L'AUTRE QUOTIDIEN

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En marche (des fiertés) avec Mastercard et la mairie de Paris !

Pride de nuit - Toulouse

Depuis quelques jours, il n'y en a que pour les tags homophobes dans le Marais. C'est normal, tout le monde s'offusque. Cela s'est passé à Nantes, voilà que les anti-LGBT s'organisent contre nous, comme visiblement ils préparent des actions contre les musulmans. Le pays continue de se fracturer, la droite dure avance alors que Macron va voir le pape et que les lesbiennes attendent ce qui leur est du depuis longtemps, la PMA. Normalement, cela devrait être LA revendication majeure de la Marche des Fiertés au moment où l'État n'arrête pas de tergiverser sur le dos des femmes qui ont le droit d'avoir des enfants –avant qu'il ne soit trop tard pour elles. Après avoir naïvement fêté les cinq ans du mariage pour tous, l'État organisait le 23 mai dernier un dîner sur le sujet et sur vingt personnes, trois étaient des femmes et toutes hétérosexuelles. Les lesbiennes, éternelles sacrifiées du pouvoir gay masculin. Pour nous, cette affaire de tags dévie et fait oublier l'urgence de l'agenda PMA.

Money Pride

Pendant ce temps, l’inter-LGBT, organisatrice de la Marche des Fiertés à Paris, a conclu un partenariat avec Mastercard qui en dit long sur sa dévotion pour le management de la diversité et le pinkwashing. Mastercard vient de privatiser l’octroi, la quête qui a lieu pendant la Pride avec des bornes de paiement sans contact. La marque sera présente avec un char, son logo partout y compris sur les t-shirts des volontaires et au cou des organisateurs. Tu crois que tu marches pour les LGBT, tu marches pour Mastercard, autrement dit tu travailles gratos vu que le leader mondial de système de paiement par carte a carotté le tout à l’inter-LGBT pour 7.000 euros… Pas mal pour une campagne institutionnelle mondiale depuis une capitale comme Paris qui passera par les réseaux sociaux avec leur super hashtag #acceptancematters.

Rien de mieux que le testimonial et la capture de leur désir militant pour extraire de la valeur sur le dos des LGBTQI. Et quelle affaire: une campagne à cette échelle, ça se chiffre en milliers de dollars. Et il y a le mot d’ordre inepte de cette année: pan pan sur les discris dans le sport…on va les mettre au tapis… Avec une affiche qui en dit long comme d’habitude sur les incohérences politiques de l’inter-LGBT: un boxeur qui cogne son propre agenda… Et significative de son asservissement à la politique de com' de la mairie de Paris en période électorale municipale.

Le faux-bilan de la mairie

On se refait pas, même cocus: en 2011, l’inter-LGBT demandait de marcher pour voter Hollande en 2012. En fait, c’est la politique anti-communautaire du PS qui pose problème. Et là, pas possible d’avoir un débat sur le pinkwashing, le management de la diversité et l’inclusion meurtrière, toutes choses qui se réfléchissent à gauche en matière de politiques sexuelles, même si le PS ne sait même pas ce que c’est. Y compris à la mairie de Paris qui essaye de se prévaloir d’un bilan LGBT vu qu’elle n’a rien dans son cabas. Les Gay Games? Comme si la mairie avait pu les refuser… Un hypothétique centre d’archives promis en 2003 et pour… 2020 financé à hauteur de combien déjà ? Une action en direction des LGBT seniors? Le strict minimum symbolique alors que la ville concentre une grande partie des personnes LGBT vieillissantes. De la com', rien que de la com'. Y compris pour les décos rainbow de quelques rues parisiennes. Le tout enrobé dans une rhétorique de la fierté qui fait fuir depuis longtemps les électeurs et électrices que voudrait choper la mairie.

Derrière la marche, la gentrification

Mais il y a pire pour la ville qui prétend s’inspirer du modèle Tel-Aviv et qui se prévaut de sa stratégie gay-friendly. Car c’est bien d’une politique Gay Super Gay dont on parle et non d’une politique LGBT-friendly. La candeur d’Anne Hidalgo lors de son discours de remise du prix LGBT international de la ville de Paris en mai dernier avait de quoi faire sourire. Alors comme ça, un jour elle était à l’étranger et elle s’est dit mais c’est bien cette histoire de gay friendly, tiens, je vais en parler à Delanoë, l’homme qui a fait un coming out plus fin qu’une feuille à rouler. Parce que, oui bien sûr, qui dit gay dit «créatif» dit «innovation» poursuit-elle. C’est le discours du gay créatif gentrificateur des années 1970 depuis les débuts du Castro de San Francisco et pour une ville comme le devient Paris dédiée au gays blancs en couple, productifs et reproductifs qui se marient, les premiers à braire pour plus de sécurité pour leur propriété. Ceux qui sont dignes de figurer dans le gay index de Richard Florida sur fond d’économie de la discrimination et de capital humain gay.

Parce que les L, les B, et les T tiens, c’est drôle la maire a oublié de les valoriser en matière de compétitivité urbaine. Sans parler des travailleuses du sexe, des LGBTQI racisés et racisées, des migrants et migrantes et des précaires que sa politique municipale écrase, eux et elles les sans valeur, les non plus-value.

On s'en fout des passages piétons arc-en-ciel

Déjà, sur Facebook, les vrais militants LGBT s'expriment sur l'affaire des tags homophobes en considérant que ce n'est pas le plus important quand toutes les autres revendications LGBT et VIH traînent. OK, il y a des groupes de droite qui nous détestent, cela vous surprend? Est-ce qu'on n'est pas, encore une fois, en train de se faire avoir sur ce cycle des news alors que les années passent et nos demandes ne sont pas réalisées au niveau national et régional?

Cette collusion avec la logique néolibérale est ce qui fera perdre le vote gay y compris sa fraction aisée supergaie. Le PS est mauvais en néolibéralisme, non qu’il soit contre, mais il reste républicain anti-minoritaire et anti-communautaire et il continue la politique de papa. Il veut le vote des G et des LBTQI mais à la mode clientéliste. La mairie de Paris tient les LGBTQI en laisse en les gouvernant par le biais faussement démocratique des associations qui se laissent faire et continuent de réclamer les claques de la part des politiques qui leur ont à peine accordé l’un des trois points de leur agenda réformiste riquiqui avec le mariage où ne figure ni justice sociale ni redistribution économique. L’arc PS pourri en somme. On ne peut même pas parler de pinkwashing quand on voit que la mairie de Paris n’y met pas le fric. Le centre gay et lesbien de New York c’est 11 millions de dollars, celui de Paris moins de 200.000 euros sous surveillance. Le management de la diversité, c’est la droite qui va le réussir, comme au Pays-Bas où seuls les partis de droite sont présents à la Gay Pride. Les macroniens viennent de racheter Têtu et la région s’active. Quant à ce qui reste du vote gay, il y a longtemps qu’il s’est réparti à droite et à l’extrême droite, vu comme les gays créatifs qui payent avec Mastercard ne sont pas si friendly, volontiers racistes et homonationalistes. Et néolibéraux friendly.

Alors en marche avec Mastercard et le char de la mairie de Paris à la marche des fiertés le 30 juin. Certainement pas. Et nous ne serons pas les seul(e)s.

Sam Bourcier Sociologue, militant et théoricien queer
Didier Lestrade Journaliste et écrivain

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