Condamné à six mois ferme après avoir manifesté contre Bolloré, Marcus se pourvoit en cassation
Le 3 juin 2016, Marcus G., militant investi dans de nombreuses causes, participait à un rassemblement pacifique en marge du conseil d'administration de Bolloré. Accusé d'outrage, rébellion et violences à l'égard de deux policiers, il avait été condamné à six mois de prison ferme, en comparution immédiate, par le tribunal de Nanterre. Une condamnation confirmée par la Cour d'appel de Versailles, le 21 février dernier, contre laquelle la défense de Marcus s'est pourvue en cassation.
Nous l'avions raconté après le procès en appel du 23 janvier dernier : l'audience fut houleuse et le procureur verrouillé dans ses certitudes, défendant becs et ongles des policiers qui selon lui "ne pouvaient pas mentir", puisque "fonctionnaires assermentés". Un argument qui condamne par avance toutes les victimes de violences policières, contre lesquelles les policiers portent systématiquement plainte pour outrage, rébellion et même violences, afin de se couvrir en cas d'action judiciaire. Au point que l'avocat général du parquet aura passé plus d'une demi-heure à cuisiner le témoin de la défense pour lui faire dire que non, elle n'avait pas pu voir toute l'action et mieux déconsidérer son témoignage. Christiane, une retraitée participait elle aussi, le 3 juin 2016, à ce rassemblement de protestation contre l'accaparement des terres africaines par le géant Bolloré, au détriment des cultures vivrières stratégiques pour les habitants. A la barre, cette ex-cadre administratif, qui ne pouvait guère passer pour une passionaria adepte de la violence, avait maintenu son récit malgré un pilonnage intensif du procureur : non, Marcus n'avait pas agressé le premier policier, avant même son interpellation, ni le deuxième, venu témoigner à la barre, qui maintient que le militant âgé de 36 ans, lui a donné des coups de pied au tibia, lors de son interpellation. Christiane avait pourtant expliqué que Marcus, bloqué au sol avec un policier sur le dos, "ne pouvait pas bouger". Sur la vidéo filmée par l'un des participants à ce rassemblement "bon enfant" aux dires de tous, on voit Marcus immobile, plaqué au sol par un policier, qui lui a menotté les mains dans le dos. Mais à l'instant de son arrestation, une voiture passe et masque la scène. Cela n'a duré qu'une à deux secondes, pas franchement suffisamment pour vérifier la thèse policière selon laquelle l'interpellation de Marcus aurait donné lieu à une résistance violente de sa part.
La sexagénaire avait aussi raconté comment l'un des policiers qui avait interpellé Marcus avait sorti "un objet blanc" de sa poche et l'avait dirigé vers la tête de Marcus G., avant que la retraitée ne réalise que l'objet en question est une grenade lacrymogène et que le policier est en train de gazer Marcus, quasiment à bout touchant. "C'était d'une violence incroyable", avait conclu Christiane. Mais des violences subies par le militant d'origine ivoirienne, il ne sera jamais question. La plainte de Marcus a été classée sans suite, contrairement aux accusations dont il fait l'objet de la part des deux policiers. Malgré les déclarations douteuses de l'un d'eux, venu témoigner à la barre, qui affirme que le fait que Marcus, l'un des animateurs de cette "action de conscientisation", aille d'un groupe à un autre, constituait selon lui "une provocation". Plutôt qu'un récit circonstancié des faits, le policier avait ainsi livré son analyse toute personnelle : Marcus "voulait se faire interpeller devant tout le monde", "pour le spectacle".
Le tribunal, visiblement tout acquis à la version policière des faits, n'aura pas non plus fait montre de la curiosité qu'aurait dû imposer les incohérences des témoignages de ces membres des "forces de l'ordre". Le premier policier s'est ainsi vu attribuer six jours d'ITT à la suite des violences que lui aurait infligé Marcus, ce qui ne l'a pas empêché de piquer un sprint pour rattraper le militant à l'autre entrée du bâtiment. C'est ce policier que Marcus accusait pourtant de lui avoir asséné une gifle assez violente pour avoir manqué de casser ses lunettes et qui a sciemment cassé son portable, invoquant un droit à l'image qui n'existe pas pour les policiers. Quant au deuxième, aucun magistrat n'aura demandé une reconstitution pour vérifier comment Marcus, immobilisé au sol, avait pu lui porter des coups au tibia qui lui ont tout de même valu cinq jours d'ITT. Le 21 février, les juges de la cour d'appel devaient annoncer le verdict, qui avait été mis en délibéré. Marcus, présent dans la salle, n'aura même pas eu le temps de se rendre à la barre. "Ils ont lu plusieurs verdicts. A un moment, j'ai entendu mon nom. Mais le temps que je me présente à la barre, les juges en avaient déjà donné lecture". Pour le militant, c'est une marque de mépris supplémentaire. Le verdict ? Sa condamnation à six mois de prison ferme est confirmée. Il est aussi condamné à verser 800 euros de dommages et intérêts aux deux policiers et à rembourser les frais de procédure.
Me Missamou, qui défendait Marcus, avait pourtant fait valoir, lors de l'audience du 23 janvier dernier, une irrégularité manifeste dans le dossier. Jamais les bandes de vidéosurveillance, invoquées par les policiers à l'appui de leurs accusations, n'ont été visionnées par les magistrats. C'est bien entendu ce qu'il fera valoir en cassation, sachant que la cour de cassation ne juge pas sur le fond, mais sur la forme et le respect de la procédure. Un pourvoi a été déposé par l'avocat et, heureusement pour Marcus, il est suspensif. On conclura en attirant l'attention sur un point. La nécessité de contester toute condamnation, même légère, comme une amende, des travaux d'intérêt général, un rappel à la loi ou du sursis. Car en cas de nouveau procès, ces condamnations antérieures joueront contre l'accusé. Or Marcus, militant aguerri, avait déjà écopé de plusieurs gardes à vue pour outrage et rébellion en 2011 et avait été condamné en 2015 à 500 euros d'amende après avoir participé à une manifestation interdite en faveur des réfugiés. Repéré depuis longtemps par la police, il sera finalement tombé en 2016. Et devra une fois encore payer les frais, dans tous les sens du terme, de ses convictions militantes pourtant totalement pacifiques.
Véronique Valentino
Pour aider et soutenir Marcus, une cagnotte est en ligne : https://www.lepotcommun.fr/pot/yvmb5mq2