Le maudit bic de Dylan, par Claro
Au début du mois de juin, l'écrivain nobélisé Bob Dylan a enregistré son discours d'acceptation des 923 000 dollars qu'on lui devait pour l'ensemble de son œuvre écrite. Mais, emporté par une brusque brise inspiratoire, il s'est lancé entre autre dans un topo sur le Moby Dick de Herman Melville, sans doute parce que cétacé pour Stockholm. Mais apparemment il y a un maudit hic, comme s'en est aperçue Andrea Pitzer, auteure entre autres d'un livre sur Nabokov, et qui expose son analyse sur le site Slate. En effet, Pitzer a trouvé de nombreuses similitudes entre certaines phrases du discours de Bob et une analyse de l'œuvre de Melville paru sur un site intitulé SparkNotes. Elle a même établi un tableau comparatif qui laisse songeur. Ainsi qu'elle le signale:
"S ur les 78 phrases de la conférence que consacre Dylan à la description de Moby Dick, même un examen rapide révèle que plus d'une douzaine d'entre elles ressemblent de près à des phrases présentes sur le site SparkNotes. Or la plupart des phrases-clés communes à ces passages ne figurent absolument pas dans le roman de Melville."
Comme on peut le voir sur le tableau comparatif que voici, la présomption de pompage est assez éloquente:
Mais Spitzer, bonne princesse, rappelle que Dylan est coutumier de la chose et a toujours été prompt à l'emprunt. Cela dit, vu le niveau assez scolaire d'analyse de SparkNotes, on se demande bien pourquoi l'élève Dylan a pris la peine d'y aller pour fabriquer ses anti-sèches. Comme le signale un autre universitaire, Gwynn Dujardin, professeur de littérature à la Queen's University, à Kingston, dans l'Ontario,
" Dylan copie une publication contemporaine sujette au copyright au lieu de Moby Dick lui-même, qui est dans le domaine public."
Faut-il y avoir cet esprit de contradiction qui caractérise l'esprit forcément rebelle de Bob Dylan? Une simple coïncidence née des amours du hasard et de la probabilité? Une ultime pirouette de l'esprit potache? Une façon de se moquer des jurés du Nobel? On se souviendra juste qu'après le bide que fut la parution de Moby Dick, Melville s'attela à l'histoire d'un copiste, un certain Bartleby… Oh, humanité(s) !
Claro est écrivain, traducteur et éditeur. Il chronique la vie littéraire (et autre) depuis l'an dernier dans L'Autre Quotidien. Vous pouvez le retrouver sur son blog : Le Clavier cannibale.