L'AUTRE QUOTIDIEN

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Les primaires n'ont pas changé le Parti Socialiste

Benoît Hamon a remporté haut la main la primaire de gauche. C’est maintenant que tout commence. Il appartient au candidat socialiste de montrer pour de bon qui il est. Et de bâtir une stratégie pour la présidentielle.

Avec près de 60% des voix, Benoît Hamon a battu à plates coutures Manuel Valls. Beaucoup, à gauche, sont soulagés de voir éliminé, avec tant de clarté, l’ex-premier ministre. Mais c’est maintenant que les difficultés commencent pour le vainqueur de cette primaire. Il va en effet devoir bâtir une stratégie pour la présidentielle. Or, c’est peu dire que beaucoup, dans son propre parti, ne lui veulent pas que du bien. Ségolène Royal ou Gérard Collomb roulent déjà ouvertement pour Emmanuel Macron, candidat qui aspire à siphonner les voix de la droite, mais aussi d’une certaine gauche, celle qui s’est proclamée gauche de gouvernement, pour mieux renier les engagements sur lesquels elle s’était fait élire.

Une fuite en masse des soutiens de Valls chez Macron

Depuis hier soir, une partie importante des supporters de Manuel Valls expliquent, rompant ainsi avec les règles de la primaire qu’ils s’étaient pourtant engagés à suivre, qu’ils ne soutiendront pas Benoît Hamon. Beaucoup ont même déjà annoncé plus ou moins ouvertement qu’ils soutiendront l’ex ministre de l’économie. Une cinquantaine de députés PS auraient déjà imaginé un « droit de retrait » de la campagne de Benoît Hamon, inventant une curieuse « objection de conscience », selon Gilles Savary, élu de la Gironde. Seront-ils exclus ? L’entourage de Manuel Valls a par ailleurs fait savoir que le vainqueur de la primaire devrait mettre de l’eau dans son vin, afin de rassembler les socialistes, avant même que d’envisager de réunir l’ensemble de la gauche. Et c’est justement là que le bât blesse. Car certains soutiens de Benoît Hamon se sont déjà exprimés en faveur de cette stratégie.

Les primaires, un paradoxe politique

Il y a indéniablement un paradoxe avec les primaires. Après avoir sacré au second tour, à droite comme à gauche, les candidats les plus engagés sur les valeurs de leur famille politique, un nouveau round s’ouvrirait ensuite, lors duquel les candidats désignés devraient mettre un peu d’eau tiède dans leur programme afin de rassembler au sein de leur propre parti et au-delà. Pour ce qui est de la gauche, du moins celle qui se reconnaît encore dans le PS, certains imaginent déjà Hamon comme le Mitterrand de la présidentielle de 2017. C’est le cas pour Marie-Noëlle Lienemann, pour qui Hamon doit s’attacher à rassembler l’ensemble des courants du PS, à travers une synthèse improbable. Hamon lui-même a annoncé « vouloir commencer par rassembler les socialistes, tous les socialistes, parce que c'est ma famille politique et que j'y ai consacré trente ans d'engagement […]. Il faudra aussi rassembler la gauche et les écologistes", a déclaré Benoît Hamon devant ses soutiens réunis à la Mutualité » 

L’impossible union des deux gauches

C’est oublier qu’une partie de l’électorat de gauche, à l’issue du quinquennat de François Hollande, n’a plus la moindre confiance dans le PS. Manuel Valls n’avait pas tort, lorsqu’il théorisait les « gauches irréconciliables ». Sauf à se renier, comment Hamon pourrait-il réunir des socialistes, convertis à l’ultralibéralisme, qui ont soutenu la loi travail, et dans le même temps continuer de promettre qu’il l’abrogera ? Comment peut-il plaider pour un revenu d’existence décent alors qu’à la droite de son propre parti on n’a cessé d’expliquer que cette mesure était inapplicable et même qu’elle n’était pas souhaitable, en se réclamant d’une « société du travail ».

Une stratégie des Verts à usage interne

Ce sont toutes ces ambiguïtés que le candidat socialiste va devoir lever. Le parallèle avec le Mitterrand du congrès d’Epinay, réunissant des communistes aux sociaux-démocrates, n’a aucun sens. Reconstituer une gauche plurielle sera plus qu’ardu. On le voit bien avec la réaction de Yannick Jadot, candidat Europe Ecologie Les Verts à la présidentielle, qui exclut de se retirer en faveur de Benoît Hamon, d’autant qu’il avait par avance récusé les primaires de gauche, en annonçant sa candidature dès novembre dernier. En se maintenant, Yannick Jadot n’a bien entendu aucune chance de gagner, mais sa réaction est à usage interne, vis-à-vis d’un parti qui l’a élu à plus de 54%. Jadot travaille à la reconstruction de son propre parti, ce qui passe, selon les responsables d’EELV, par une candidature à la présidentielle. Le parti écologiste, après les errements que l’on sait, a, pour accéder à quelques strapontins ministériels, perdu en effet toute crédibilité et pour longtemps.

L’union avec Mélenchon est-elle possible ?

Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a en revanche, exprimé sa satisfaction de voir gagner un candidat qui a « chanté des paroles si proches des nôtres » . Si sur le papier, cette appréciation devrait ouvrir la voie à une union entre les deux leaders de la gauche, du moins celle qui se revendique d’une « vraie gauche », on n’imagine pas un Mélenchon retirant sa candidature au profit de Hamon, lui qui est en campagne depuis presqu’un an. Mais les propos d’un Alexis Bachelay, porte-parole de Hamon, pour qui « il y a un candidat qui est plus central et qui peut rassembler des gens de chez Mélenchon et chez Macron » augurent mal d’une entente

Le débat sur l’Europe, incontournable

Alors comment imaginer une stratégie d’union des gauches ? C’est précisément sur ce terrain qu’on attend Benoît Hamon. Peut-il continuer à se réclamer d’une Europe qui réclame toujours plus de concessions au « monde des finances », pour reprendre une formule célèbre du discours de François Hollande au Bourget ? Un discours dont s’est réclamé Benoît Hamon au soir de sa victoire aux primaires de la gauche. Si les électeurs qui l’ont porté dimanche comprennent que, au premier froncement de sourcils d'Angela Merkel ou de Jean-Claude Junker, il courbera l’échine à l’instar d’un François Hollande, lequel avait toute de même promis de renégocier le pacte « Merkozy » , il y a peu de chances qu’une union avec le Parti de gauche de Mélenchon puisse se concrétiser. En même temps, s’il refuse de s’affirmer en faveur de cette Europe-là, quelles sont ses chances de récupérer des soutiens chez Valls ? Aucune. Pourtant, sans volonté claire vis-à-vis de l’Europe, en finir avec les politiques d’austérité est impossible et c’est là un désaccord de fond avec Jean-Luc Mélenchon.

L’éclatement du PS et la recomposition de la gauche ?

Il n’y aura donc pas de nouveau congrès d’Epinay. Les choix assumés par Hollande l’ont rendu impossible. Il faut aussi réaliser que si Benoît Hamon s’en tient à son programme, cela signifiera sans doute la fin du PS, son éclatement et une recomposition de fond à gauche. Ce qui est d’ailleurs souhaitable. Benoît Hamon ira-t-il jusque-là ou préférera-t-il renier les mesures phares qu’il a défendues pour une hypothétique union -de façade, forcément- du PS ? Or, ses revirements sur sa mesure la plus populaire, le « revenu d’existence », montre qu’il est prêt à adopter une certaine flexibilité pour gagner des voix. S’il préfère rassembler le PS autour de demi-mesures, il perdra forcément ce qui a fait sa force et qui lui a permis de l’emporter hier. Il verra aussi s’évanouir toute perspective d’union avec la gauche de Mélenchon. C’est donc à partir d’aujourd’hui que l’on verra de quel bois est vraiment fait Benoît Hamon et quelle est la sincérité de son projet.

Véronique Valentino, le 30 janvier 2017