L'AUTRE QUOTIDIEN

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Tarnac à nouveau devant le tribunal

Le 23 février, le "bal des inculpés" a réuni, au Villard sur le plateau de Millevaches, près de 300 personnes venues pour apporter leur soutien à l'effort de défense des huit personnes prévenues dans le procès de l'affaire dite "de Tarnac", qui sera à nouveau (!) jugée à Paris du 13 au 30 mars ... avant de laisser la salle aux chants endiablés de San Salvador et aux bourrées hypnotiques des vielleux du "Quasi Quator", des prévenu-es de l'affaire qui nous occupait ce soir là, nous ont lu l'entrée en matière suivante...

"Bonsoir à toutes et tous,

Dix ans d'instruction c'est long, c'est tortueux. Ce qui parfois était évident il y a dix ans, ne l'est plus forcément aujourd'hui. Tout le monde n'a pas le souvenir aussi net de la descente de flics anti-terroristes cagoulés à Tarnac au petit matin du 11 novembre 2008 que ceux qui l'ont suivi en direct à la radio ou à la télé, ou encore ceux ici qui ont vu les cordons de flics ceinturer le village des heures durant. Il faut donc bien souvent re-raconter l'histoire pour qu'elle ne se perde pas dans les brumes du présent perpétuel qu'est l'actualité.

Il y a des choses au contraire qui n'étaient pas si évidentes en 2008 qui le sont bien plus, et pour beaucoup plus de gens, aujourd'hui : depuis 2008 il y a eu Fukushima où le visage de mort de l'industrie nucléaire a fait un large sourire à la face du monde sidéré. Plus près de nous, hier au petit matin, des centaines de flics en armures sont venus déloger les occupants du site de Bois-Lejuc à Bure dans la Meuse, site qu'ils occupaient en protestation contre la construction d'un site d'enfouissement de déchets nucléaires ultimes. Aujourd'hui donc, ce fait passé sous silence par tout le monde à l'époque mérite d'être rappelé : les sabotages de caténaires de voies TGV dont la police a voulu nous faire porter le chapeau, participaient d'une action coordonnée à l'échelle de la France et de l'Allemagne tout le long du chemin du train de déchets nucléaires CASTOR qui se rendait cette même nuit du centre de retraitement de déchets de La Hague au centre d'enfouissements de déchets nucléaires ultimes de Gorleben dans le Wendtland, en Allemagne. Et ces crochets dont l'image est devenue célèbre après nos arrestations et leur indécente médiatisation n'étaient pas les armes ridicules de "terroristes nihilistes cherchant à mettre la France à genoux en faisant dérailler des trains" mais bien le symbole bien plus ancien de la résistance opiniâtre du mouvement anti-nucléaire allemand qui au terme d'une lutte acharnée combinant toutes sortes de moyens de lutte des plus pacifiques aux plus offensifs est parvenue à arracher la sortie du nucléaire en Allemagne.

L'opération de police qui nous visait nous, mais bien plus sûrement encore vous et tous ceux qui se posent la question de comment mettre leurs gestes en cohérence avec leur pensée dans un monde qui va droit dans le mur. Elle cherchait à faire rentrer tout le monde dans le rang. À dissuader quiconque aurait le toupet de penser que l'on peut faire autre chose que se lamenter de l'enfer des sociétés nucléarisées.

Du 13 au 30 mars donc nous serons huit à passer en procès à Paris pour répondre de divers chefs d'accusation dont les plus importants ont d'ores et déjà été balayés par dix ans de défense politique et judiciaire. La tragi-comique qualification terroriste qui nous a pesé sur la tête pendant huit ans a fini par être abandonnée en janvier 2017, au moment même où l’État d'urgence prolongé à l'infini devait finalement se fondre comme par magie dans le droit commun. Chacune des accusations qui restent méritent qu'on s'y arrête tant elles résonnent avec l'époque :

Reste donc deux personnes suspectées, sur la foi d'un PV de filature manifestement bidonné, d'avoir participé à un des sabotages de caténaires de ligne TGV. Ces deux-là et deux autres sont accusées de participer d'une « association de malfaiteurs » pour avoir peut-être participé à des débordement dans la manifestation organisée à Vichy, les 3 et 4 novembre 2008, contre la tenue, dans la cité des congrès de la capitale de l' « État Français » entre 1941 et 1945, d'un sommet des ministres de l'intérieur de l'Union européenne sur la gestion des flux migratoires, sous la houlette du truculent monsieur Hortefeux. Au vu du bilan morbide des politiques migratoires européenne au cours des dix dernières années, cette accusation peut, il nous semble, se passer de commentaire. Deux autres personnes, présentes elles aussi à cette manifestation de Vichy, se voient accusées de recel de faux et de tentative de falsification de documents administratifs, pour des documents retrouvés dans un appartement collectif visé par les perquisitions de novembre 2008. Deux autres encore sont accusées comme deux des précédentes de refus de se soumettre à des prélèvement de matière biologique pour leur fichage ADN, là encore nous sommes certains de trouver parmi vous beaucoup de gens qui ne rechigneraient pas à considérer que c'est bien là le minimum syndical à l'heure du fichage généralisé.

Toujours est-il, que ce qui nous a permis, d'abord et avant tout, de ne pas plonger immédiatement sous la vindicte publique, c'est le soutien massif que nous a valu la brutalité et la grossièreté même de l'opération de police du 11 novembre 2008 et sa médiatisation sans retenue. Les comités de soutien, à commencer par celui de Tarnac et alentours, nous ont donné tout l'aplomb et les moyens nécessaires à nous relever et à nous défendre comme il se doit. Si l'opération de contre-insurrection préventive que constituait l'affaire de Tarnac a échoué c'est bien à cet immense sursaut collectif que nous le devons , à tous ceux qui se sont dit que cette affaire ne concernait pas que dix zozos dans une ferme du Plateau de Millevaches mais bien tous ceux qui ne comptent pas se soumettre au monde tel qu'il va. (...)"

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