L'AUTRE QUOTIDIEN

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Brésil : les premiers à souffrir seront encore une fois les Indiens

Soumission. Asservissement. Annihilation. Extermination

C’est ainsi qu’on peut résumer ce que les livres d'histoire appellent "La découverte du Brésil", fait historique par lequel les Portugais débarquèrent dans le "Nouveau Monde", s'emparèrent des terres, eurent les premiers contacts avec les indigènes (définis par eux comme "sauvages") et commencèrent leur processus d'exploration.

Photo de Ricardo Stuckert, en 2016, d'une communauté autochtone jamais contactée auparavant. La photo a été prise lorsque le photographe a survolé une zone d’Acre avant de se rendre au village de Caxinauá, où il a réalisé une séance photo pour le livre Índios Brasileiros. Disponible sur la BBC.

Aujourd'hui, en 2018, après 500 ans de tueries et d'invisibilité sociale, il existe encore plus de 225 groupes ethniques ou sociétés indigènes au Brésil, avec 180 langues et dialectes différents. Comme les Indiens Yawanawá du village de Mutum à Acre, qui comptent environ 1 250 personnes réparties en 8 communautés partageant le même territoire que le peuple Katukina, avec lequel ils entretiennent une relation étroite d'amitié et d'affinité. Des groupes très différents les uns des autres sont répartis sur pratiquement tout le territoire national. Certaines tribus (environ 55) sont isolées et on dispose de peu d'informations à leur sujet.  

Le Brésil est un chef de file dans le génocide des Indiens en Amérique latine et le pays le plus dangereux au monde pour ceux qui défendent les Indiens.

Jair Bolsonaro, candidat de l’agrobusiness, a déjà clairement indiqué qu'il considérait que les peuples autochtones étaient "privilégiés" et jouissaient de droits excessifs.

À chaque occasion, il répète et transmet cette position.

"Vous pouvez être sûrs que si j'y arrive (à la présidence), je n'aurai pas d'argent pour les ONG. (...) Là où il y a une terre indigène, il y a une richesse dessous. Nous devons changer ça à partir de là. " - Jair Bolsonaro

Enfants Kaxinawá, dans le village d’Água Viva, à Acre. Photo de Ricardo Stuckert (voir son portfolio de photos ici)

Les peuples indigènes ont été massacrés par les Portugais pour se nourrir de leurs terres et, plus tard, par l'État, qui n'a jamais appris à traiter la question de manière digne. Durant la période dictatoriale et démocratique, le gouvernement, fermant les yeux sur certaines attitudes mais les ouvrant bien grands sur d'autres, a mis fin aux réserves en les livrant à l'exploitation minière, éliminant des rivières, des forêts et toute la spiritualité liée à la culture indigène, construisant des œuvres pharaoniques comme Belo Monte, par exemple. Et ce peuple souffrant, qui est déjà invisible, sous un gouvernement Bolsonaro disparaîtra une fois pour toutes.

"Le quilombola (habitant d’un quilombo, communauté de marrons, NdT) ne sert même pas à procréer." - Jair Bolsonaro.

Bolsonaro a ainsi ouvert le feu sur les peuples autochtones, les homosexuels, les femmes, les réfugiés et également sur les Quilombolas.

Pour information, les Quilombolas étaient historiquement d'anciens esclaves fuyant des plantations et des moulins à sucre, qui cherchaient un abri dans des endroits reculés, les quilombos, pour survivre. C'étaient des types de communautés ayant une organisation similaire aux villages africains, qui vivaient principalement de l'agriculture de subsistance et de la pêche. À ce jour, il y a des quilombos habités par des descendants d'anciens esclaves principalement dans les régions de l'intérieur du Brésil. Mais cette histoire, comme tant d’autres qui traversent les veines du peuple brésilien, Bolsonaro ne la connaît pas pas - ou feint de ne pas la connaître.

En plus de faire semblant de ne pas connaître l'histoire, il la rend insignifiante, enterre tous les vestiges du passé et fait de son opinion la vérité absolue sur le sujet. Donc, le passé, c’est le passé, et ce qui compte, c’est que, en extrayant le suc de la désinformation et de l’ignorance bolsonaresques, nous pouvons arriver à un concept de base qui ressemblerait à ceci : ces Indiens ont des privilèges que nous n’avons pas, mais ils ne méritent ni ne ces privilèges (supposés), ni notre respect.

Bolsonaro compare les réserves indiennes à un "zoo" et veut vendre l'Amazonie aux USA

"Si je suis élu, l'Indien n'aura pas un pouce de terre supplémentaire" : cette affirmation du présidentiable a été faite lors d'un entretien dans la ville de Dourados, dans le Mato Grosso do Sul, juste avant de prononcer un discours devant des agriculteurs. Et si une grande partie de la rhétorique boslonaresque consiste à prétendre qu’un discours peut être décontextualisé et que telle ou telle phrase «n’était pas tout à fait ce que je voulais dire», la vérité est qu’au bout du compte, ça ne veut rien dire. En communication, ce qui compte, c’est ce que votre public cible a compris. Et les bolsonaristes comprennent et reproduisent les choses de cette manière.

C'est pourquoi nous mettons en garde contre la menace fasciste. C'est pourquoi nous nous souvenons du mouvement nazi. Parce qu'en regardant l'histoire, nous ne pouvons que ressentir de la peur. Nous savons que c'est exactement la méthode pour légitimer les choses. L'aura qui se formait autour de Hitler, par exemple, lui permettait de gagner des votes même parmi le public réticent à ses idées. Il a construit l'image d'être l'élu, au sens biblique du mot. Il a acquis un pouvoir absolu et un soutien populaire en très peu de temps. Bien qu’il ait tué des opposants sur une échelle sans précédent en Allemagne, il a agi de la manière que beaucoup d’Allemands attendaient d’un leader. La classe moyenne, les industriels et les propriétaires terriens sont sortis indemnes de ses agissements. Attaquant les minorités, les ennemis communs, Hitler a réussi à donner à ceux qui le soutenaient l’impression de l’unité nationale qu’ils avaient tant rêvée.

Photo de Ricardo Stuckert (voir son portfolio de photos ici)

Et le processus est simple. Vous choisissez un groupe, vous faites peur aux gens en leur faisant croire que ce groupe représente un danger - ou qu'il s'agit d'un groupe privilégié - et vous obtenez l'acceptation nécessaire pour qu'il soit acceptable de l'exterminer. Après tout, si nous payons nos impôts, nous obtenons notre propriété et nous sommes de bonnes personnes, pourquoi ces gens-là veulent-ils avoir des "terres sans paye", des "droits" et des "privilèges" que je n'ai pas?

Peut-être que vous trouvez cela absurde, mais ce n'est pas le cas. Je ne suggère pas qu'à partir de 2019, les troupes de Jair Bolsonaro avanceront sur les terres autochtones en tirant et en tuant tout le monde. Je ne prédis pas que la population brandira des pancartes disant "tuez les Indiens parce qu'ils le méritent". Je dis que l'extermination qui se produit déjà silencieusement, à travers le grilagem [accaparement de terres illégal, NdT], l'expansionnisme territorial et plusieurs autres agissements cruels, sera de plus en plus naturelle, après tout, le mépris du président pour les Indiens en tant qu'individus et en tant que mouvement est affirmé à 100% comme jamais auparavant.

Ensuite, à la fin, oui, il restera des terres au Brésil, comme le souhaiterait Cabral*. Et savez-vous à qui ces terres iront ? J'avoue que je ne sais pas, mais j'ai une certitude: Elles n’iront pas au peuple.

Peterson Fernandes 
Traduit par  Fausto Giudice

* Pedro Álvares Cabral (1467-1520) : « découvreur » portugais du Brésil, grand massacreur d’indigènes des Amériques et des Indes, dont le portrait ornait encore les billets de banque portugais à la fin du XXème siècle (NdT)


Merci à Tlaxcala
Source:
https://medium.com/revista-subjetiva/os-primeiros-a-sofrer-ser%C3%A3o-os-%C3%ADndios-como-sempre-1087710f8bc6
Date de parution de l'article original: 23/10/2018
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