L'AUTRE QUOTIDIEN

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ZAD : l'Etat appelle au respect d'une légalité qu'il ne respecte pas lui-même

Le Collectif des universitaires contre les violences policières fait front commun avec les nombreux communiqués et actions de soutien aux habitant.e.s et sympathisant.e.s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes face aux expulsions, destructions et violences dont ils.elles font l’objet depuis le 9 avril dernier. Nous publions son communiqué daté du 15 avril 2018, journée qui a vu de nombreux soutiens converger vers la ZAD.

À l’heure où le gouvernement déclare vouloir mener la chasse aux « fake news », il est étonnant d’entendre le Premier ministre prétendre « éviter toute violence » tandis que son ministre de l’Intérieur affirme avoir un recours modéré à la force et « faire en sorte que celles et ceux qui veulent construire leur avenir là-bas puissent rester ».

Or, contrairement à ce que la Préfecture de Loire Atlantique avait annoncé, des habitant.e.s en phase de construction d’un projet agricole et/ou s’étant signalé.e.s à plusieurs reprises auprès des autorités – et sans que celles-ci daignent en tenir compte – ont vu leur habitat détruit, leurs cultures dévastées et leurs troupeaux déplacés. La liste des blessé.e.s, dont certain.e.s dans un état jugé sérieux et ayant nécessité une évacuation d’urgence vers des centres de soins nantais, ne cesse d’augmenter.

Non seulement habitant.e.s de la ZAD, mais aussi sympathisant.e.s de tous âges et professionnels des médias (journalistes, photographes) ont subi coups et blessures, assauts de véhicules blindés, pluies de grenades assourdissantes, de désencerclement et autres grenades offensives, ou encore tirs tendus de gaz lacrymogènes et de flashballs. Un habitant qui défendait un lieu de vie a vu plusieurs de ses tendons de doigts sectionnés après avoir été tiré par les pieds alors qu’il se trouvait sur un toit de tôle puis laissé à son propre sort dans les rues de Nantes par les gendarmes mobiles. Des militant.e.s, dont certain.e.s retraité.e.s qui avaient organisé un pique-nique solidaire sur place, ont fait l’objet de nombreux tirs de grenades lacrymogènes lors de la troisième journée de l’opération. De nombreuses personnes ont fait état de l’usage de gaz incapacitants aux effets sanitaires dévastateurs et aux séquelles inévitables.

Président, ministres et députés de la République justifient cette opération de grande ampleur – et à grands frais (275 000 euros / jour) – par la volonté de « mettre fin à une zone de non-droit » et de faire respecter la loi. Mais lorsque des matériels et des méthodes aussi offensifs sont déployés par autant d’escadrons de gendarmerie, lorsque de si nombreux.ses blessé.e.s sont à déplorer, lorsque des expulsions et des démolitions ont lieu sans présentation des décisions officielles les autorisant ou sans huissier, lorsque les projets de convention de gestion collective des terres en discussion et permis par le droit sont réduits à néant, lorsque les gendarmes refusent de laisser les habitant.e.s récupérer leurs affaires avant la destruction de leur habitation, lorsque les journalistes sont interdits de faire leur travail sur les lieux des événements et que des gendarmes arborent de faux brassards de presse, lorsque des blessé.e.s graves tardent à recevoir des soins ou peinent à être évacué.e.s, lorsque des manifestant.e.s sont gazé.e.s et aspergé.e.s de façon à empêcher un rassemblement, comment parler d’État de droit ?

La situation que nous vivons est paradoxale et contradictoire : en sa main gauche, l’État met en concurrence, individualise, diminue les protections sociales et exacerbe les inégalités en dérégulant, déréglementant, contournant et cassant les droits sociaux acquis de haute lutte, tout en appelant, par sa main droite, au respect de la légalité qu’il ne s’applique pas à lui-même ?

À travers ces violences, ce n’est pas « le rétablissement de l’ordre républicain » que le gouvernement vise, c’est la possibilité de contester sa politique et son arbitraire, c’est l’ensemble des droits individuels et collectifs à prendre part à la définition d’un avenir désirable, ce sont aussi les initiatives multiples qui s’organisent selon les mots d’ordres des communs, de l’entraide, du pluralisme, de l’égalité, de la sobriété.

En opposant toujours plus fortement l’ordre sécuritaire et répressif aux mouvements de contestation de son hégémonie ainsi qu’aux initiatives citoyennes dont ils ne peuvent maîtriser ni le périmètre ni le contenu, c’est l’idée même que puissent exister des formes de pensée, d’organisation et de vie différentes de l’ordre dominant que les pouvoirs publics cherchent ici à discréditer.

Nous, membres du Collectif des universitaires contre les violences policières, dénonçons l’emploi de la force policière et des multiples formes de violence d’État contraires aux droits les plus fondamentaux qui, des amphis d’universités aux quartiers populaires, en passant par les entreprises publiques et privées, la rue et les lieux d’expérimentation alternatifs, recourent à une répression aussi inutile que contraire aux droits humains les plus fondamentaux.

Collectif des universitaires contre les violences policières

Publié le 15 avril 2018

Lire le communiqué sur le site ZAd nadir ici