des opposants déjà ensanglantés n'est plus rien d'autre qu'une résignation collective face à l'ordre nouveau. Je pense à ces citoyens-reporters, en Syrie, qui ont risqué leurs vies pour diffuser les images d'une répression tout aussi acharnée à Damas ou à Homs, au printemps 2011. Ceux qui ont survécu aux massacres affrontent aujourd'hui un exil douloureux, et leurs images ne sont plus visionnées que par les services du renseignement syrien et quelques archivistes, tout au plus.
Ces images continuent de nous effarer, mais nous savons aussi depuis longtemps qu'elles n'ont pas le pouvoir de nous rassembler dans les rues, qu'elles ne deviendront pas une preuve pour qu'un tribunal puisse condamner le moindre porteur de matraque. En diffusant tant d'images d'hommes blessés impunément, c'est avant tout nos consciences que nous continuons de blesser, et la profondeur de ces blessures devrait nous obliger à changer d'attitude. À faire de nous des incendiaires, saboteurs d'un appareil d'État qui a montré son monstrueux visage, défiguré par la peur et la haine.
Les yeux crevés des Gilets Jaunes sont devenus le symptôme d'une pathologie honteuse, celle d'un État malade qu'il nous faut maintenant euthanasier si nous voulons garder un peu de dignité.
Tieri Briet