Liu Xiaobo est mort, n'abandonnez pas Liu Xia !
Le Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, pour lequel j'avais lancé cette pétition en juillet (voir ci-dessous), est mort derrière les barreaux, abandonné de nos démocraties. Son corps a été incinéré le lendemain même, au mépris des coutumes funéraires chinoises. Ses cendres ont ensuite été dispersées en mer pour le priver, à jamais, de sépulture. La veuve de Liu Xiaobo, Liu Xia, reste l'otage de l'Etat chinois, qui fera tout pour la réduire au silence. Paris, capitale mondiale des Droits de l'homme, doit faire entendre sa voix pour qu'elle échappe enfin au cauchemar kafkaïen qu'elle vit depuis 2010.
Littéralement séquestrée dans son appartement depuis 2010, longtemps privée même du droit de lire les lettres que Liu Xiaobo lui écrivait, Liu Xia, qui a perdu son père en 2016 et sa mère tout récemment, sans internet et sans téléphone, n’avait d’autre joie que de voir son mari une fois par mois à travers un guichet de verre après un interminable voyage jusqu’à la prison. Encore ne pouvait-elle lui parler de la vie de recluse qu’elle menait ou des persécutions qu’endurait son frère, condamné à une lourde peine de prison après un procès truqué… Elle ne les lui a révélées que peu de temps avant sa mort, bravant l’interdit des autorités au risque d’encourir de nouvelles brimades de leur part.
Enlevée par le pouvoir immédiatement après les funérailles de Liu Xiaobo, Liu Xia a été portée disparue pendant les 49 jours du deuil rituel, exhibée dans deux vidéos de propagande, puis ramenée à Pékin où elle suppliait qu’on la laisse demeurer chez elle mais les autorités l’ont à nouveau contrainte à des « vacances forcées » à la veille du Congrès du PCC… On ne sait ni où elle est ni quel est son état de santé, sinon qu'elle reste depuis des années sous antidépresseurs et qu'elle a des problèmes cardiaques exigeant une surveillance médicale régulière.
La détention de Liu Xia par le régime communiste ne repose sur aucun fondement juridique, pas même dans la loi chinoise. Comme l’affirme Jared Genser, l’avocat américain qui a entrepris de plaider sa cause à l’ONU, Liu Xia « a désespérément besoin de l’aide du monde entier pour recouvrer la liberté. » Mais la Chine, qui s’affirme désormais comme une puissance économique mondiale, a réussi à museler les défenseurs des droits de l’homme un peu partout dans le monde et les leaders mondiaux du G20 ont préféré saluer "le grand leader" qu'est Xi Jinping plutôt que d'exiger, d'une seule voix, la libération de Liu Xia. Il serait dramatique que Paris, après avoir abandonné Liu Xiaobo, garde le silence sur le sort qui est aujourd’hui réservé à sa veuve.
En exhibant les portraits géants de Liu Xiaobo et de Liu Xia sur la façade de la Mairie de Paris, Mme Hidalgo apporterait à cette femme courageuse un soutien inestimable et démontrerait, une fois encore, l'attachement de la Ville de Paris à la liberté et aux idéaux auxquels Liu Xiaobo a sacrifié son bonheur, sa liberté et sa vie. « Il y a des formes et des gestes très symboliques qui montrent l'engagement d'une ville », disait Mme Hidalgo en pavoisant l’Hôtel-de-Ville aux couleurs de l’arc-en-ciel pour défendre le droit d’aimer au-delà des frontières du genre. Nous lui demandons, aujourd'hui, de ne pas l'oublier en agissant concrètement pour la libération de Liu Xia.
A Madame Hidalgo, Maire de Paris
Paris est, pour le monde entier, la ville de la liberté et le symbole de la lutte pour les Droits de l’homme. Vous l’avez montré, tout récemment encore, en pavoisant l’Hôtel-de-Ville aux couleurs de l’arc-en-ciel pour défendre le droit d’aimer au-delà des frontières du genre : « Il y a des formes et des gestes très symboliques qui montrent l'engagement d'une ville », expliquiez-vous alors. Nous vous demandons aujourd’hui un geste tout aussi symbolique pour la défense de Liu Xiaobo, le Prix Nobel de la Paix, qui se meurt en Chine, et dont la dernière volonté est de mourir « à l’Ouest »…
Si mes souvenirs sont bons, la Mairie de Paris avait clairement affiché son soutien à Liu Xiaobo lors de la cérémonie au cours de laquelle le Prix Nobel de la Paix lui a été décerné devant une chaise vide. C’était en 2010. Les années ont passé et la Chine, qui s’affirme désormais comme une puissance économique mondiale, a réussi à museler les défenseurs des droits de l’homme un peu partout dans le monde. Il serait dramatique que Paris garde le silence sur le sort qui lui est aujourd’hui réservé.
Liu Xiaobo, qui purgeait une peine de onze ans de prison pour avoir exercé son droit constitutionnel à la liberté d’expression en participant à la rédaction de la Charte 08, a été admis à l’hôpital de Shenyang, dans le Liaoning, pour traiter un cancer du foie en phase terminale. Mais, loin d’être « libre », comme on a pu le lire ici ou là, il reste sous surveillance étroite des autorités dans cette lointaine province, proche de la Corée du Nord.
Sa femme, la poétesse Liu Xia, dont le seul crime est d’être l’épouse d’un dissident et qui vit depuis 2010 en résidence surveillée (un régime proche, en Chine, de la séquestration pure et simple), a pu se rendre à son chevet. Elle affirme que les autorités ont refusé à maintes reprises de lui transmettre le dossier médical de son mari. Bien que les autorités chinoises affirment que celui-ci a bénéficié une fois par an d’un examen médical approfondi et d’une visite médicale tous les quinze jours depuis son incarcération, Liu Xia se demande pourquoi le cancer n’a été diagnostiqué, officiellement, que le 7 juin, et pourquoi son hospitalisation a été aussi tardive. Alors que ce cancer, conséquence probable d’une hépatite B contractée en détention, ne peut être ni opéré, ni traité par les rayons ou la chimiothérapie, mériterait d’être pris en charge par les meilleurs spécialistes, Liu Xiaobo s’est vu refuser le droit d’être soigné à Pékin et les demandes des pays étrangers qui se disent prêts à l’accueillir, comme la France, sont restées lettres mortes.
Le Prix Nobel de la Paix, dont toute la pensée politique est inspirée de la philosophie des Lumières, veut quitter la Chine pour mourir en homme libre. Mais il veut aussi libérer sa femme, Liu Xia, et le frère de celle-ci, lui aussi victime d’une féroce répression du seul fait de ses liens de parenté avec elle, du cauchemar qu’ils endurent.
En militant pour les droits de l’homme dans son pays, Liu Xiaobo défendait les valeurs universelles qui sont les nôtres. Les prisonniers politiques chinois sont aussi prisonniers de notre lâcheté et de notre silence. Il serait inacceptable que Paris ne fasse pas entendre sa voix et ne fasse pas un geste pour Liu Xiaobo. Paris occupe une place toute particulière dans le cœur des Chinois. Ils sont nombreux à visiter la capitale mais bien peu savent le martyre du Prix Nobel de la Paix. Paris ne peut accepter cette conjuration du silence ! En affichant les portraits géants de Liu Xiaobo et de Liu Xia sur la façade de la Mairie,vous leur apporteriez un soutien inestimable dans la nouvelle épreuve qu’ils traversent et vous démontreriez, une fois encore, l’attachement de la Ville de Paris à la liberté et aux idéaux auxquels cet homme courageux a sacrifié son bonheur et, peut-être, sa vie.
En espérant que vous serez nombreux à signer cet appel et qu'il ne restera pas vain,
Béatrice Desgranges
Vous pouvez, comme nous l'avons fait, signer cette pétition sur Change.org
19 MARS 2018 — Il est bien difficile de trouver des poèmes de Liu Xia en ligne, voilà le dernier que j'aie trouvé, "Le Voilier noir". Il date de 1985, alors que la littérature chinoise, qui avait retrouvé une certaine liberté après la mort de Mao et la chute de la Bande des Quatre, commençait à se remettre de la campagne répressive lancée en 1984 par Deng Xiaoping contre la "pollution spirituelle" (entendez les valeurs de l’Occident)….
A travers ce conte cruel, c'est un univers bien réel qu'évoque Liu Xia. Car ce "gaillard au teint rouge" et son "voilier noir" ne peuvent manquer d'évoquer le "Grand Timonier" prétendant montrer "la voie" au peuple chinois : "Pour naviguer sur les mers, il nous faut un timonier", chantaient les foules en extase devant le nouveau Dieu...
Les "poissons noirs" que le pêcheur capture dans ses filets rappellent quant à eux les "éléments noirs" que traquaient inlassablement les zélateurs de Mao. Jiang Qing, son épouse, grande prêtresse de la "Révolution culturelle" était sans doute la plus enragée de tous. On ne s'étonnera donc pas que la femme du pêcheur soit prise dans la malédiction qui frappe ce "gaillard au teint rouge" et que son enfant soit privé de lait. Que la vie se retire d'elle comme la marée dans son reflux, que le lait frelaté dont on a nourri toute une génération privée de liberté se tarisse, tel était bien sans doute le rêve secret de Liu Xia en décembre 85.
Avec la mort de Liu Xiaobo, dont les cendres ont été dispersées en mer sur ordre de Xi Jinping, le nouveau Timonier, "Le Voilier noir" prend aujourd'hui un sens tragique... Je précise que le titre de "Timonier" a bel et bien été décerné à Xi Jinping par le "Quotidien du Peuple" dans son édition du 17 mars : "大海航行靠舵手干改革靠的是习主席思想." "pour naviguer en pleine mer, il faut un timonier, pour réformer il nous faut la pensée du Président". Ceux qui lisent le chinois trouveront la citation ici :
http://app.peopleapp.com/Api/600/DetailApi/shareArticle?type=0&article_id=1087973&nickname=Bill&avatar=https://wx.qlogo.cn/mmopen/ajNVdqHZLLBdj7oTB0XNowqLucTpz9ddDQlVkQxVesMbgOLiaHPtFSYZ0zyLwzFxjTMqIFXba95ANQSxibrPcBtQ/0&uid=1635583
黑帆船 Le Voilier noir
那个红脸汉子捕走了你最喜欢的一条鱼
Voilà qu’un gaillard au teint rouge a capturé ton poisson favori
一条黑色的鱼懂得你心事的鱼
C’était un poisson noir, un poisson qui comprenait tes soucis
你心欲裂把牙咬得咯咯响垂头丧气
Le cœur brisé, claquant des dents, accablé (la tête pendante)
你用手抚摸一下海面
Tu caresses de la main la surface de la mer
手掠过的地方出现了无数条鱼无数条鱼
Et des poissons sans nombre, des poissons innombrables surgissent là où glisse ta main
诱惑那红脸汉子升起船帆连夜出海
Ils attirent le gaillard au teint rouge, lui font hisser la voile et prendre la mer la nuit même
忘记这是在夜晚忘记会迷失方向
Il en oublie qu’il fait nuit, il en oublie qu’on peut perdre le cap
你悄悄地把那汉子拉近怀里
Subrepticement, tu prends le gaillard sous ton emprise
一直到他的头发成为海草绿色的飘荡
Et tu l’entraînes au loin jusqu’à ce que ses cheveux, flottant au gré des vagues, se fondent dans le vert des algues
你平息了怒气点支烟青烟缕缕
Ta rage apaisée, tu allumes une cigarette dont la fumée tisse un léger filet bleu
第二天,当鞭炮响起来
Le lendemain, quand retentit le bruit des pétards,
为满黑帆的船开道的时候
Au moment d’ouvrir la voie au navire chargé de voiles noires,
你变成了一只眼睛一朵云一阵风
Tu te métamorphoses en œil, en nuage, en coup de vent
那失去汉子的女人奶水一夜间消失了
La femme qui vient de perdre son homme voit se tarir son lait la nuit même
你反复托梦给那没奶吃的孩子
A plusieurs reprises, tu apparais dans les rêves de son enfant, privé de lait
说他的父亲在海里日子过得很快活很快活
Tu lui dis que son père coule des jours heureux, très heureux, à des milles marins
那孩子长成了汉子整日一声不吭
L’enfant a grandi, c’est un homme taciturne qui ne dit mot de la journée
他什么都记得什么都不说
Il se souvient de tout mais il ne dit rien
那女人生命的潮水远远退下去了
Comme une marée qui se retire au loin, la vie a quitté la femme du pêcheur
那丛绿色的海草随浪摇动
Et les algues vertes se balancent au gré des vagues
Décembre 1985