L'indépendantiste catalane Anna Gabriel ouvre un nouveau front diplomatique à Genève
Anna Gabriel, la dirigeante la plus connue de la coalition anticapitaliste Candidature d'Unité Populaire, devait répondre devant le Tribunal Suprême espagnol du "délit de rébellion", pour lequel elle encourait jusqu'à 30 ans de prison. Elle ne s'est pas présentée devant le juge, et a demandé refuge à la Suisse. Les autorités helvétiques devraient logiquement refuser la demande d'extradition espagnole, qui sera déposée mercredi.
La dirigeante et ancienne députée de la Candidature d’Unité Populaire (CUP), Anna Gabriel, a annoncé dans une interview accordée au journal suisse le Temps qu’elle ne témoignera pas Mercredi 21 Février 2018 devant le Tribunal Suprême et qu’elle restera à Genève, où elle se trouve depuis plusieurs jours.
Selon Anna Gabriel, sa décision de fuir la justice, comme l'a fait l'ancien président Carles Puigdemont, est justifiée par le fait qu’elle n’aurait pas un procès équitable dans son pays. « Je n'irai pas à Madrid », titre le quotidien suisse, « je cherche un pays, la Suisse, où je peux protéger mes droits », explique l'ancienne députée.
« Je suis poursuivie pour mon activité politique et la presse gouvernementale espagnole m'a déjà condamnée », assure la députée de la CUP.
Anna Gabriel pense qu’elle sera plus utile à son mouvement en liberté que derrière les barreaux, quand elle voit le sort de certains de ses camarades qui sont toujours en prison depuis le mois de décembre 2017. « J’ai compris que je devais partir, je ne suis pas la seule qui doit aller en prison, tout le gouvernement catalan est menacé », dit-elle.
En plus du Temps, Anna Gabriel a également donné une interview à la Radio Télévision Suisse (RTS) dans laquelle elle assure que ce sera la Suisse qui décidera « ce qu’elle va faire de moi ». Avec une nouvelle image, la députée insiste sur le fait qu’elle n’ira pas devant le juge.
La formation anticapitaliste avait prévu de faire une conférence de presse Mardi 20 Février 2018 pour annoncer la décision de sa dirigeante et pour expliquer ce que sera sa défense.
Cependant, Anna Gabriel l’a devancée. L'ancienne députée critique dans l'interview un rapport de la Guardia Civil dans lequel, comme elle dit, elle est décrite comme « une activiste féroce qui a encouragé la violence ». Anna Gabriel se défend en reconnaissant qu’elle a toujours milité pour le référendum, mais sous une forme pacifique.
La dirigeante de la CUP dénonce l’ambiance plus que jamais tendue à Barcelone et elle soutient que le gouvernement espagnol « ne fait rien pour assurer notre sécurité contre la violence fasciste ».
L’ancienne députée catalane expose les menaces de mort qu’elle reçoit régulièrement de groupuscules d'extrême droite.
Anna Gabriel compare la situation catalane avec ce qui se passe en ce moment en Turquie et elle dénonce ce qu’elle considère comme une chasse contre près de neuf cent personnes qui font l’objet d’enquêtes ou d’accusations, y compris les enseignants, les policiers, les hommes politiques et les simples électeurs.
Anna Gabriel est arrivée en Suisse il y a quelques jours dans le but de contribuer à internationaliser le processus d'indépendance catalane et de dénoncer ce qu’elle considère comme des prisonniers politiques liés au mouvement indépendantiste.
Elle a rencontré d'autres membres de l'organisation anticapitaliste dans un voyage que la formation qualifie de stratégie de défense avant leur convocation devant le Tribunal Suprême, Mercredi 21 Février 2018. Le parti a déclaré ce week-end que ce voyage fait partie de la campagne contre la répression et pour la défense des accusés qui sont impliqués dans les procédures judiciaires liées au processus independentiste.
Les anticapitalistes défendent, sans entrer dans les détails, la nécessité de contacter « les entités, les institutions internationales et les avocats liés à la défense des droits civils et politiques devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) ».
En raison de son refus de témoigner devant le Tribunal Suprême, Anna Gabriel risque d'être l'objet d’une demande d'extradition ou d’une commission rogatoire, mais son avocat en Suisse, Oliver Peter, considére la menace d'une extradition peu probable après que l'Espagne ait retiré sa demande d’extradition dans le cas de Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique.
Selon lui, sa cliente n’aurait pas un procès juste en Espagne, « parce que les membres du tribunal de Madrid sont proches du pouvoir et parce qu’ils n'offrent aucune garantie d'indépendance ou d’impartialité. Ma cliente est persécutée pour des raisons politiques, ce qui rend une demande d'extradition illégale », explique l'avocat.
L’Audience Nationale d’abord et le Tribunal Suprême ensuite ont lancé une enquête contre les responsables du processus souverainiste, la majorité de ceux qui ont été convoqués sont venus témoigner, comme par exemple le leader d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), Oriol Junqueras, en prison depuis le 2 novembre 2017.
Cependant, cinq d’entre eux, le président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, et quatre ministres de son gouvernement, Lluís Puig, Clara Ponsatí, Toni Comin et Meritxell Serret, ont également été convoqués et ils ont choisi d'aller à Bruxelles et d'y établir leur résidence.
La précédente convocation d’une militante de la CUP devant le Tribunal Suprême était Jeudi 15 Février 2018 celle d'une autre ancienne députée du parlement catalan, Mireia Boya, qui a choisi de comparaître devant le Tribunal Suprême et qui l’a laissée libre sans mesures de précaution.
« Le message d'Anna Gabriel est clair, elle n’a pas de garantie pour un procès équitable », c’est ainsi que l’avocat et ancien député de la CUP, Benet Salellas, a justifié Mardi 20 Février 2018 la décision de l'ancienne porte-parole de la formation antisystème de rester en Suisse pour préparer sa défense et de ne pas répondre à la convocation du Tribunal Suprême. Benet Salellas a dit qu’Anna Gabriel « n'a pas pris la fuite. Elle cherche refuge contre la persécution politique là où d'autres ont été exilés », ajoutant que l'action de l'ancienne députée ouvre « un nouveau front politique juridique contre la dictature dans laquelle se convertit l'état ».
La CUP a souligné que la décision d’Anna Gabriel a été prise collectivement par l'organisation comme « un pas en avant dans le projet d'internationalisation du conflit catalan dont le centre est à Bruxelles ».
C'est pourquoi la CUP attend que le Tribunal Suprême demande l'extradition d’Anna Gabriel pour qu’Anna Gabriel demande l'asile politique et pour que la justice suisse « se prononce sur la cause générale espagnole comme un exemple de délit politique ». Dans ce cas, la CUP souligne qu’Anna Gabriel demanderait l'asile politique pour montrer un peu plus « la honte d’un état qui persécute les personnes pour leurs idées au vingt et unième siècle ». Une résolution des tribunaux suisses pourrait prendre entre six et dix mois, selon la formation antisystème, qui a dit que le séjour d’Anna Gabriel en Suisse est une partie de son projet global de revendication politique.
Benet Salellas considère qu'il n'y a pas de garanties minimales de justice dans les procédures du Tribunal Suprême, ni dans celles de l’Audience Nationale, ni dans celles du juge de la treizième chambre du tribunal d’instruction de Barcelone, puisque « l'objectif est la vengeance et l'humiliation pour le processus de recherche de la liberté de la Catalogne » et il a ajouté « qu’afin de déployer ce processus de vengeance, les droits politiques qui ont été difficiles à atteindre pendant des années seront violés. L'objet de l'enquête, ce sont des idées, c'est typique d'un tribunal autoritaire », estime Benet Salellas, qui a fait valoir que l'affaire devrait être jugée devant un tribunal de Barcelone ou devant le Tribunal Suprême de Justice de Catalogne (TSJC).
Il a ajouté que « c'est un procès contre un pays, puisque c’est un procès contre des actions politiques décidées par le parlement. Il y a un problème sérieux dans le système judiciaire pour attaquer le parlement et la capacité d’auto gouvernement de la Catalogne de la manière la plus cruelle », a dit l’avocat.
La députée de la formation antisystème, Maria Sirvent, a également noté que sa stratégie politique passe par la revendication « d’une CUP dans le parlement qui réponde au mandat démocratique du peuple » et que c’est pour cette raison qu’ils feront leur défense juridique devant le Tribunal Suprême depuis Genève.
« Il est plus que jamais essentiel de se battre pour obtenir la république catalane qui réponde aux droits des classes populaires », a-t-elle dit et elle a demandé aux indépendantistes d’organiser des actes de solidarité avec Anna Gabriel et de développer la caisse de résistance pour couvrir ses dépenses.
Dernières nouvelles de Suisse
Joint par téléphone mardi soir, Folco Galli, porte-parole de l’Office fédéral de la justice, indique que la Suisse refuserait à priori une demande d’extradition de la part de l’Espagne. «Il s’agit selon toute vraisemblance d’un délit politique. Selon notre code pénal et la Convention européenne des droits de l’homme, une demande d’extradition ou toute forme d’aide judiciaire ne peuvent pas être accordées pour l’un de ces motifs.»
Le porte-parole confirme aussi n’avoir encore rien reçu pour l’heure de la part des autorités espagnoles. Toutefois, le juge de la cour suprême espagnole Pablo llarena adressera une demande d’extradition à la suisse dès mercredi, a indiqué mardi soir le journal espagnol El Independiente, citant des sources judiciaires proche du magistrat.
via Le Temps