L'AUTRE QUOTIDIEN

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Donald n'aime pas "les gens qui dérangent", par Christian Perrot

Quand le président d'un pays qui a la particularité d'être composé à près de 100% de gens venus d'ailleurs, de gré pour les uns, de force pour les autres, et d'autres continents pour la plupart, déclare sans gêne aucune, comme une évidence, que "les gens ne veulent pas que d'autres gens viennent dans leur pays et les dérangent", on s'interroge sur ce que va devenir le fameux melting pot une fois le feu éteint. Ne restera qu'une société de grumeaux, de graisse figée, de morceaux en voie de putréfaction. Un rotting pot qui dégagera de loin d'effrayants effluves. Empestant le monde entier.

C'est déjà le cas avec cet interview accordée par Donald Trump au Times et au Bild, deux grands quotidiens européens - on note en passant l'absence de la France - qui conseille à l'Europe de renvoyer chez eux les réfugiés syriens ("Nous ne voulons pas que des gens de Syrie viennent chez nous, des gens dont nous ignorons qui ils sont") et de leur fermer ses frontières. Doit nous troubler aussi - et nous alerter - son usage du nominatif indéfini par excellence "gens" à la place des mots "étrangers" ou "nationaux", qui auraient été plus précis.

Donald Trump, qui contrairement à ce qu'on écrit souvent, ne parle pas pour ne rien dire, a choisi d'évoquer des "gens qui ne veulent pas que d'autres gens", ce qui donne d'un côté à son raisonnement l'apparence d'une évidence universelle, qui se passe donc d'argumentation ("Vous connaissez les gens"), et exprime à notre avis au mieux le fonds de sa pensée, qui est que les êtres humains s'opposent par nature les uns aux autres. Tout est donc force et menace dans les rapports humains. Tous autant que nous sommes, et cela devrait alerter ses concitoyens d'abord, et tous les habitants de la Terre ensuite, nous sommes absolument "étrangers" aux intérêts de Donald Trump, comme nous serions tous de fait "étrangers" les uns aux autres. Et ni couleur de peau ni nationalité, contrairement à ce qu'espèrent les plus naïfs des partisans de Donald Trump ou de Marine Le Pen, n'exonère de cette guerre permanente de tous contre tous, et des plus forts contre les plus faibles, dont ils sont souvent, que suppose et légitime cette vision du monde.

La guerre qui oppose des "gens" à "d'autres gens" oppose tout le monde à tout le monde, et pour tout le temps. Ce langage de guerre civile finira par nous tuer si nous ne parvenons pas à lui opposer des résultats obtenus par la coopération de toutes et tous. C'est en quoi le terme de "politique sociale" est si juste et important. La République sociale est ce que nous pouvons opposer de plus fort à ces politiques qui visent à détruire la société en faisant de chacun l'ennemi de tous.

Christian Perrot