L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

« Trêve » sur la ZAD – quelques remarques

La situation à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes reste conflictuelle. Le gouvernement a bien annoncé une trêve, mais les gendarmes sont toujours sur place. La décision du premier ministre d'avancer au 14 mai la date du comité censé statuer sur les projets déposés par des habitants de la ZAD, initialement prévu le 6 juin, n'augure rien de bon. Tout comme les condamnations lourdes contre des jeunes venus en soutien sur le site. Nous publions ce texte de Nantes révoltée mis à jour avec des informations obtenues auprès des militants de la ZAD.

« Le gouvernement annonce une trêve sur la ZAD », écrivent en cœur les médias de jeudi 26 avril. Mais dès l'aube, des détonations retentissaient dans les champs de Notre-Dame-des-Landes, et les blindés enfonçaient des barricades. Quelques remarques sur la situation en cours.

1 - Les violences et l'occupation militaire ne cessent pas. Les blessures, les gaz, les affrontements continuent. Le dispositif militaire massif est toujours sur zone, officiellement pour « déblayer » les barricades. Mais comment parler de trêve alors que l'occupation du bocage par des milliers d'hommes armés ne peut que provoquer des tensions quotidiennes. Le Directeur Général de la Gendarmerie annonçait même il y a quelques jours que ses militaires allaient probablement rester plusieurs mois.

Notre commentaire : ce matin du 27 avril 2018, les tirs de grenades -grenades assourdissantes ou de désencerclement- continuent, selon le service de presse de la ZAD. Les gendarmes ont non seulement détruit des lieux de vie mais aussi des points d'arrivée d'eau qui alimentaient des maisons et des jardins. On est sur une forme d'occupation militaire", nous explique Camille, avec un "maintien de la pression sur les habitants". Camille évoque même "une logique de la terreur" avec une "continuité du chantage à la destruction". Il semble donc abusif de parler de "trêve".

2 - L'arrêt des destructions sera de courte durée. Le premier sinistre annonce une reprise des hostilités dès le 14 mai, « contre les occupants illégaux ». En bref, le gouvernement temporise face à la résistance rencontrée sur le terrain, et face à la nouvelle donne politique depuis que les opposants ont remis les formulaires demandés par la préfète. Il s'agit de gagner du temps, mais surtout de nourrir la division entre occupants de la ZAD, en inspectant de près les documents déposés. Mais dès la mi-mai, le gouvernement risque de frapper fort pour le deuxième round. Edouard Philippe déclare aujourd'hui : « il ne faut pas douter de la détermination du gouvernement, elle est totale. On prépare les interventions nécessaires pour tirer les conséquences d’une occupation illégale qui ne voudrait pas cesser. »

3- Le coût des deux premières semaines d'intervention est colossal. Sur le plan financier et humain. La presse parle d'un montant minimal de 5 millions d'euros, comprenant notamment 3 millions d’euros d’indemnités et de logement pour les gendarmes, 1,5 million d’euros pour le carburant et la la nourriture, et 300 000 euros de grenades. Et cela sans compter les frais des deux hélicoptères déployés – 1500 à 2000 euros de l’heure de vol –, les drones et les blindés. La baisse des APL aura servi à payer la répression. Le coût humain est aussi très lourd : les blessés se comptent à présent par centaines, avec notamment deux personnes gravement atteintes au visage lors des manifestations nantaises, et des parties du corps gravement endommagées par des explosions de grenades sur la ZAD.

Nos remarques : Selon le Figaro du 25 avril dernier, l'opération aura déjà coûté à la fin de la semaine plus de cinq millions d'euros. Une estimation calculée en retenant une fourchette basse, écrit le quotidien. Depuis le début de l'intervention, il y aurait plusieurs centaines de blessés, mais nous n'avons pas le nombre exact. Un communiqué de l'équipe des medics faisait état de 60 blessés rien que lors de la manifestation du dimanche 15 avril, lors de laquelle e nombreux soutiens ont afflué de toute la France et même de l'étranger.

4 – La zone est dévastée. Les « Naturalistes en lutte » qui veillent sur le bocage depuis des années estiment que la ZAD est empoisonnée par les milliers de grenades qui ont imprégné les terres et les végétaux de gaz chimiques. Les espèces locales sont contaminées et leur habitat est abimé par les véhicules blindés, des bulldozers et les affrontements qui ont lieu en pleine période de reproduction et de régénérescence printanière pour la faune et la flore. Tout ça pour détruire une trentaine de cabane dont personne, pas même une armée, ne pourra empêcher la reconstruction à plus ou moins long terme.

5 – La guerre continue dans les tribunaux. Si les affrontements sont moins vifs sur le terrain, une justice d'exception frappe avec une violence inouïe toutes les personnes soupçonnées de soutenir la lutte, ou de participer aux résistances. Un jeune sans casier judiciaire a pris 8 mois de prison ferme la semaine dernière, accusé sans preuve d'avoir vidé un extincteur en direction de gendarmes, sans avoir blessé personne (1). Un belge de 21 ans, contrôlé sur la ZAD avec quelques pétards dans la poche a été jugé il y a deux jours, et dort en prison pour plusieurs mois (2). On ne l'accuse d'aucune violence, ni de rébellion, ni d'outrage. Seulement d'avoir eu en sa possession, loin de tout affrontement, quelques pétards. La justice ne s'en cache même plus, elle cherche à faire des exemples. Cette judiciarisation pourrait bien continuer, puisque l’État accumule des centaines d'heures d'images avec ses mouchards volants, et enquête sur les mouvements contestataires.

Nos remarques : Ces informations sont exactes. Un jeune homme de 22 ans, de nationalité belge, a été jugé en comparution immédiate mercredi 25 avril par le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Sept paquets de pétards à mèche avaient été trouvés sur lui. Il a été condamné à quatre mois de prison, dont deux avec sursis, et incarcéré à l'issue de l'audience. La semaine dernière, un autre jeune homme de nationalité belge, âgé de 21 ans, avait été condamné à un an de prison assorti d'un maintien en détention et d'une interdiction de séjour en Loire-Atlantique. Il était accusé d'avoir vidé un extincteur sur des gendarmes, sans faire de blessé. L'extincteur n'a pas été retrouvé. Cet étudiant liégeois est ressorti libre.

Le gouvernement met donc le mouvement d'occupation sous pression, avec un compte à rebours très court, tout en continuant le déploiement militaires et les violences sur zone. Le répit accordé doit permettre de construire des solidarités plus vastes pour riposter efficacement en cas de nouvelle attaque.

Nantes révoltée, le 26 avril 2018

Mise à jour de l'Autre quotidien au 27 avril 2018 : 

Le scandale de la destruction des points d'eau :

27/04 La fontaine de Gourbi, principal point d'eau de l'Est de la ZAD, arrachée aujourd'hui... Assoiffer le peuple, on appelle ça comment? #NDDL

See this content in the original post

Dernière minute : « Afin d’exprimer la colère légitime des riverains de Nantes-Atlantique » , le Coceta (Collectif de citoyens exposés au trafic aérien), auquel s’associe l’Acsan (association contre le survol de l’agglomération nantaise), annonce qu’il organise un blocage du périphérique à la porte de Grand Lieu (numéro 51), vendredi 27 avril, de 17 h à 20 h (voir l'article de Ouest-France daté du 24 avril.

Suivre Nantes révoltée sur Facebook