élection présidentielle russe : l’important c’est de participer
La victoire de Vladimir Poutine à l’élection présidentielle ce dimanche ne faisant aucun doute, seule la participation apparaît comme un enjeu important. Et pour s’assurer que les électeurs se déplacent en grand nombre, tous les coups sont permis. Une correspondance à Moscou de Maxence Peniguet pour l'Autre quotidien.
Selon l’institut VtsIOM [lire toutefois notre article concernant les sondages], Vladimir Poutine devrait rempiler pour un quatrième mandat en remportant plus de 65 % des voix ce dimanche, jour de l’élection présidentielle en Russie. Proche du pouvoir, son directeur avait déclaré en janvier 2017, selon le journal Kommersant, que la “légitimité du système n’est pas déterminée par la Constitution ou par les lois, mais par la popularité de son chef.”
Pour prouver la popularité de ce dernier, la participation aux élections est un élément clé. Mais à partir de quand celle-ci est-elle satisfaisante ? Les avis récoltés par le journal divergent. Il faudrait tantôt égaliser la performance de 2008 et ses presque 70 % de participation, ou bien atteindre le même niveau (55,7 %) que la victoire de Donald Trump. Les avis les plus pessimistes semblent pouvoir se satisfaire de 55-60 %.
Afin d’être sûre que les électeurs soient informés du déroulement du scrutin, la Commission électorale centrale s’est vue attribuer un budget spécifique de 770 millions de roubles (11 millions d’euros), le double de la somme allouée en 2012.
“Élire un président, choisir le futur”
L’argent est dépensé d’abord au travers d’une très intense campagne d’affichage classique, avec des slogans comme “Élire un président, choisir le futur”. Des distributions de pin’s et autres goodies ont également lieu et des guides pour savoir comment voter sont disposés dans les gares. Et puis, une campagne numérique a été mise en place.
Selon le magazine Afisha Daily, cette dernière a commencé à se faire remarquer début février, avec des publications sponsorisées sur le réseau social Vkontakte. Des vidéos ont ensuite été publiées et ont fait le tour des réseaux - sans toutefois qu'on soit toujours sûr de leurs commanditaires.
La première s’est rendue tristement célèbre hors des frontières russes. Elle présente une Russie post-élection devenue gay-friendly ou la circonscription dans l’armée est possible jusqu’à la cinquantaine.
Vidéo homophobe
La vidéo commence le soir du 17 mars. Un homme se moque de sa compagne qui met le réveil pour aller voter le lendemain. L’homme va se mettre à rêver qu’à son réveil, l’armée vient le chercher (avec en signe de salutation un dab), car la conscription est devenue possible jusqu'à 60 ans (il en a 52). Il découvre ensuite dans la cuisine le stéréotype d’un homosexuel, et sa femme lui apprend qu’une nouvelle loi oblige les familles russes d'accueillir les homosexuels abandonnés par leurs partenaires. Visiblement choqué, il se rend dans les toilettes, où un interphone lui annonce que le nombre de visites au petit coin est limité. Plein d’angoisse, il se réveille dans un autre rêve allongé à côté d’un homme, avant de se réveiller pour de bon et de pousser sa compagne à aller voter ensemble.
Comment cette vidéo, dont le compteur atteint des millions de vues, a-t-elle été perçue en Russie ? Afisha Daily résume la situation : “certains ont accusé les auteurs de la vidéo d’homophobie, de racisme et de sexisme, mais en général la réaction a été positive.”
Corps de la femme et visage de Poutine en voitures
D’autres initiatives plus locales, et plus orientées, ont été prises. Un organisme régional a ainsi utilisé les services d’une star d’Instagram pour appeler les jeunes à aller voter. Avec une cinquantaine de vues seulement, cette autre vidéo n’est cependant pas exactement ce qu’on pourrait appeler un succès.
A Arkhangelsk, à 1 000 kilomètres au nord de Moscou, c’est plus politique et… directement dans l’objectification du corps de la femme. Sur VKontakte, une photo a été postée dans le groupe Arkhangelsk life (plus de 110 000 followers), où le corps (supposément nu) de neuf femmes est recouvert d’une banderole sur laquelle est inscrit “nous allons voter”. Le texte de la publication indique que la personne du milieu est la partenaire d’un membre bien placé de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine.
En Sibérie, un groupe, dans une action qui n’a en théorie “rien à voir avec les élections”, a reconstitué une partie du visage de Vladimir Poutine avec 300 voitures.
Quelques stars et la Crimée
Sur le terrain des initiatives qui poussent à la participation mais pas n’importe laquelle, on peut aussi citer l’engagement de quelques célébrités en faveur de l’ancien chef du FSB avec la chanson “L’étoile guidante”. Succès mi-figue mi-raisin, sur la chaine YouTube #PutinTeam, la vidéo reçoit presque autant de “j’aime” que de “j’aime pas”.
Les autorités peuvent toutefois compter sur une autre sorte d’étoile, se reflétant dans la date des élections, le 18 mars. Cette étoile “guidante” pour ainsi dire, c’est la Crimée, qui compte énormément dans le coeur des Russes. Et le 18 mars, cela fera quatre ans jours pour jours que la Russie aura annexé la péninsule ukrainienne.
Histoire d’appuyer fort sur le symbole, Vladimir Poutine y a effectué le 14 mars l’une de ses dernières apparitions publiques avant l’élection de dimanche.
Maxence Peniguet, le 15 mars 2018