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Panama Papers : le paradis des riches fait le malheur des autres

"Les impôts paient les hôpitaux" clame la pancarte de Chisomo Bullah, militante au Malawi, qui a eu le bras cassé dans un accident de voiture. - See more at: http://www.peuples-solidaires.org/2016/04/panama-papers-et-justice-fiscale#sthash.1YBHUHGY.dpuf (Crédit image : Action Aid)

"Les impôts paient les hôpitaux" clame la pancarte de Chisomo Bullah, militante au Malawi, qui a eu le bras cassé dans un accident de voiture. - 

Ce n’est pas un hasard si nos collègues d’ActionAid Nigeria ont été parmi les premiers à réagir aux révélations des Panama Papers. Dans ce pays où 110 millions de personnes vivent dans la pauvreté, les fuites de revenus fiscaux privent l’Etat de ressources qui devraient financer les services publics les plus essentiels (1). Le Nigeria n’est malheureusement pas un cas isolé.

Agissez maintenant contre l’évasion fiscale des multinationales : signez notre pétition pour la transparence

Grâce au travail salutaire du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), les paradis fiscaux sont sous le feu des projecteurs. Dans le contexte des Panama Papers, les recommandations de la « Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires » et de la campagne internationale « Tax Power, pour la justice fiscale » sont plus que jamais d’actualité.

Qui sait que les pays en développement sont les plus durement touchés par l’hémorragie fiscale internationale ?

« Au final, ce sont les populations les plus vulnérables des pays en développement qui sont les plus pénalisées par l’évasion fiscale. Qu’il s’agisse d’éducation, d’infrastructures routières ou de santé, les carences des services publics essentiels frappent en premier lieu les plus pauvres », rappelle Lison Rehbinder, chargée de mission Justice fiscale pour Peuples Solidaires – ActionAid France (2).

Les multinationales aussi

Si le scandale des Panama papers concerne avant tout les pratiques d’individus fortunés, les enquêteurs des Panama Papers font aussi quelques révélations sur l’évasion fiscale des entreprises multinationales, parmi lesquelles :

  • une entreprise de diamant, opérant en Sierra Leone, qui utilise les paradis fiscaux pour camoufler ses activités financières ;
  • le montage offshore complexe créé dans le cadre de l’investissement d’une société minière dans le plus grand gisement de minerai de fer du monde, en Guinée.

Dans ces deux pays, qui avaient été très sévèrement touchés par le virus Ebola, ActionAid a montré que l’évasion fiscale était supérieure aux dépenses de santé (3).

Les révélations qui concernent des personnalités connues du public frappent les esprits et scandalisent légitimement l’opinion publique. Pour autant, l’évasion fiscale des multinationales est au moins aussi grave, si ce n’est davantage, tant par son ampleur que par ses conséquences. Si certaines grandes entreprises usent de méthodes « offshore », la plupart agissent surtout via des pratiques complexes et opaques d’optimisation et de chalandage fiscal pour échapper à l’impôt dans les pays où elles opèrent, même si ceux-ci sont parmi les plus pauvres du monde, comme le Malawi (4). Au total, d’après le FMI, l’évasion fiscale des multinationales coûterait 180 milliards d’euros par an aux pays en développement.

La transparence s’impose

Les paradis fiscaux sont une faille importante du système fiscal international, mais pas la seule.

Quelques jours avant les Panama Papers, Peuples Solidaires – ActionAid France a ainsi lancé une mobilisation pour que les grandes entreprises soient contraintes à davantage de transparence, via notamment une pétition en ligne qui a déjà recueillie plus de 20 000 signatures (cliquer ici pour la signer à votre tour).

L’enjeu est de taille : le projet de loi Sapin « relatif à la lutte contre la corruption et la transparence de la vie économique », que les parlementaires s’apprêtent à étudier, est l’occasion d’imposer cette transparence aux grandes entreprises.

Autre faille du système : les conventions fiscales

« La révélation, par les Panama Papers, que certaines personnes privilégiées et des sociétés – parmi lesquelles il y aurait des Nigérians occupant des postes à responsabilités – sont impliquées dans les pratiques fiscales douteuses rend encore plus urgente la nécessité de revoir les lois et les conventions fiscales du Nigéria » a déclaré Ojobo Ode Atuluku, directrice d’ActionAid Nigeria.

Quelques semaines avant les Panama papers, ActionAid avait en effet révélé la façon dont les conventions fiscales entre pays permettent aux multinationales d’échapper à certains impôts(5). D’après cette enquête, la France a signé au moins 8 traités fiscaux qui pénalisent des pays tels que l’Ethiopie ou le Congo.

Ce que nous pouvons faire

« Je ne m’intéressais pas tellement à ce qui se passait. Mais j’ai pris conscience que je pouvais faire changer les choses » explique Tilvas Ngosa, militant pour la justice fiscale en Zambie (voir son témoignage en vidéo ici). Comme Tilvas, chacun-e, à son niveau, peut agir contre le scandale de l’évasion fiscale des multinationales.

Contre l’évasion fiscale des multinationales : il y a urgence ! Signez et diffusez notre pétition « Exigeons la transparence » et rejoignez la campagne « Tax Power, pour la justice fiscale »(6).

Peuples Solidaires

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Notes :

(1) Cf. Article et rapport Fuite de revenus. Comment un allégement fiscal accordé à des entreprises gazières européennes a coûté des milliards au Nigeria

(2) Voir notamment Le coût humain de l’hémorragie fiscale dans les pays en développement

(3) Cf. Dans les pays touchés par Ebola, l’évasion fiscale est supérieure aux dépenses de santé

(4) Cf. Article et rapport Le Malawi, un pays miné par une entreprise d’extraction

(5) Cf. Mistreated. How shady tax treaties are fuelling inequality and poverty

(6) La campagne « Tax Power, pour la justice fiscale » est la réponse d’ActionAid au scandale mondial de l’évasion fiscale. Coordonnée dans 23 pays sur quatre continents, elle mobilise toutes celles et ceux qui sont prêts à agir pour la justice fiscale. Voir les actualités de cette campagne.