Les écoles Imam Hatip préparent la Turquie d'Erdogan
Le projet d’Erdogan pour la transformation du pays, suit son cours. La Turquie se dirige vers un régime présidentiel, parti unique, nation unique. Quand on rêve d’une nation à profil monotype, le formatage commence dès le plus jeune âge. Les écoles « imam hatip » y pourvoiront.
La jeune République turque avait eu une démarche similaire. Fidèle aux principes d’Atatürk. Mais cette fois, les caractéristiques de la « nation » sont différentes, et l’intrumentalisation du religieux prégnante.
Mehmet Özhaseki, Ministre d’Environnement et de l’Urbanisme, s’est par exemple adressé ainsi aux enseignants et aux élèves durant l’inauguration de l’école imam hatip construite par la Mairie de Melikgazi à Kayseri.
Une école imam hatip est un établissement d’enseignement secondaire professionnel public, destiné à la formation des personnels religieux musulmans. Vous trouverez ci dessous, un historique des écoles imam hatip et l’interview d’une enseignante qui y travaille.
Mais d’abord, écoutons le Ministre. Ce n’est pas un discours à part, prononcé juste pour l’occasion, mais un concentré des formules émises à toutes occasions, c’est la vision officielle.
L’histoire des écoles imam hatip est une histoire de lutte pour la démocratie. Ces écoles ont été fondées parce que le peuple disait « Nous n’avons plus personne pour laver nos morts, et il n’y a plus personne qui sait lire le Coran ». Après, ils ont vu que tous le monde envoyait ses enfants dans les écoles imam hatip, alors ils ont essayé de couper le chemin. Ils ont essayé d’interdire le foulard, même dans les cours de Coran. Ils ont vu qu’ils n’y arrivaient toujours pas. Ils ont donc mis des coefficients sur les points des concours d’entrée de l’université, pour que les diplômés des imam hatip ne puissent pas aller à l’université.
Ces jeunes sont nos enfants, qu’ils soient aux collèges, aux lycées anatoliens, scientifiques ou imam hatip. Ils sont tous notre fierté, notre avenir.
Je connais les persécutions que les imam hatip ont subi, car j’ai été pendant de longues années, président de fondation pour ces écoles. Quand nous voulions construire de nouvelles écoles, toutes les portes se fermaient à notre nez, à commencer par les Préfectures et l’Education Nationale. Nous construisions alors les bâtiments scolaires, sans autorisation. En tant que personne qui a été Maire pendant des années, il est absurde que je dise cela, mais que voulez-vous, nous construisions le bâtiment dans l’école, on le remplissait d’élèves, et on les mettait devant le fait accompli.
Et lors du processus du 28 février, qu’est-ce qu’ils n’auraient pas fait pour les fermer…
Grâce à Allah, nos enfants étudient, ils nous rendent fiers, ils s’approprient leur nation, leur État, ils respectent leur drapeau, ils respectent l’ezan (appel au prière). Parmi eux, vous ne pouvez pas trouver facilement de traîtres à la patrie. Vous ne trouverez pas de gens comme ceux qui étudient dans les universités d’Etat et ensuite qui insultent l’Etat.
C’est désolant. Comment est-ce possible que cet État offre l’enseignement à partir de l’école primaire, ensuite au collège et au lycée, puis enseigne à l’université, dépense de millions de livres turques, et ces types qui ont profité de tout cet enseignement, insultent l’État. Regardez, ceux qui trahissent l’État sont souvent diplômés de l’université !
Quel mystère, que ce genre de cannibales sortent de ces écoles. Grâce à Allah, la jeunesse de imam hatip étudie bien, regarde droit devant, aime sa nation, souhaite servir, et n’a aucun problème avec son État.
Quelques conseils aux élèves s’imposent alors. Le Ministre continue :
Pour la réussite dans les études, il faut les quatre essentiels : la pâtisserie de la mère, la bourse du père, le souffle de l’enseignant, la volonté de l’élève. (en turc : Annenin ketesi, babanın kesesi, hocanın nefesi, talebenin hevesi)
Grâce à Allah, la situation de votre père, même modeste, est assez correcte pour vous envoyer dans cette école, pour acheter des chaussures, des vêtements. Vos mères ne vous laissent pas sans pâtisseries. Et nos professeurs sont très motivés, ils vous consacrent tout leur souffle. Il reste une seule chose, votre volonté. Suivez vos leçons autant que vous regardez la télé, vous restez sur Internet ou passez du temps avec vos amis, vous réussirez.
Le Ministre complimente le Maire de Melikgazi, qui a envoyé des aides vers les villes kurdes au Sud est de la Turquie et en profite pour nous expliquer la situation :
Il y a un incendie dans le Sud Est. Là-bas, les terroristes ont tout détruit et brûlé. Puisqu’ils n’avaient pas eu l’enseignement spirituel comme vous avez, ils ont suivi des organisations terroristes, ils ont été trompés, et ces pauvres sont montés à la montagne. Ensuite, ils sont devenus des jouets des grand pays. Et malheureusement, armes en main, ils se sont affrontés à nos force de sécurité et notre petit Mehmet (soldat ordinaire, appellation populaire). L’Etat leur a donné la réponse nécessaire.
L’Etat a claqué sa gifle puissante sur leur visage, et il les a mis à terre. Maintenant, ils n’ont plus de force de se relever Inch’Allah. A partir de maintenant, tout ce qu’ils pourront faire au mieux, c’est minablement de faire exploser des bombes. Ils ne pourront pas faire des actions de masse de 100, 200 personnes.
Les 12 communes où ils essayaient de dominer, sont maintenant nickel. Que Allah ne donne l’opportunité à ces traitres qui essayent de semer de la sédition parmi nous.
Que Allah ne laisse personne sans abri, sans maison, sans patrie. Maintenant l’Etat les prend sous son aile de compassion. L’Etat a une main puissante et une main compatissante. Maintenant il est temps de travailler avec la main compatissante. Nous réparons, reconstruisons leurs maisons et nous proposons différentes alternatives. Mes amis Ministres sont tous au Sud-Est. Personne ne rompt le jeûne chez lui. Ils sont à Silopi, à Sirnak, à Cizre, à Sur, partout… Moi aussi je suis là bas. Par ailleurs, non pas seulement les ministres, mais aussi nos organisations de société civile font tout ce qu’elles peuvent. Nous bâtissons des ponts de coeur, nous essayons de réinstaller la fraternité.
Notre coeur est grand, il y a de la place pour eux aussi. En les enlaçant, nous voulons leur faire sentir qu’ils font partie de cet Etat et de cette nation. De toutes façons, donner est une particularité de l’Islam.
N’est-ce pas magnifique ?
Si Kedistan en avait la possibilité, il traduirait plus de discours de Ministres, de Premier Ministre ou d’Erdogan. Ils sont tellement limpides qu’il n’est nullement utile de les commenter.
Mais profitons en pour faire un petit historique sur les écoles imam hatip.
Les écoles imam hatip
L’histoire des écoles imam hatip vient des écoles religieuses ouvertes en 1913. Après un changement de loi en 1924, donc sous la jeune République turque, 29 écoles ont été ouvertes. Ces écoles, de niveau secondaire, avaient l’objectif d’enseigner aux futurs religieux, « éclairés, intellectuels et républicains ». La plupart des matière étaient scientifiques et langues étrangères, et les cours de religion étaient en second plan.
En 1929, il n’y avait plus que 2 écoles ouvertes. Et en 1930, les écoles imam hatip ont disparu par manque d’élèves inscrits.
Entre 1930 et 1948, l’enseignement religieux était à la charge des « cours de Coran » ouverts par le Diyanet (Direction des affaires religieuses). Mais suite à un rapport qui constatait l’inefficacité de ces cours pour former « des religieux intellectuels » en 1949, l’Education Nationale s’est chargée de la formation des employés religieux dans des imam hatip qui lui étaient attachés. La première année, donc en 1949, ces écoles acceptaient les hommes diplômés du secondaire et ayant fait leur service militaire, et elles ont formé en 10 mois, 50 religieux. Ensuite, la durée de l’enseignement a été portée à 2 ans.
Le DP, Parti Démocrate, arrivé au pouvoir en 1950, a tenu la promesse faite à ses électeurs, et a ouvert 7 « Ecoles d’imam hatip » (IHO) dans sa première année d’exercice. Elles donnaient un enseignement complet sur 7 ans, (4 ans dans le secondaire et 3 ans au lycée). En 10 ans, le DP a ouvert 19 écoles imam hatip.
En 1963, ces écoles ont commencé à accueillir aussi des élèves en pension, et en 1970, elles étaient 72, un peu partout dans le pays.
« Le gouvernement de reformes » formé après le mémorandum du 12 mars 1971, a fermé toutes les écoles secondaires professionnelles, y compris les imam hatip.Par conséquent, le nombre d’élèves aux lycées imam hatip a diminué de 70% en deux ans. Mais, cette diminution n’était pas une démarche anti-religieuse, car l’Assemblée Nationale de cette époque, qui avait décidé l’exécution de Deniz Gezmis et ses amis révolutionnaires, était constituée majoritairement de conservateurs. La baisse des lycéens d’imam hatip est plutôt due au fait que les élèves choisissaient ce cursus particulier un peu plus tard, plus consciemment. Les Ecoles d’imam hatip ont changé de nom, et sont devenues des Lycées d’imam hatip (IHL). Les diplômés avaient accès à l’Université, dans les facultés de langue.
En 1976, après la bataille juridique d’un parent qui voulait absolument inscrire sa fille à l’IHL, les filles -qui ne deviendront jamais imam- ont commencé à accéder à ce type d’école : c’est le premier coup donné au système d’éducation laïc.
Ensuite, sous différents gouvernements de coalitions, dans lesquelles le parti islamiste Selamet Partisi (Le parti du Salut) était présent, le nombre d’IHL est monté à 230.
Conformément à la Constitution de 1982, préparée par le gouvernement militaire d’après le coup d’Etat se 1980, les cours de « science de la morale et de culture religieuse » sont devenus obligatoires dans les écoles primaires et secondaires. Le DPT (Organisme Nationale de Planification) a publié un rapport intitulé « Culture Nationale » qui précise que : la synthèse turc-Islam est l’Etat religieux, la nation est une confrérie religieuse, la culture nationale est la culture de l’Islam, la nationalité c’est être musulman, la nationalisme est l’islamisme, la nation turque est constituée de turcs dont les 99% sont des musulmans, la laïcité est la haine contre la religion, et la science est l’ensemble des connaissances qui se trouvent dans le Coran. »
Après le coup d’Etat de 1980, les gouvernements qui se succèdent, reposeront leurs politiques de l’éducation et culture sur ce rapport.
En 1983, une reforme de loi, a donné aux diplômés du IHL l’accès à toutes les branches de l’éducation supérieure exceptées les écoles militaires. Avec cette loi, les imam hatip font partie intégrante de l’éducation nationale.
ANAP (Le parti de la patrie mère) a montré un intérêt particulier pour les imam hatip et s’est efforcé à les rendre alternatives aux écoles laïques. (Par exemple en leur consacrant plus de budget : dans les années 90, les possibilités d’internat était pour un élève sur 15 dans les écoles professionnelles, sur 59 dans l’école primaire, sur 2 pour les imam hatip.)
En 1985 le premier « Lycée Anadolu imam hatip » a été ouvert à Kartal. Ces écoles sont nées de la fusion des IHL avec les lycées Anadolu (lycées publics).
Sous différents gouvernements, le nombre d’écoles n’a pas augmenté mais le nombre d’élèves a cru. Les « lycées imam hatip Anadolu » étaient officiellement au nombre de 7, mais en ouvrant une centaine de succursales attachées à ceux ci, en fin des années 80, en vérité, il y en avait bien plus. C’est ce que le Ministre explique clairement dans son discours ci-dessus.
Quant au « processus du 28 février », cette période a débuté le 28 février 1997, avec les pourparlers concernant l’intégrisme, au sein du Conseil de Sécurité Nationale. Deux décisions ont affecté les IHL. La première est la mise en place d’éducation de 8 ans sans interruption (primaire et secondaire). Celle-ci a provoqué la fermeture des collèges des IHL transformant ces derniers en lycées de 4 ans.
La deuxième décision concernait le changement de système de coefficient dans les concours d’entrées des Universités. En résumé, les points obtenus au concours étaient multiplié par 0,5 pour les diplômés des lycées, mais pour les lycées spécifiques comme techniques, professionnels et imam hatip, le coefficient était 0,2. Cette différence était en effet pénalisante pour les futurs étudiants car les empêchait d’accéder aux études dans les branches autres que leur cursus.En 2009, il y a eu une tentative de suppression de l’application des coefficients, mais une décision du Conseil d’Etat l’a empêchée. Ensuite, en 2011, avec une baisse de différences de coefficient,cela a permis de nouveau un accès aux études plus large. Depuis le 1er Décembre 2011, le système de points est supprimé.
En 2012, après une réforme de loi de l’Education, les secondaires des IHL sont de nouveau ouverts.
En janvier 2015 le Ministre d’Education Nationale annonçait avec fierté que le nombre de IHL, qui était 440 en 2002-2003, était remonté à 1017 pour la période du 2014-2015 et 1644 nouvelles écoles secondaires imam hatip étaient ouvertes. En résumé, dans cette année scolaire, près d’un million d’élèves étaient inscrits aux plus de 2600 écoles et lycées imam hatip, de préférence non mixte. Pour les filles, le foulard qui était obligatoire seulement pour les cours de religion jusqu’en 1990, fait partie aujourd’hui intégralement de l’uniforme scolaire.
Quelques chiffres parlants
Depuis quatre ans, les syndicats enseignants, les parents et professeurs, et organisations de société civile progressistes ne cessent de tirer les sonnettes d’alarme.
Depuis 2012 l’Education nationale est passé au système 4+4+4 (primaire, secondaire, lycée obligatoires), un pas de plus dans la main mise de l’AKP sur le sytème éducatif.
Si tous les ans Erdogan réunit en son palais les élèves des meilleurs écoles imam hatip, par centaines, avec une grande organisation, ce n’est pas pour rien. Pour les jeunes, c’est un honneur d’être invités à cette réception, et pour les dirigeants cet événement a son importance, car les imam hatip sont les viviers de l’AKP.
Des écoles à gros budget sont donc construites et ouvertes.
Par exemple, le lycée imam hatip de Başakşehir ouvert en 2013 à Istanbul est la « vitrine » de ce système éducatif orienté. Les 2500 élèves de l’école, installée sur un terrain de 25 hectares, et de 60 mille m2 bâtis, peuvent bénéficier de 104 classes, 8 classes audiovisuelles, 10 laboratoires, 2 bibliothèques, 4 cantines, 4 salles de sport de 1400 m2, 5 salles d’entrainement, terrains de football, de basketball, de tennis de table, sanitaires sportifs, 3 espaces de repos, et une salle de conférence de 8.800 m2… Il y a également un pensionnat de 66 chambres pour 265 élèves, et des classes d’études et des pièces de repos sont à leur disposition. Le projet a été financé par la Mairie de Başakşehir : Mevlüt Uysal, Maire AKP.
Maire de Başakşehir Mevlüt Uysal, devant les maquettes du Lycée imam hatip, Emin Saraç
Tous les moyens sont mis donc pour genre de projets. Mais il n’y a pas que de nouvelles créations. En 2014, 940 écoles primaires et 1477 lycées publics ont été transformés en imam hatip, souvent sans prévenir les parents, et parfois en une nuit…. On oblige de fait, les familles qui ne veulent pas envoyer leur enfants dans des écoles religieuses, à les inscrire » dans des structures privées, seul recours, et celles qui n’ont pas les moyens, déménagent dans des quartiers où leurs enfants peuvent accéder encore à des écoles publiques qui restent. Tout ceci contribue également à la gentrification de certains quartiers et villes. La suppression progressive de la mixité accompagne ce mouvement…
Depuis début juin 2016, une vague de contestation contre les politiques d’enseignement de l’AKP gagne les lycées publics et privés. Les élèves de près de 400 lycées ont publié l’un après l’autre, des communiqués dénonçant leur administration.
Pour boucler la boucle, voici le témoignage d’une enseignante d’imam hatip publié sur Haber Sol :
Les organisations religieuses dans les écoles
Des organisations de société civile et fondations intégristes sont dans les écoles, y compris la fondation Ensar, dont le nom est venu récemment dans l’actualité avec un affaire de viols et agressions sexuels en série.
Il y a des collectes de dons, des affiches clairement orientées sont fournies par des organisations extérieures à l’école, « le musulman ne fête pas le réveillon de nouvel an », « comment un musulman doit passer ses 24h » ou encore des prières collées sur les photos d’Atatürk afin de cacher le portrait…
A certaines dates précises, comme « la Semaine sainte de naissance » où on fête depuis quelques années l’anniversaire de Mahomet1les enfants font des activitésavec des tenues religieuses, flambeaux en main, disant des allahu akbar.
Bien qu’il existe un « mescit » [petite mosquée]dans l’école, certains enseignants préfèrent prier dans la salle des enseignants hommes, et portes ouvertes de préférence. Les salles des enseignantes sont séparées, d’ailleurs elles ne sont pas bien vues dans ces écoles.
Les enfants sont invités à des rencontres-échanges organisés à la Fondation Ensar, par des membres qui entrent jusqu’à dans les classes.
L’AKP n’a pas d’activité direct avec les enfants, mais chaque élève a des fournitures signés AKP, et l’Adjoint directeur emmène les enfants aux meetings de l’AKP et à d’autres activités, dans des véhicules de la Mairie.
Dans les écoles de quartiers pauvres, les rencontres-échanges sont organisés dans les mescit, comme des goûters où les enfants accèdent aux gâteaux, jus de fruits…
Le formatage des enfants
Les horaires de cours et pauses sont calés sur les heures de prière. Les classes sont vidées et les enfants sont envoyés à la prière. Des prières de groupe sont effectuées dans la cour de l’école et toutes les semaines, dans différents étages de l’école.
Les enfants sont motivés par des phrases comme « Vous êtes les meilleurs, votre diplôme sera votre référence » et les élèves des autres écoles sont continuellement abaissés.
La critique des autres religions et autres branches de l’islam sont aussi des instructions courantes données aux enfants. La laïcité est présentée comme « européenne », qui fait la propagande de l’occident. On enseigne aux enfants que la vie sociale doit être organisée par rapport à la religion, que Atatürk avait transformé les mosquées en étables, qu’il a anéanti notre religion grâce à la reforme de l’alphabet, et qu’il a interdit le foulard. Les enfants apprennent que la laïcité ne peut pas exister, que l’Islam se réveillera en Turquie et qu’un état islamique sera fondé.
Si la Charia était là, Özgecan ne serait pas morte
Les élèves pensent et expriment qu’Özgecan Aslan ne serait pas morte si la Charia était en vigueur, « car elle ne serait pas dehors à cette heure là, portant ces vêtements »
Quand on leur parle du scandale de viol concernant la fondation Ensar, ils sont capables de répondre que les enfants qui ont été violés étaient des membres de la confrérie Gülen3.
Les élèves disent que l’homme et la femme ne peuvent pas être égaux, et que les enseignantes ne doivent pas travailler dans les écoles imam hatip.
Prendre les armes
L’activité des syndicats d’opposition sont empêchés. Je suis arrivé un jour avec un badge de mon syndicat, sur lequel on voyait « Nous voulons un enseignement et une vie laïcs ». Suite à la question d’un élève j’ai fait quelques explication. L’élève a réagi agressivement « La laïcité ne doit pas exister, la Charia sera fondée. Soyez reconnaissante nous aimons notre pays, sinon on prendrait les armes et…… »Quand j’ai demandé « et tu ferais quoi ? », il s’est tu.
Un enseignant d’une matière professionnelle ne supportant plus l’ambiance, a fini par démissionner.
Les parents des élèves sont importants pour la direction de l’école. Leurs demandes sont prises très au sérieux et beaucoup de choses sont mises de côté pour qu’ils gardent leurs enfants à l’école imam hatip, quitte à effacer les registres d’absence le l’enfant…
Et nous ne parlerons pas des programmes et des contenus de façon détaillée, dans cet article déjà très chargé.
Sachez quand même que les enfants de ministres et de « dignitaires », continueront à être envoyés dans les meilleures écoles à l’étranger, à croire que les dirigeants eux mêmes savent qu’ils forment là des générations « formatées ». On peut facilement prévoir un abaissement général du niveau « intellectuel et culturel » dans ces générations sacrifiées à l’idôlatrie bigote… Générations qui, rappelons le, n’en sont pas moins de plein pied dans la « consommation » mondialisée, second formatage.
Les anti islam de tous poils trouveront sans doute matière dans cet article à exercer leurs dérives xénophobes habituelles. Nous leur rappellerons qu’il est des pays européens bien catholiques, dont le système scolaire est au plus bas, du fait de l’intervention religieuse majoritaire en leur sein, et où, se développent si facilement les mêmes replis identitaires.
L’obscurantisme et l’ignorance, le fatalisme religieux ont toujours été des armes de gouvernement des pouvoirs à vocation totalitaire. Tout comme la place à portion congrue donnée à la femme dans ces idéologies religieuses.
Dans la situation propre à la Turquie, avec à ses portes la caricature même de ces idéologies, on ne peut qu’espérer un sursaut des générations qui jusqu’ici ont échappé à cette emprise, tout comme de ce qui reste du système éducatif « indépendant » qui se défend toujours.
Kedistan
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