Expulsions : la guerre du logement fait de plus en plus de victimes
Nous ne sommes pas bien au chaud. Comme des millions de français, nous mettrons cet hiver le chauffage au minimum. Et je vous écris avec un bonnet sur la tête. Et tout de même la chance d’avoir encore un toit qui nous protège. Comment alors ne pas penser, en ce début de “trêve hivernale”, à tous ceux qui viennent encore d’être expulsés de leur logement la semaine dernière (celle où les huissiers mettent les bouchées doubles), et aux milliers d’autres qu’ils ont rejoint à la rue (l’expression “trêve hivernale” est intéressante, en ce qu’elle avoue qu’il s’agit d’une guerre pour se loger, éternellement gagnée par les possédants et perdue par les autres). Soyons précis, pour ne pas être accusés d’être “des exagérés” (on a tendance à ne pas vouloir voir les réalités déplaisantes, c’est humain, et peu de gens ont idée de la dimension du drame) : le ministère du logement estime que 160.000 décisions d’expulsion sont prises chaque année et que leur nombre a augmenté de 75 % depuis 1999. Pour la seule métropole du Grand Paris, 24.000 décisions d’expulsion ont été prises en 2016, selon l’Agence nationale d’information sur le logement (voir cet article du Monde). On aura ainsi compté en 2016 plus de 15.000 expulsions par les forces de l’ordre, une augmentation spectaculaire de 50% depuis 2013. Pour ne rien arranger, la loi ELAN votée ce printemps par la République en marche a décidé, entre autres mesures défavorables aux handicapés, aux locataires et aux classes populaires (voir ce communiqué de Droit Au Logement) d’exclure pour la première fois les squatters de la protection de la trêve hivernale. Leurs occupants n’entreront pas dans les statistiques. Mais ils finiront aussi à la rue. Quelles sont leurs chances de trouver un logement ? A peu près aucune. Bienvenue dans la France où on “libère les énergies”, mais où on se prive de chauffage, et où on jette des personnes âgées et des familles entières à la rue, dans le noble but de les aider à la traverser plus vite pour trouver un emploi qui n’existe pas.
Christian Perrot