L'AUTRE QUOTIDIEN

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L’idée fondamentale du néocapitalisme c’est, paradoxalement, de sembler n’en avoir aucune

Le néocapitalisme, qu’on nomme pudiquement et à dessein de confusion générale, “néolibéralisme”, comme on appelait autrefois la guerre d’Algérie une “opération de police”, n’est pas seulement une idéologie économique et politique au sens traditionnel du terme, mais bien une pensée à vocation totalitaire. Cela n’est pas une révélation, loin de là, mais il me semble intéressant d’analyser les maillons d’une chaîne qui peu à peu enferme nos sociétés dans une maille serrée.

L’idée fondamentale du néocapitalisme. c’est, paradoxalement, de sembler n’en avoir aucune. La loi “naturelle” du marché est la seule capable d’harmoniser le monde, et les réformes politiques se doivent d’aider les entreprises à atteindre ce but ultime. Bien entendu, par “harmonisation” il faut entendre “concurrence”, et par “naturel”, il faut entendre “financière”. Dès le départ, nous avons, au coeur du langage, ces fameux oxymores, métaphores ou détournements de sens qui caractérisent tout discours totalitaire. 

De plus, si l’on veut filer la métaphore, l’assimilation de la gestion politique de nos pays à la gestion d’une grande entreprise devrait, en elle-même, en faire réfléchir plus d’un-e. Si le fonctionnement des grandes entreprises était démocratique, ça se saurait. Et que dire du déficit souvent permanent de ces grandes structures, souvent sauvées par leur position dominante… ou l’état, si leur faillite présente un risque trop important pour l’économie de pays.

Le “story-telling” du néocapitalisme est donc bien cela: un bobard. Comme celui de la “trickle-down theory” reprise par notre cher président-en-chef, qui n’a fait qu’accentuer les inégalités dans tous les pays où elle a été appliquée.

Ce qui est ironique, de nouveau, c’est que c’est le même aveuglement idéologique qui a conduit l’ex-URSS à sa perte, avec ses plans quinquennaux et son matérialisme-dialectique. En bref, l’incapacité d’un système totalitaire de penser hors de sa propre logique. Le “pragmatisme” néocapitaliste n’a de ce côté là rien à envier au “matérialisme-dialectique” cité plus haut, et nous voyons bien, nous les vrais pragmatistes, les nuages de plus en plus noirs qui s’amoncellent au-dessus de nos têtes.

Et c’est là que réside la plus belle arnaque et le plus grand danger: celle de l’alliance “naturelle” entre démocratie et néocapitalisme. C’est un contresens absolu, car le néocapitalisme, n’ayant aucune idée politique, se sert de ce qui existe pour se donner une légitimité: la “défense des valeurs démocratiques” dans les pays occidentaux, “la défense des valeurs orthodoxes” en Russie et “la défense du Socialisme progressiste” en Chine. D’ailleurs, pour ce dernier pays, on est passé subrepticement, grâce au néocapitalisme, d’un modèle totalitaire de type “marxiste-léniniste” à un modèle totalitaire de type “fasciste” (au sens Mussolinien du terme), avec ce mélange de culte du chef, de parti unique et de capitalisme effréné sous la surveillance bienveillante de l’état.

Pour arriver à ses fins, le modèle néocapitaliste a besoin du contrôle absolu de toute la chaîne culturelle - la fameuse “propagande” dont Goebbels vantait les mérite. Cette pensée unique a deux piliers complémentaires: d’une part, le “mainstream”, qui n’est pas seulement basé sur un succès commercial, mais aussi sur ses “qualités” de conformisme au modèle économico-politique; d’autre part, le démantèlement systématique de tout ce qui pourrait ressembler à une pépinière d’idées “subversives” -les universités, les médias libres, les associations, les syndicats, etc.

Cependant tout cela ne se fait pas au nom d’une “idée”, mais au contraire, avec comme alibi, la “logique” du marché - que ce soit en termes de profits, de débouchés ou de fonctionnement. L’idée, elle, semble avoir magiquement disparu de la politique, remplacée par - quoi? Un vide, qui cache en fait la véritable idée, qui est celle, parfois à demi-avouée ici et là, d’un totalitarisme économique.

C’est ce faux “vide” qu’il nous faut démasquer, comme le droit divin des monarchies absolues. C’est ce faux vide qu’il faut faire éclater au grand jour, pour que nous puissions à nouveau retrouver un sens au mot “politique”, “démocratie” et, si tout va bien, “solidarité” et “entraide”.

Macron se prend donc pour Napoléon. Ce qui est dommage pour lui, c’est que même les habits du petit Caporal sont trop grands pour lui.

Sébastien Doubinsky

Bilingue, Sébastien Doubinsky écrit en français et en anglais. Il a publié des romans et des recueils de poésie en France, en Angleterre et aux USA. Il vit actuellement à Aarhus, au Danemark, avec sa femme et ses deux enfants. Il ne se cache pas d'être écrivain & anarchiste (il aurait bien tort), et tient un blog : "a view from Babylon". Nous l'accueillons parmi nos chroniqueurs.