L'AUTRE QUOTIDIEN

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Action flash au pont de Bercy : la fête à Macron c'est parti !

Ce matin, à 9h30, une poignée de militants a déployé une banderole au pont de Bercy, un lieu pas vraiment choisi par hasard. Les flâneurs des quais de Seine auront pu voir une banderole de vingt mètres de long dénonçant le tout pour le fric de la présidence Macron. Récit d'une affaire rondement menée et minutieusement organisée. Action !

La convergence des luttes est bien là. Et ce matin, elle avait rendez-vous avec Bercy. A 9h25, une dizaine de militants déterminés, proches du Front social, qui fédère des militants de tous bords contre les réformes antisociales de la présidence Macron, font irruption sur le pont de Bercy, qui fait face au ministère des finances. Ils sont comédiens, étudiants, travaillent à la Poste, à la SNCF ou pour les hôpitaux de Paris. Une camionnettes s'arrête au milieu du pont. Prestement, les militants en extraient une bâche peinte à la main. Le slogan barre toute la largeur de la banderole : "Medef, Bercy, Elysée, c'est pas au pognon de gouverner !" Une action coup de poing symbolique pour faire entendre que "nos vies ne sont pas des machines à cash, ni des éponges à gaz lacrymogène", en ces temps de répression généralisée, comme le dit le communiqué publié dès ce matin.

Tout a été minutieusement préparé. Chacun prend un bout de la banderole et la déplie dans le vide, au-dessus du parapet. Tandis qu'en bas, d'autres coordonnent et veillent au placement exact de cette bannière de vingt mètres sur trois, sur le pont, on sort quelques fumigènes. Paraphrasant un polar de Léo Malet, ce n'est pas brouillard au pont de Tolbiac, mais bien brouillard au pont de Bercy, ce samedi 28 avril. Le temps d'un cliché immortalisant la scène, cette "action flash" n'aura duré qu'une dizaine de minutes.

Le communiqué diffusé dans la foulée dénonce "la volonté sordide du gouvernement de financiariser nos existences jusque dans le moindre recoin". Et entend s'opposer à une offensive qui "vise tout à la fois à casser les services publics, à amputer les droits des salariés, à resserrer le contrôle des chômeurs, à fragiliser les protections sociales, à broyer le droit d'asile,  à pourrir la vie des plus pauvres et à satisfaire la voracité des plus riches". Ce que dénoncent les militants, ce sont des attaques concertées et systématiques qui visent à saper notre modèle social, à mettre à bas les protections et à réprimer toute contestation collective de cette politique ultralibérale. Destruction du code du travail et du droit d'asile, contrôle renforcé des chômeurs, sélection à l'université, plan ferroviaire, casse du service public, plans sociaux dans les hôpitaux : la contre-réforme se déploie sur tous les fronts.

Amélie*, également militante FEMEN, était à Notre-Dame-des-Landes lors des premiers jours de l'évacuation. Sur place, elle raconte "une répression féroce" avec blindés équipés de mitrailleuses et le vrombissement terrifiant d'un hélicoptères jusque dans la nuit. Laurence*, comédienne, se doute bien que le régime d'indemnisation des intermittents, régulièrement sur la sellette, sera bientôt dans la ligne de mire du gouvernement. Guillaume*, agent du service hospitalier, dénonce "la multiplication des CDD à l'hôpital" et le recul de la France au 15e rang dans le classement de l'organisation mondiale de la santé des systèmes de soins, "alors qu'elle occupait la première place en 2000". Laurent*, également intermittent, a pris une part active aux manifestations contre la loi El Khomri et à Nuit debout. Il prépare la "fête à Macron", le 5 mai prochain et appelle à faire de l'événement une grande manifestation nationale commune et festive. "Les 22 mars et 19 avril ont été des moments forts de la mobilisation. L'idée c'est de proposer un moment où toutes ces colères peuvent se fédérer, un rassemblement où chacun vient avec ses revendications pour converger ensemble". 

Au-delà de leurs appartenances politiques, syndicales, lorsqu'ils en ont, la dizaine de militants présents au pont de Bercy pense qu'il faut arrêter de parler de convergence des luttes et la construire en actes. Ces militants de tous les secteurs se croisent dans les universités occupées, dans les assemblées générales de cheminots, dans les hôpitaux, occupent le siège de la Poste à Issy-les-Moulineaux avec les postiers des Hauts-de-Seine. Ces derniers sont en grève reconductible depuis le 26 mars, pour exiger la réintégration de Gaël Quirante, délégué syndical de Sud PTT, licencié après plus de huit années de pressions et malgré l'opposition de l'inspection du travail, du ministère et du tribunal administratif. En marge des grèves et manifestations, les actions menées par des petits groupes déterminés, sont "en train de changer la donne", comme l'explique Guillaume.

Ce militant non syndiqué mais très actif à l'AP-HP (hôpitaux de Paris) faisait partie des 250 personnes qui ont bloqué un entrepôt de Geodis le mardi 24 avril au soir, de 20 heures à minuit. En février, les salariés de cette filiale de la Poste et de la SNCF, qui gère le transport de colis, étaient en grève pour protester contre les salaires indigents, les conditions de travail et la répression antisyndicale. Le 24 avril, les militants rassemblés sur place pour une action coup de poing ont entièrement bloqué la livraison des colis et "pas un camion n'a pu sortir du centre", raconte Guillaume. Qui pense que pour être efficace, il faut "frapper au porte-feuille". Comme lorsque les agents d'EDF, également en grève, ont promis de basculer des compteurs en heures creuses, de remettre  l'électricité aux personnes pénalisées par des impayés ou de provoquer des coupes ciblées sur des entreprises qui criminalisent l'action syndicale.

Véronique Valentino, le 28 avril 2018

Les prénoms ont été changés et les photos prises volontairement de façon à ne pas trahir l'identité des personnes ayant participé à cette action.

Lire le récit du blocage de Geodis-Calberson dans Révolution permanente.