Postface du 30 juin 2017
Je ne rêve pas. Pour être plus précis : j’ai conscience du rien. Si le sommeil est un canevas de ténèbres sur lequel nous brodons des merveilles, pour moi ce noir, cette absence de tout, est déjà texture. Une terreur ; toutes les nuits, il faut compter les secondes qui me séparent du réveil. Je ferme les yeux puis je m’éteins, sans batteries, sans plus de souffle. Je saisis chaque mesure du temps. Je préfère parfois rester debout, attendre que le temps s’écoule. Tout le monde rêve, à ce qu’on dit. Il suffit juste d’apprendre à se souvenir, il existe des solutions. J’ai essayé. J’ai laissé un verre d’eau près de mon lit. J’ai roulé pour retrouver cette place sur le matelas, dans la vallée de l’oreiller où, passé l’écrin du souvenir, les rêves s’incarnent. J’ai placé des mobiles de planètes, des fleurs séchées dont les pétales souillaient les draps. J’ai bu tous les breuvages de sorcières, avalé tous les séminaires, mangé des runes. J’ai modélisé le tunnel que les rêveurs ont l’habitude d’emprunter pour sortir de l’autre côté, dans le rêve. Mais moi, Bracken, moi, je ne sors jamais. Pour être plus précis : il n’y a pas de tunnel.
David Calvo, Elliott du néant, éditions de La Volte