L'histoire de Bambino, mineur soudanais expulsé par la France
Bambino est un très jeune soudanais arrivé au Centre d’Hébergement d’Urgence de Mézy-sur-Seine (78) en août 2016. Beaucoup plus jeune que tous les autres résidents, tous l’appellent « le Bambino ». Nous l’appellerons aussi comme cela.
Pourquoi Bambino se retrouve-t-il dans le cadre de procédures réservées aux majeurs ?
Bambino se dit orphelin : c’est la guerre civile au Darfour. Après un long périple depuis le Soudan, il est arrivé en Italie.
Lors de la prise d’empreintes, il ment sur son âge et se donne environ 10 ans de plus.
Pourquoi mentir ? : pour être majeur et pouvoir continuer son voyage vers la France avec le compatriote qui l’accompagne depuis son pays.
Depuis le 6 août 2016, il suit des cours de français, fait du foot tous les mardis et jeudis, participe à une course à pied,... Il est devenu la mascotte du Centre d’hébergement...
Sans en comprendre les enjeux sur le long terme, il ne fait rien pour démentir l’âge indiqué lors de sa prise d’empreintes en Italie (date de naissance déclarée : 10 mai 1992).
Le 9 décembre 2016, il est convoqué à la préfecture pour lui remettre un « arrêté de transfert vers l’Italie » (1er pays européen où il a laissé ses empreintes), selon les règles européennes connues sous le nom de « règlement DUBLIN III ». Et lorsqu’on lui demande s’il est d’accord, il répond qu’il veut rester en France. Conclusion, il est indiqué sur son dossier : refus d’une « exécution spontanée d’un retour vers l’Italie » - c’est-à-dire risque de vouloir prendre la fuite !
Et donc, le 27 février, il est convoqué à la PAF (Police de l’Air et des Frontières) pour « mettre à exécution la mesure d’éloignement » et il est mis immédiatement en rétention au CRA de Plaisir (centre de rétention administrative) pour éviter sa fuite qui empêcherait son expulsion (appelée pudiquement « réadmission en Italie »).
Les juges ne lui accordent même pas l’assignation à résidence... pour le garder sous contrôle.
Mardi 14 mars, il a été présenté à l’avion et a refusé d’embarquer.
Une nouvelle tentative d’embarquement pour Rome est prévue pour le jeudi 6 avril.
Tous les recours sont épuisés.
Le premier juge a jugé sur la base des 25 ans du jeune et les suivants ne voulaient surtout pas remettre en cause "la chose jugée". Ce qui est effectivement légal, mais en l’occurrence en contradiction avec la protection de l’enfance. Et la Préfecture alertée depuis bientôt 3 semaines, nous indique qu’elle est là pour appliquer les règlements et décisions de justice.
Il reçoit des visites tous les jours.
Mais son état de santé physique et psychologique se détériore.
Lundi 20 mars nous étions une trentaine devant le CRA pour rendre visible la présence du maire de la ville de Mézy sur Seine, du responsable du Centre d’hébergement, de bénévoles qui le connaissent et de militants du collectif des « voisins solidaires ». Un ordre de la Préfecture est arrivé : refus de visite pour ce jeune ce jour-là. Le maire, accompagné d’une conseillère municipale, a pu rentrer pour vérifier qu’il était toujours là.
Conclusion, tout le monde sait qu’il a menti sur son âge, mais la machine à broyer ne s’arrête pas.
- Ecouter son histoire (à partir de 7’40")
http://resf.info/article54904
- Voir aussi le communiqué de presse du 18 mars et les articles qui lui sont consacrés
- Une page Facebook « SOS Sauvons Bambino » a été ouverte