L'AUTRE QUOTIDIEN

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Appel du « Front de mères » : luttons pour nos enfants !

"Entre les murs", un film de Laurent Cantet, 2008.

Parents noirs, arabes et musulmans, parents habitant les quartiers populaires, êtes-vous sereins quand vous confiez vos enfants à l'école le matin ? Êtes-vous rassurés à l'idée qu'ils y passent l'essentiel de leur vie ?

Nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, inquiets voire angoissés dès qu'on évoque l'école. Et pour cause !

Nos enfants fréquentent des établissements qui n'ont pas les moyens de fonctionner, avec des taux records de professeurs absents et non remplacés, des taux records de professeurs mal-formés.

Nos enfants fréquentent des établissements où ils sont stigmatisés et humiliés par certains enseignants, prêts à partir en croisade contre une jupe longue ou un début de barbe suspecte.

Nos enfants sont traumatisés par des conflits d’autorité entre leurs parents et l'école, lorsque par exemple leurs parents leur demandent de ne pas manger la viande imposée dans leur assiette, alors que l'institution les incite, voire les oblige à la manger.

Nos enfants apprennent à l'école à ne pas respecter les valeurs que nous essayons de leur transmettre.

Nos enfants nous regardent quand nous sommes sermonnés et infantilisés par les enseignants.

Nos enfants assistent aux humiliations que nous y subissons, notamment lorsque nous sommes voilées et qu’on nous interdit de les accompagner en sortie.

Nos enfants apprennent à l'école à avoir honte de leurs mamans. Nos enfants apprennent très tôt la hiérarchisation raciale.

Nos enfants comprennent très tôt que l’école a un problème avec leurs cheveux quand ils sont crépus, avec leur langue maternelle si elle est africaine, avec leur religion quand c’est l’Islam.

Nos enfants subissent des programmes scolaires où les peuples dont ils sont issus, sont infantilisés, diabolisés ou invisibilisés.

Nos enfants apprennent à l’école à avoir honte de ce qu’ils sont.

Cette manière dont l'école traite nos enfants n'est pas accidentelle. Les discriminations qu'ils subissent ont une fonction : les résigner à occuper les postes les plus précaires, les plus mal payés, aux conditions de travail les plus difficiles.

Si notre enfant rêve d'avoir un jour un « beau métier », valorisé socialement, tout un système d'orientation se met en place, de la maternelle au collège, à travers les appréciations, le système de notations et les préjugés, pour l'en dissuader, et l'amener, étape par étape, vers des filières conduisant à des métiers à très faible valeur sociale.

Nos enfants sont éduqués à l’école de manière à ce qu’ils deviennent plus tard une main d'oeuvre malléable et bon marché, sans se plaindre. Mais ils sont aussi éduqués de manière à ce que même lorsque, exceptionnellement, ils font de brillantes études, et qu’ils occupent des postes à responsabilité, ils restent à leur place, ils font allégeance, et ils courbent l’échine.

La manière dont l'école nous traite, nous parents, n'est pas accidentelle non plus.

Nos familles, le lien que nous avons à nos enfants, la transmission que nous leur devons, nos racines, nos langues, et nos religions, sont des ressources pour nos enfants. Tout est fait pour casser cette famille-ressource qui permettrait à nos enfants de mieux résister. Isoler pour mieux écraser.

Comment empêcher que nos enfants soient ainsi brisés par l’école?

Pour sauver nos enfants, nous ne pouvons pas nous contenter de stratégies individuelles !

Car avec ces stratégies individuelles, notre enfant sera amené à courber l'échine toute sa vie durant, et ce ne sera jamais suffisant.

Qu’elle soit caissière ou ministre, téléconseillère ou avocate, notre fille subira le racisme.

Qu’il soit chômeur ou chirurgien, livreur ou ingénieur, notre fils subira le racisme.

A quoi sert d’élever notre fille comme une reine, si la société dans laquelle elle grandit considère les personnes qui lui ressemblent comme des êtres inférieurs?

En réalité, soit nous, parents noirs, arabes et musulmans gagnons ensemble. Soit nous perdons ensemble, et aucun de nos enfants ne sera épargné, y compris les quelques-uns qui auront atteint les classes moyennes et supérieures, car qui peut prétendre qu’on peut être heureux en étant honteux et aliéné?

Évidemment, nous voulons que nos enfants réussissent à l’école, y aient de bons résultats et s’y épanouissent.

Mais nous devons refuser de choisir entre réussite scolaire et dignité.

Nous devons le refuser pour nos enfants, parce que nous les aimons et que nous voulons ce qu'il y a de mieux pour eux, réussir et s'aimer soi-même, réussir et aimer les siens, réussir et avoir confiance en soi, réussir et rester digne.

Parce que nous aimons nos enfants,

Parce que nous voulons mettre hors d'état de nuire le système raciste qui les détruit,

Parce que nous voulons leur transmettre tout ce qui pourra les rendre plus forts, à commencer par notre dignité,

Parce que nous voulons les éduquer à travers des valeurs d'égalité, de justice et de bienveillance,

Parce que nous savons que sans lutte politique et collective, ce combat-là est vain,

Nous avons créé le Front de Mères. Et nous lançons les Etats Généraux des Familles qui auront lieu fin mai 2017, à Paris, pour réfléchir et travailler ensemble à un plan d'actions concrètes. Collectifs locaux de parents, rejoignez-nous pour organiser ces Etats Généraux, contactez-nous.

LE FRONT DE MÈRES
Coordinatrices : Fatima Ouassak (Politologue, auteur du livre « Discriminations Classe/Genre/Race », Ifar, 2015) et Diariatou Kebe (Blogueuse et auteure du livre « Maman noire et invisible », aux éditions La Boîte à Pandore (2015). Contact : front2meres gmail.com

Agenda : "Les États Généraux des Familles : l'urgence de construire des stratégies collectives en matière d'éducation et de transmission", le 24 mai 2017 (Horaires : 9h - 18h) - Lieu : La Parole Errante 9, rue François Debergue - 93100 Montreuil

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