C'est officiel : non, les chômeurs ne sont pas des profiteurs
Macron veut renforcer le contrôle des chômeurs. Pourtant, les résultats d'un rapport rendu public hier par Les Echos tord le cou aux idées reçues. L'image, colportée par le gouvernement et le patronat, du chômeur profiteur n'est qu'un mythe. Selon le bilan du contrôle de la recherche d'emploi effectué par Pôle emploi, les trois quarts des chômeurs remplissent activement leurs obligations en la matière.
Il va falloir trouver autre chose que le contrôle des chômeurs pour radier ne masse... Alors que la question d'un renforcement du contrôle des chômeurs s'annonce comme un point central de la réforme que Macron veut mettre en oeuvre d'ici l'an prochain, le bilan tiré par Pôle emploi tord le cou au mythe du chômeur profiteur, complaisamment répandu par la classe politique et le patronat. Pôle emploi, qui a généralisé les contrôles de l'effectivité de la recherche d'emploi n'a toujours pas retrouvé les chômeurs qui "partent en vacances pour deux ans", tels que les décrivaient, le 17 octobre dernier, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Le lendemain, l’inénarrable Pierre Gattaz, président du MEDEF, en remettait une louche en proposant d'instaurer un contrôle quotidien des chômeurs. A ce stade, on se demande s'il ne serait pas souhaitable de poser un bracelet électronique pour contrôler ces mauvais sujets qui abusent du système.
Mais la violence des propos n'aura pas réussi à masquer la réalité. Car, dans les faits, le contrôle des chômeurs est déjà une réalité. C'est ce que montre la lecture du quotidien économique Les Echos, qui a eu accès à un rapport de Pôle emploi. Celui-ci dresse le bilan de la recherche d'emploi et montre que, depuis sa généralisation en 2015, 270 000 contrôles ont été effectués, soit 12 000 par mois en moyenne. Le rapport n'a pas encore été rendu public par Pôle emploi -on se demande pourquoi-, il s'agit d'une fuite, nous confirme le service de presse de l'agence. Mais les chiffres divulgués par les Echos mettent à bas les idées reçues.
Les contrôles effectués montrent que 86% des personnes inscrites recherchent activement un emploi, comme la loi les y oblige. Tout chômeur est en effet tenu d'accomplir des "actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise", en échange de l'allocation qui lui est versée.
Quant aux 14% qui ne remplissent pas ces obligations, seuls 40% d'entre eux étaient encore indemnisés par l'Unedic, tandis que 23% relevaient de l'allocation de solidarité et 36% ne touchaient plus rien. Ce sont donc ces personnes totalement découragées qui ont au final été radiées.
Le contrôle des chômeurs remonte à 2013, lorsque François Rebsamen, alors ministre du travail, y voyait, comme le patronat, une solution à cette vieille rengaine des offres d'emploi non pourvues. Les chiffres avancé varient considérablement -un peu comme celui des manifestants évalué par la préfecture par rapport à celui annoncé par les organisateurs- au rythme des déclarations des politiques : 111 000 en 2015, selon Pôle emploi, 350 000 selon le MEDEF en octobre dernier, après un pic à 600 000, selon Jean-Christophe Lagarde, le patron de l'UDI (centristes) en février 2017.
Décrié par les syndicats et une partie de la gauche, le contrôle des chômeurs a donc fait son entrée à Pôle emploi sur la pointe des pieds, en 2014. Après des expérimentation menées en Paca, Poitou-Charentes et Franche-Comté, Pôle emploi l'a généralisé l'année suivante. Aujourd'hui, 200 conseillers spéciaux de Pôle emploi sont chargés de cette activité. Des effectifs que Macron veut multiplier par cinq pour porter leur nombre à un millier. On ne connaît pas le coût de cette mesure. Mais si elle se faisait à effectifs constants, cela conduirait à diminuer le nombre de conseillers affectés à l'accompagnement des chômeurs vers l'emploi au profit du contrôle de celle-ci. Une logique plutôt bizarre, sauf si on considère que l'essentiel, pour faire baisser le chômage, est de faire maigrir les effectifs, la croissance retrouvée faisant mécaniquement le reste.
Mais il faudra trouver autre chose pour justifier les radiations en masse nécessaires pour financer la réforme voulue par Emmanuel Macron. En effet, celui-ci veut supprimer la logique d'assurance chômage gérée paritairement par l'Unedic pour la remplacer par une allocation versée par l'Etat. Il a aussi annoncé vouloir étendre l'indemnisation chômage aux indépendants et agriculteurs, ainsi qu'aux démissionnaires, même si les dernières propositions du gouvernement sont nettement en retrait par rapport aux promesses de campagne du candidat Macron. Cette extension des droits au chômage se chiffre en milliards d'euros. Sauf que Macron entend diminuer de 10% le budget global consacré à l'indemnisation des chômeurs.
Selon Jean-Charles Steyger, secrétaire général de la FSU Pôle emploi, la réforme envisagée par Macron prévoit de revoir la définition de "l'offre raisonnable d'emploi" -la loi prévoit qu'un chômeur ne peut en refuser plus de deux- compatible avec les qualifications et compétences professionnelles, selon des conditions de salaire qui diminuent avec le temps, pour rejoindre le niveau de l'allocation versée au bout de un an. Elle serait remplace par "l'offre acceptable", dont les contours ne sont pas encore connus, mais qui devraient être bien moins favorables aux chômeurs.
Tout chômeur ferait, dès son inscription, l'objet d'une sorte de bilan de compétences. Nous écrivons "une sorte", car un vrai bilan de compétences, qui se fait avec l'accord du salarié ou chômeur (c'est l'une de ses conditions de réussite), nécessite 20 à 24 heures. Or, selon les estimations qui circulent dans le cadre des "négociations" en cours avec les organisations syndicales, le bilan de compétences version Macron durerait deux fois moins longtemps, soit une douzaine d'heures seulement. L'objectif serait de laisser toujours moins le choix aux personnes privées d'emploi, pour les forcer à accepter n'importe quel emploi ou bout d'emploi, en échange de l'allocation versée. la réforme du chômage et de son indemnisation, sur laquelle nous reviendrons, promet d'être l'une des plus douloureuses du quinquennat Macron.
Véronique Valentino