L'AUTRE QUOTIDIEN

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La formation, leurre flatteur pour réduire les droits des chômeurs ?

La formation remède miracle pour réduire le chômage ? Pas selon France stratégie, organisme rattaché au premier ministre. La réforme qui vise à atteindre cet objectif est plutôt celle de la réduction de l’indemnisation du chômage et le contrôle renforcé des demandeurs d’emploi. Sauf que l’argument est bien moins glamour.

Selon la ministre du travail, les contrats aidés seraient « le dispositif le moins efficace de toutes les politiques de l’emploi ». C’est beaucoup moins vrai que ce qu’en disent Muriel Pénicaud, Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement ou encore le premier ministre, qui mettent en avant des chiffres fallacieux (voir notre article sur le sujet). Pour faire passer la pilule des réformes qui se profilent après celle du Code du travail -chômage, notamment-, le gouvernement annonce qu’il compte former un million de jeunes et demandeurs d’emploi dans les années qui viennent. Le budget prévu est de 15 milliards d’euros. Pas négligeable. Pourtant, selon un rapport de France Stratégie, organisme rattaché au premier ministre, la formation ne serait pas la panacée en matière lutte contre le chômage. En 2016, François Hollande avait lancé un plan de formation de 500 000 chômeurs qui a coûté deux milliards d’euros, suivi d’une rallonge en 2017, à quelques mois des élections. Or, selon Pôle emploi, seuls un peu plus de la moitié d’entre eux ont retrouvé un emploi à l’issue de leur formation. Et moins de 30% ont été embauchés en CDI.

900 000 personnes sortis des chiffres du chômage

Ces dernières années, les gouvernements ont multiplié les plans de formation pour les demandeurs d’emploi et les jeunes peu qualifiés. Résultat, selon la Dares, en avril 2017, on comptait près de 900 000 chômeurs en formation. Résultat immédiat : une baisse du nombre de chômeurs recensés en catégorie A, celle que scrutent les observateurs chaque mois, lors de l’annonce des chiffres du chômage par Pôle emploi. Mais, selon France Stratégie, organisme présidé par Jean Pisany-Ferry, qu’on ne peut pas soupçonner de vouloir tacler Emmanuel Macron, puisqu’il était l’un des concepteurs de la réforme du Code du travail, les plans massifs de formation et l'élévation du niveau de diplôme « ont eu peu de prise sur le taux de chômage ». France Stratégie rappelle que le niveau d’études s’est considérablement élevé en 20 ans. En 1982, 56% de la population active était sans diplôme, contre seulement 20% en 2013. La part des diplômés de l’enseignement supérieur a triplé sur la même période pour atteindre 35%.

La formation sans effet sur le chômage de longue durée et les séniors

Revers de la médaille, selon le rapport, 44% des travailleurs ont un niveau de diplôme qui ne correspond pas à l’emploi qu’ils occupent, dont 31% seraient surqualifiés. La formation n’est le premier critère de recrutement que pour 46% des entreprises, contre 60% pour l’expérience professionnelle, 64% pour le sens de l’adaptation et la polyvalence ou encore la motivation. « La probabilité de retour à l'emploi augmente avec le niveau de diplôme des chômeurs formés et diminue en revanche avec l'âge ». Et le rapport ajoute : « l'effet est positif et significatif pour les individus ayant eu une expérience d'emploi récente, mais il apparaît non significatif, voire négatif, pour les personnes ayant quitté leur emploi depuis longtemps ou pour les nouveaux entrants sur le marché du travail». Exit donc, les jeunes peu ou pas diplômés, les séniors et les chômeurs de longue durée, c’est-à-dire précisément ceux qui sont le plus touchés par le chômage.

Le chiffre des emplois non pourvus largement gonflé

On constate aussi que les différents pouvoirs qui se sont succédés ont régulièrement gonflé le chiffre des emplois peinant à recruter pour des raisons idéologiques et de communication politique. 500 000 emplois non pourvus selon Nicolas Sarkozy, 400 000 selon François Rebsamen, 300 000 selon Myriam El Khomri et 350 000 pour Pierre Gattaz en 2016. Recordman du chiffre bidon, Jean-Claude Lagarde, qui faisait campagne pour Fillon, avec le chiffre faramineux de 600 000 emplois non pourvus ! Pôle emploi a clos le débat en annonçant 191 000 postes qui ne trouvaient pas preneurs en 2015, dont a moitié étaient des CDD de moins de six mois. Mais la note n’est plus disponible sur le site de Pôle emploi….

Des métiers pénibles et mal payés sans aucune perspective d’évolution

Notons que, déjà en 2016, la formation était le remède universel au chômage de masse préconisé par Pierre Gattaz. Certes, la formation peut être utile pour former des ingénieurs en informatique, des actuaires ou des agents d’assurance. Mais les métiers qui peinent à recruter sont massivement des emplois pénibles, peu qualifiés et mal payés, qui n’offrent aucune perspective d’évolution professionnelle : aide-ménagères et aides à domicile, serveurs de café, employés de l’hôtellerie, femmes de chambre, agents d’entretien ou de sécurité… Un article signé par Hadrien Clouet en 2015 dans le Monde diplomatique montre le peu de crédit qu’il faut accorder à cette propagande patronale. Il résume bien la situation : « l’existence d’offres non pourvues indique que les demandeurs d’emploi ne sont pas tous réduits à travailler dans n’importe quelles conditions ». Et rappelait que « lorsqu’ils recherchent vraiment des salariés, les employeurs disposent toujours de leviers, ceux qu’ils mettent en œuvre en cas de crise d’embauche : hausse du salaire, meilleurs horaires ou meilleures conditions de travail… »

Contrôler les chômeurs pour les forcer à accepter n’importe quoi ?

Ce n’est bien évidemment pas la piste que souhaite explorer le gouvernement. Si la Réforme du Code du travail ne permet pas à elle seule de créer des emplois, comme l’affirme le premier ministre lui-même, si la formation est une solution aléatoire, comme le rappelle France Stratégie, reste le contrôle renforcé des chômeurs et la baisse de l’indemnisation, annoncés par Macron, afin de les contraindre à accepter n’importe quel emploi dans n’importe quelles conditions, y compris les pires. De ce point de vue, la réforme du chômage à venir sera cruciale. Le mythe des emplois vacants et l’enfumage sur la formation, pour rendre un peu plus séduisante la contre-réforme sociale qui se prépare, apparaît pour ce qu’il est : faire des chômeurs et des bénéficiaires de minima sociaux des paresseux ou des fraudeurs en puissance, afin de réduire leurs droits et de réaliser des économies qui ne seront pas perdues pour tout le monde.

Véronique Valentino